Chapitre 12

1498 Words
Guilia servit les plats. Un rôti aux herbes, des légumes parfaitement cuits, un vin rouge italien. Elle essayait de faire comme si tout allait bien, comme si ce dîner était normal. - Alors, Amaya... tu prends encore des nouveaux patients en ce moment ? demanda-t-elle, tentant d'engager une conversation légère. - Non. J'ai dû refuser quelques rendez-vous, ces derniers temps. Trop de choses à gérer, répondit Amaya doucement. Lorenzo leva légèrement un sourcil. - Trop de choses à gérer... ou trop de choses à cacher ? murmura-t-il, presque pour lui-même. Amaya tourna brusquement la tête vers lui. Guilia, qui n'avait pas bien entendu, demanda : - Tu disais quoi ? - Rien, répondit-il, en se resservant du vin. Juste une remarque sur le métier de coach. C'est compliqué, j'imagine. Plein de responsabilités. - Oui, dit Amaya, sans ciller. Et parfois, il faut aider des gens qui ne veulent même pas être aidés. Lorenzo esquissa un sourire. Bref. Tranchant. Presque amusé. - Heureusement que ce n'est pas mon cas. Guilia les regardait l'un puis l'autre, sans comprendre ce qui se jouait devant elle. Elle crut percevoir une tension mais préféra ignorer. - Je voulais qu'Amaya te parle, Lorenzo, dit-elle en posant sa main sur celle de son mari. Je pense que tu pourrais bénéficier d'un vrai échange. Vous êtes tous les deux intelligents. Et peut-être qu'elle t'aiderait à y voir plus clair. Lorenzo se dégagea doucement. Il attrapa sa serviette, s'essuya les lèvres, puis reposa son regard sur Amaya. - Je n'ai besoin d'aucun coach. Ni d'aide. Surtout pas de ce genre d'aide. Amaya le fixa en silence. Elle sentait l'humiliation monter. Mais elle garda la tête droite. - Si tu veux tout gâcher, tu peux le faire seul, murmura-t-elle. Il se leva lentement. - Je ne gâche rien. Je trie. Je nettoie. Et je coupe ce qui est inutile. Puis il quitta la table sans un regard pour Guilia. Un silence glacial s'abattit dans la pièce. Guilia, bouleversée, essaya de sauver la soirée en souriant timidement à Amaya. - Je suis désolée. Il est... difficile. Mais au fond, je sais qu'il souffre. Amaya la regarda longuement. Et pour la première fois, elle ne sut pas quoi répondre. Guilia jeta un coup d'œil vers les enfants. - Allez, les petits, au lit maintenant. Sofia fronça le nez. - Mais je veux dire bonne nuit à papa d'abord. Leo leva les yeux vers sa mère. - Il est où ? - Il doit être dans son bureau, répondit Guilia en soupirant. Sans attendre, les enfants se mirent à courir dans le couloir. Guilia se tourna ensuite vers Amaya. - Viens avec moi. Tu vas parler avec Lorenzo. Moi, je vais coucher les enfants. Ça ne prendra pas longtemps. Amaya hésita, mais hocha la tête. Elle se leva, la gorge serrée. Elle n'avait pas envie. Pas ce soir. Pas maintenant. Mais elle n'avait pas le choix. Elles traversèrent le couloir et arrivèrent devant une grande porte en bois sombre. Guilia l'ouvrit doucement. Lorenzo était assis dans un fauteuil en cuir, ses enfants sur les genoux. Il les couvrait de baisers, et les rires de Sofia et Leo résonnaient dans la pièce, clairs et sincères. Amaya s'arrêta un instant sur le seuil. Cette image, elle ne s'y attendait pas. Elle ne le voyait pas comme ça. Elle sentit quelque chose s'effondrer en elle, une barrière ou peut-être une illusion. Guilia sourit. - Allez, les enfants. C'est l'heure. - Bonne nuit, papa ! lança Sofia en l'embrassant une dernière fois. - Bonne nuit, mon cœur, dit-il en caressant ses cheveux. Leo sauta au sol en riant et attrapa la main de sa sœur. Guilia les appela d'un geste. - Avant de partir, venez dire bonne nuit à Amaya. Sofia courut jusqu'à elle. - Bonne nuit, madame Amaya ! Leo, plus timide, la regarda, puis souffla : - Bonne nuit... Amaya sourit, touchée. - Bonne nuit à vous deux. Les enfants s'éloignèrent en courant, et Guilia, avant de sortir, lança à Lorenzo : - Je te laisse. Amaya va faire une petite séance avec toi. Elle referma la porte derrière elle, les laissant seuls dans la pièce. Un silence épais s'installa. Ils se fixaient. Le regard de Lorenzo était direct, dur à soutenir. Amaya s'avança d'un pas, sans trop savoir quoi faire de ses bras. - Tes enfants sont adorables. Lorenzo ne répondit pas. Il se contenta de la regarder, un sourcil légèrement relevé. - Ce manoir est immense... J'ai cru que j'allais me perdre. Et je n'ai pas vu de gardes, pourtant j'imagine qu'un homme comme toi en a ? Il haussa les épaules. - J'ai des hommes partout. Si tu ne les as pas vus, c'est qu'ils font bien leur boulot. Amaya baissa légèrement les yeux. Elle sentait son regard sur elle. Il ne la lâchait pas. Il la scrutait, comme s'il lisait à travers ses vêtements, à travers son calme apparent. Elle déglutit. La tension entre eux était insupportable. Mais elle savait qu'elle ne devait pas fuir. Amaya inspira discrètement, puis s'assit sur le fauteuil en face de lui. Le bureau était silencieux, à peine éclairé par la lumière tamisée d'une lampe posée sur un meuble ancien. Lorenzo s'était adossé, les jambes croisées, le regard fixe. Elle sortit un petit carnet de son sac, se pencha légèrement en avant. - On va commencer la séance. Ce ne sera pas long. L'idée, c'est d'échanger. De mettre des mots sur... - Sur quoi ? coupa-t-il, la voix grave. Sur mes problèmes ? Mes traumatismes d'enfance ? Ma relation avec ma mère ? Il eut un petit rire sans joie. - C'est ça que tu veux ? Que je parle de mon passé ? De ce que j'ai vu, de ce que j'ai fait ? Amaya serra les dents. Elle garda le cap, professionnellement. - Non. Pas forcément. L'idée c'est de te laisser t'exprimer, sur ce que tu ressens... sur ce que tu vis en ce moment. Guilia a dit que vous traversez une période difficile. Il la fixa longuement, sans répondre. Puis il se pencha légèrement, le coude posé sur l'accoudoir. - Ce que je vis en ce moment... tu veux dire, avec ma femme ? Ou tu veux dire... ce qu'on a vécu, toi et moi ? Amaya sentit le rouge lui monter aux joues. Elle garda son calme. - Ce n'est pas le sujet. - Bien sûr que si, dit-il en un murmure. T'as pas cessé d'y penser depuis que t'as franchi cette porte. T'as eu peur de tomber sur moi, t'as imaginé ce moment, et maintenant tu fais comme si rien ne s'était passé. Elle se redressa, refermant son carnet. - Lorenzo. Ce n'est pas un jeu. Je suis venue ici dans un cadre professionnel. Pour aider Guilia. Pas pour... ça. Il haussa un sourcil. - T'appelles ça "ça" maintenant ? C'était plutôt intense pour un simple "ça", non ? Le genre de moment qu'on n'oublie pas facilement. Surtout quand on a crié comme toi. - Lorenzo ! Sa voix avait claqué, plus sèche qu'elle ne l'aurait voulu. Il la regarda, satisfait. Elle était déstabilisée, exactement comme il le voulait. - Tu vois ? Tu perds ton contrôle. Tu veux jouer à la psy alors qu'on sait tous les deux ce que t'es venue faire ici. - Je suis venue t'aider, répéta-t-elle, plus doucement, en essayant de reprendre le dessus. Parce que Guilia me l'a demandé. Et je compte honorer ça. Si tu ne veux pas parler, tu me le dis. Mais épargne-moi tes provocations. Il se redressa lentement, la regardant avec une intensité presque animale. - Très bien. Parlons. Tu veux savoir ce que je ressens ? Je ressens que j'ai envie de t'arracher ce chemisier. Là. Maintenant. Que depuis que t'es entrée dans ce bureau, je me demande si tu portes quelque chose sous ce pantalon. Amaya se leva d'un coup. - La séance est terminée. Mais il ne bougea pas. Il la regardait avec un calme effrayant. - Tu fuis, encore. - Je ne fuis rien. Je me respecte, Lorenzo. Ce que tu fais est malsain. Il sourit. Un sourire dangereux, lent. - Ce qui est malsain... c'est que t'en as envie. Et moi aussi. Elle le fixa, choquée. Un mélange de rage, de honte et de trouble la traversait. Elle ne savait plus où poser son regard. Amaya prête à quitter la pièce, le cœur battant et les joues brûlantes. Mais à peine avait-elle fait un pas que Lorenzo s'était déjà levé. Rapide. Précis. Il attrapa son poignet et la ramena d'un geste sec vers lui. - Tu vas où comme ça, hein ? Sa voix était basse, grave, pleine de cette arrogance qui la déstabilisait. Il la tenait contre lui, pas violemment, mais fermement. Trop près. Beaucoup trop près. - Tu me parles comme une psy, mais t'as les cuisses qui tremblent à chaque fois que je te regarde. Amaya voulut se dégager mais il raffermit sa prise, son souffle effleurant sa joue. A suivre
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