Société immortelle - Âmes Jumelles - partie 2 (terminé)

Visite surprise

Je reconnais immédiatement la voix de Julian.  Il se tient au pied de la baignoire.  Je sais qu’il n’est pas celui du présent d’un simple coup d’œil.  Son style vestimentaire est beaucoup plus audacieux tout en étant aussi élégant et sombre.  La présence du jaune s’impose plus.  La coupe de son veston est moins conventionnelle, plus originale.  J’ai la nette impression que Josie est derrière ce changement.  Je sens toujours ce point dans ma poitrine.  Je sais qu’il n’est pas « mon » Julian mais je n’hésite pas à lui sauter au cou pour l’embrasser.  Il se laisse faire sans résister.  C’est si bon de sentir ses lèvres sur les miennes.  Je regrette presqu’il mette fin à notre b****r.

-          Comment tu arrives à faire ça, lui demandé-je.  Je croyais être la seule à pouvoir visiter les gens de cette façon. 

-          Je ne suis pas ici pour te révéler notre futur, mon amour.  Simplement pour te rassurer.

Je vois tout de suite qu’il me ment.  J’ouvre la bouche pour le lui dire quand il se met à rire.

-          Même ici, je suis incapable de te cacher quelque chose.  C’est incroyable, rigole-t-il.  Ça fait des années que tu me dis que tu as vécu un moment difficile cette nuit.  Que tu as vraiment cru que tout était fini pour nous, que tu te sentais sans espoir.  Mais tu mentionnes qu’une personne t’a remonté le moral et t’a convaincue de faire fi des ordres du Roi pour venir me retrouver.  Tu parviens toujours à masquer l’événement dans ton esprit, laissant filtrer seulement un ou deux détails à la fois.  Tes souvenirs sont toujours floues les rares fois que tu évoques le passage de cet homme dans ta vie.  Mais j’y sens toujours de l’amour, parfois de l’excitation.  Je t’ai même vue nue dans ta baignoire une fois. 

Il me regarde, penaud.  Je l’observe attentivement.  Je me retiens pour ne pas rire. 

-          Sérieusement, le taquiné-je.  Tu es ici parce que tu es jaloux de toi.

-          Je n’en suis pas très fier, avoue-t-il avant de m’embrasser pour se faire pardonner.  Sache que notre lien sauvera effectivement ma mémoire.  Mais ça ne sera pas sans conséquence.  Pour nous deux.  Si forts et si vulnérables, remember ?  Garde ça en tête.  Ça t’évitera peut-être de trop nous malmener.

Il m’embrasse à nouveau avant de disparaître.  Je suis encore confortablement installée dans la baignoire, l’eau chaude et la mousse montant dans mon cou.  Pourtant, je sens encore la pression des lèvres de Julian sur les miennes.  Comment pouvait-il voyager dans l’esprit des gens comme ça ?  Je sais que les Shamans, les Aruspi et les Pythie, dans la Smala, pouvaient développer un don de voyance.  La Pythie de Baltimore, que j’avais eu l’honneur de rencontrer lors de l’Assemblée, avait utilisé ce don devant moi pour visualiser ce que nous avions prévu faire Lucas et moi lors du bal de clôture.  Cela signifiait-il que Julian allait quitter la Congrégation pour faire le saut chez nos confrères les Enfants de Gaya ?  Après tout, il venait d’être trahi par ses propres alliés.  Mais encore là, le don de la Pythie se comparaît à celui que j’avais avant d’être une Âme Jumelle, à l’exception qu’elle le contrôlait, contrairement à moi.  Et elle était visiblement plus puissante que nous.  À moins que ce Julian venait de notre avenir éloigné, ce qui me semble plutôt encourageant.  Je range toutes ses réflexions dans un coin de mon esprit, jugeant préférable de trouver un moyen d’approcher Julian que d’en savoir trop sur mon futur.

Je sens le point dans mon cœur s’effacer.  Confusion, crainte, colère et faim envahissent mon esprit.  Julian est de retour et je suis aux premières loges de ses émotions. Je comprends qu’on lui a donné à boire lorsque la faim se calme.  Les premiers mois, nous savions automatiquement quand l’autre s’abreuvait sur un humain.  Avec le temps, ce geste banal a fini par passer inaperçu.  Le sang de vampire reste une entrée que l’autre détecte sans délai.  J’ignore ce qu’ils lui disent mais je le sens se calmer peu à peu.  Il n’estime plus que sa vie soit en danger quoiqu’il doute que la pièce où il se trouve représente un havre de paix.  Il se questionne sur la pertinence de sa présence en sol montréalais.  Il n’a visiblement aucun souvenir commun avec les gens à qui il s’adresse et ça le dérange.  Je sors de la baignoire pour me préparer à le reconquérir. 

Il me faut d’abord trouver la bonne robe, celle qui lui plaira à coup sûr.  Une robe qui rappellera à Julian qui je suis pour lui.  En fouillant dans ma penderie, je tombe sur la robe parfaite.  Sa soie blanche moule tout le haut de mon corps jusqu’aux genoux où la jupe devient ensuite plus large pour former de magnifiques vagues autour de mes pieds.  Un autre morceau de tissu descend de ma hanche droite se superposant à la robe dans une cascade encerclant la jupe.  Un ruban de fleurs bleues royales borde la cascade et les vagues ainsi que les bretelles s’attachant à la nuque, laissant mon dos nu.  Deux grandes fleurs sont brodées sur la soie délicate : l’une passe de ma hanche gauche à l’avant de ma cuisse tandis que l’autre monte de ma cheville droite jusqu’à mon genou.  Certains Immortels m’ayant fait danser la nuit du bal de clôture de l’Assemblée m’ont comparé à une déesse grecque.  Julian lui-même m’a avoué qu’il n’avait jamais vu plus belle femme au monde avant de poser les yeux sur moi cette nuit-là.  Pourtant, il n’avait pas réussi à surmonter sa jalousie pour me rejoindre sur le plancher de danse.  C’est toutefois resté le symbole de la naissance de notre histoire puisque c’est à ce moment qu’il a pleinement pris conscience qu’il me voulait pour l’éternité. 

En enfilant la robe, je me souviens que tout a commencé à Philadelphie, cette ville d’où vient son principal tortionnaire.  Le sait-il ?  Allait-il y voir le symbole de notre amour ou un rappel qu’il n’aurait jamais dû m’approcher ?  Je décide de miser sur nous.  Le Julian du futur m’a dit que je pouvais nous retrouver.  Mon cellulaire émet alors une sonnerie inattendue.  Je lève les yeux au ciel, sachant très bien qui m’appelle.  Il n’y a que Kat pour faire ça.

-          Je ne sais pas ce que tu fais, mais arrête ça tout de suite.  Ça perturbe sérieusement Julian, me reproche-t-elle.  Arrête de penser à lui.  Tu ne nous aides pas.

-          Je voudrais bien t’y voir, lui répliqué-je, agacée.  Je veux le voir.

-          Ce n’est clairement pas une bonne idée, murmure-t-elle.  Il n’est plus celui que tu connais.  Crois-moi.

-          Julian est toujours là.  Laissez-moi le retrouver.

Elle raccroche en s’excusant.  Je refuse de la croire.  Pour Julian et moi, tout ça n’a duré que quelques instants.  Surtout pour moi.  La visite de Julian me confirme que je dois le rejoindre, qu’il fallait que je sois auprès de lui pour le ramener à moi.  C’est la seule chose à faire.  Je rejoins Farouk à ma porte.  Il me jette un regard suspicieux.

-          C’est la robe que tu portais lors de ta danse avec Lucas à l’Assemblée.  Ça n’augure rien de bon.  Viktor a dit…

-          Je sais ce qu’il a dit.  Mais je veux aller chasser.  Tu ne vas quand même pas m’empêcher de m’alimenter, boudé-je faussement.  Tu m’accompagnes ?  J’ai vraiment besoin de me changer les idées.  S’il-te-plait, grand frère chéri.

Il hésite et finit par accepter de m’escorter au Festin Nu, le bar tenu par la descendante de Sakyu Sandrine Fleury.  Il serait alors plus simple pour lui de veiller à ma sécurité.  Sur place, je séduis hommes et femmes, les entraînant les uns après les autres dans ma suite VIP à l’étage, les excitant à outrance, les faisant bénéficier de mes caresses, les embrassant, m’abreuvant à leur cou, à leurs cuisses après leur avoir donner toutes formes de plaisir avant de leur remettre mon b****r pour les remercier de me nourrir.  Je déteste faire subir tout ça à Julian que je sens complètement paniqué.  Il pense qu’il devient fou.  Il ne comprend pas pourquoi il voit toutes ses images et ressent toute cette excitation en lui.  J’espère seulement qu’il ne m’en voudra pas trop d’avoir touché tous ces humains.  Surtout que je n’y prend vraiment pas de plaisir.  Je préfèrerais nettement être avec lui. 

Je sais que j’ai réussi mon coup d’éclat lorsque je vois Ethan qui nous attend à la sortie du bar.