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1738 Words
L O U I S E Je ne mène pas la meilleure vie du monde, mais je ne peux réellement prétendre être à plaindre. Le souci avec qui je suis, c’est que je suis riche, et que les riches, n’ont jamais le droit de se plaindre, pas vrai ? Il suffirait que j’achète un billet d’avion pour l’aventure et tous mes soucis disparaîtront, à les entendre. Surprise, dans la vraie vie, ce n’est pas aussi simple. Si je suis riche, c’est parce que j’ai hérité de la fortune de mes parents, décédés prématurément. Tous deux morts dans un crash d’avion, je ne me souviens même pas de la dernière fois où je les ai vus vivants, tellement j’étais dans tous mes états quand c’est arrivé. J’étais trop jeune pour les perdre, mais j’étais majeur. Personne n’avait de droit sur moi, même si la famille de mes parents s’est forcément empressée de venir me chouchouter dans un intérêt bien précis. J’ai donc appris à vivre seule, parce que je n’avais pas le choix, et je me suis rapidement rendue compte que j’ai fait de moi, une épave. Alors, ça pourrait être pire. J’aurais pu me réfugier dans la drogue et l’alcool, mais je me suis juste réfugiée dans les bars et les mecs faciles. J’ai goûté au sexe quand j’avais dix-huit ans, au départ dans l’intention de me sentir vivre, mais je ne me sentais rien du tout à part horriblement dégueulasse. Je me suis retrouvée dans des situations dangereuses, pour des choses auxquelles je préférais ne pas penser. Parfois, alors que j’étais dans le lit d’un homme riche, dans un hôtel de luxe, je voyais sa femme débarquer en furie dans la chambre, en me hurlant qu’elle me ferait tuer, moi qui avais brisé son ménage et sa famille. Je me suis également déjà surprise à être le centre d’une bagarre, quand deux hommes un peu trop en chien, finissaient par se cogner pour savoir lequel des deux me passerait dessus l’heure d’après, alors que ça aurait pu être les deux, parce que j’étais ouverte à toutes possibilités, perdue comme j’étais. J’ai fait face à des détraqués, et à un harceleur qui continu de me traumatiser aujourd’hui, mais qui depuis une semaine, ne s’est pas manifesté. Je suppose qu’il est en prison, peut-être qu’enfin, quelqu’un a écouté l’une de ses victimes, parce que ce n’est pas mon cas. Moi, je n’ai qu’à pas b.aiser avec le premier venu. Je n’ai qu’à pas mettre de robes ou de jupes, et je devrais penser à ne pas mettre de maquillage, vous savez, les hommes, ils sont attirés par tout ça, il ne faut pas s’étonner de finir violée, Madame. Parce que oui, il m’a violée un jour où il est rentré chez moi sans que j’aie la force de le mettre dehors. Ce jour-là, je crois que ma vie a pris un tout autre tournant. Les hommes étaient tous les mêmes, et moi j’étais qu’une p.ute, alors de quoi j’avais le droit de me plaindre ? Je n’ai parlé à personne de ce viol, parce que quand je parlais de mon harceleur, on me riait à la figure, en me disant que j’en faisais des tonnes, qu’il était amoureux de moi, que je devais y mettre du mien. Tout ce que j’ai fait, c’est retourner à la police pour me faire humilier une nouvelle fois. – … c’est Joseph Tyler ! Je cligne des yeux pour sortir de ma pensée et le retour à la réalité est fort v.iolent. Je suis dans ma robe noire, moulante, qui s’étend jusqu’à mes tibias. Les chevilles croisées dans mes hauts talons Yves Saint Laurent, mes longs cheveux blonds sont relevés dans une coiffure que j’ai fait faire chez le coiffeur très tôt ce matin. Dans mes mains, je tiens une coupe de champagne, mes bijoux brillants de mille feux autour de mes poignets, mes doigts, mon cou et mes oreilles. C’est Joseph Tyler, vous entendez ? Moi, je ne le connais pas personnellement, mais j’aimerais bien, maintenant que je le vois. Je me penche doucement sur la gauche, sans peur de me faire remarquer par le type. Son smoking est sur mesure, ses cheveux sont bouclés, lâchés sur ses épaules et noirs. Il a l’air musclé et grand. Il est tatoué. Des dessins dépassent de ses manches et le tour de son cou est noirci par de l’encre. Je me redresse. Il m’a remarquée. Je bois ma coupe sans un mot, et je la pose sur le plateau d’un serveur qui vagabonde entre les invités depuis des heures. J’étale ma robe sur mes formes, puis inspirant intensément, je décide de m’éloigner de la troupe avec laquelle je traîne depuis le début du mariage. – Louise ! Me hurle après Cloé. Viens là que je te présente ! Cloé est la mariée du jour. Nous étions ensemble à l’université. Je ne voulais pas me présenter à son mariage, mais je savais qu’elle le vivrait mal, alors je suis là, à me faire traîner face à ce Joseph. – Voilà, dit Cloé. Louise, Jo, Jo, Louise ! Les yeux légèrement plissés, je penche doucement la tête sur la droite. Ses yeux verts sont si perçants que l’on croirait qu’il porte des lentilles. C’est lui qui a demandé à ce qu’elle me présente, ou c’est elle qui joue les cupidons ? – Enchanté, me dit Joseph en sortant la carte du b***e-main. Voyant clair dans son jeu, je ne lui réponds pas et je lui reprends ma main. – J’ai visité ta galerie, me dit le bouclé une fois seul à seul. C’est sombre, ce qu’il se passe là-dedans, tu ne trouves pas ? Il demande. – Tu peux avoir plus facile que moi, ce soir, je lui dis. – C’est toi que je veux, il répond. On a déjà couché ensemble, tu t’en souviens ? Le bouclé pose la question en ingurgitant son verre de gin d’un trait. Il secoue doucement la tête, puisque, habitué ou non, ça picote toujours un peu de faire ce genre de pratique. – C’est comme ça que tu fais ? Je demande en riant doucement. – J’ai déjà couché avec toi, il me répète. Mais tu étais bourrée, il avoue. Les chances de te recroiser un jour étaient minimes, pourtant tu es là, et tu es ravissante. – Prouve-le, je le tente. – Prouver quoi ? Il questionne. Que tu es ravissante, ou qu’on a baisés ? – Que l’on a couché ensemble. Joseph rit doucement. Il s’approche d’un pas, n’hésitant pas à m’intimider au passage, mais pas dans une mauvaise intention. Il veut juste atteindre mon oreille avec sa bouche. – T’en reveux ? Il demande. Je ne dis rien, le laissant serpenter sa main sur les courbes de mon corps pour finir par appuyer son index dans le creux de mes reins. – Mon petit doigt me dit qu’il y a un tatouage à cet endroit précis, chuchote Joseph à mon oreille. Quelque chose en français qui dit b***e-moi. Il se redresse, me regardant, mais moi, tout ce que je fais, c’est regarder son cou tatoué. Ça me revient, maintenant. Par bribes, mais c’est là. Je connais ce que je vois et l’odeur de son parfum éveille mes sens. D’autant plus que la courbe parfaite de sa mâchoire, je me souviens l’avoir maltraitée durant la moitié de notre nuit passée à deux. – T’en reveux ? Je demande les yeux figés sur sa bouche. – Non, il répond, j’ai une petite amie, j’essaye de rester fidèle. Je regarde ses yeux. Le petit sourire sur ses lèvres me laisse prendre ce qu’il me dit comme un défi, mais je ne veux plus être cette femme. Je n’ai pas baisé depuis des lustres, et à force de me prendre des insultes de femmes trompées en pleine rue, je me suis jurée que plus jamais je ne ferais ça. – Dommage, je chuchote. Là, il rit nerveusement. Ses lèvres bien trop proches de mes yeux, bien trop proches de moi, bien trop proches de tout. – Tu te souviens, maintenant ? Il me demande en replaçant correctement les diamants du collier que je porte pour justifier notre proximité auprès des invités. On a beaucoup parlé, cette nuit-là, il me dit. J’en ai écrit une chanson, et comme tu es française, je l’ai appelée ; Sous tes draps, part one. Parce que je sais très bien qu’il y aura trente millions d’autres parts. Nous sommes à Londres. Mes parents sont des Français qui ont toujours vécus ici. J’ignore comment il le sait, mais j’imagine que j’ai dû lui dire lors de cette nuit dont il parle. J’ignorais qu’il était compositeur, mais pour ma défense, j’ignore même qui il est tout court. – Tu es encore plus jolie sobre, me dit Joseph. Je recule d’un pas. – Je serais éternellement jaloux de celui qui aura la chance de partager sa vie avec toi, il ajoute. Qu’est-ce que j’ai bien pu lui dire pour qu’il me raconte tout ça ? – Sur ce, bonne soirée, Madame, il souffle. Je dois rester concentré, alors je vais devoir t’éviter toute la soirée parce que sans ça, je tromperai ma meuf à coup sûr. Je ne dis rien. – Le noir te va à merveille, ajoute Joseph. Ne cesse jamais d’en porter, tu rayonnes. Il s’éloigne, et il ne faut pas longtemps avant que je me fasse encercler par les filles qui me demandent ce qu’il a pu me dire. Dans tous mes états, mais pas pour les raisons évidentes, je secoue doucement la tête et je décide d’aller dans les toilettes afin de prendre cinq minutes pour moi. Je fouille dans mon téléphone, espérant trouver quelque chose qui me mettrait sur la piste de ce mec, mais comme je ne garde jamais rien de mes coups d’un soir, je ne trouve pas grand-chose là-dedans. Je soupire, et je me mouille un peu le visage, veillant à ne pas saccager mon maquillage. Je coince des mèches rebelles dans mes barrettes et je souffle un bon coup. C’était qu’une coïncidence de le voir ici. Je ne le reverrai jamais, après ce soir. Je n’ai pas l’habitude de recroiser mes coups d’un soir, ou du moins, pas l’habitude qu’ils viennent me rappeler que nous avons passés une nuit ensemble. Ça n’est jamais arrivé, pour être totalement honnête. Il est le premier à me faire le coup.
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