Un jour normal

2057 Words
« Biiibiiii biiiip biiiibiiii biiiip... » 7 h 00, un lundi qui commence, Diana éteint son réveil, frotte ses yeux et sort du lit : « Pffffouuu....allez nouvelle semaine » À 26 ans, Diana est une jeune femme assez séduisante, cheveux rouquins, yeux marrons, taille normale mais un peu ronde ce qui ne l'empêche pas d'être plutôt sportive. Elle passe la main dans ses ondulations pleines de nœuds, ses cheveux fins l'agace, elle aime les porter courts mais faute de temps, son dernier passage au coiffeur remonte à loin... Ses mèches rousses tombent sur ses épaules et lui chatouille le cou. Elle jette un œil à son reflet en passant devant sa coiffeuse, ses cernes témoignent de nuits agitées, la pleine lune lui fait toujours cet effet. Elle descend prendre une brique de jus d'orange avant d'aller dans sa salle de bain. Elle sait qu'aujourd'hui, la journée sera calme donc pas besoin de prévoir une tenue de rechange. Depuis deux ans, elle travaille comme aide à domicile dans une petite ville de campagne où elle s'occupe d'enfants, de personnes en situation de handicap et des personnes âgées. Et ça arrive régulièrement qu'elle doit se changer car certaines personnes sont très sales et leur lieux de vie également, parfois les odeurs de déjections, d'urine, de vaisselle sale ou de moisi restent. Même avec sa blouse de travail, Diana se sent sale et préfère se changer, surtout quand elle doit enchainer avec des enfants à aller chercher à l'école. Elle vit seule avec Merlin son chat. Un matou presque tout blanc, grand et costaud avec ses huit kilos, c'est le patron du quartier... Il ne miaule quasiment jamais et a parfois mauvais caractère un peu comme son humaine, il aime comme elle sa tranquillité et ses petites habitudes. Il est aussi bizarre qu'elle. Bizarre car Diana est autiste. Son diagnostique lui était tombé dessus un peu par hasard. Depuis petite elle se sentait à part, c'était "la bonne poire de service", la timide de son groupe de copines, l'intello à lunette, la coincée de service. Elle était dans son monde et surtout dans ses livres, ses parents ne s'inquiétaient pas car elle était intelligente, débrouillarde et hyperactive. Plus grande, elle n'aimait pas les fêtes, le bruit, l'odeur de l'alcool et des cigarettes et était plutôt casanière, son cercle d'amis était de plus en plus réduit. Une fois adulte, elle avait enchainé les petits boulots et les petits copains, n'arrivant jamais à garder longtemps l'un ou l'autre. Elle se lassait de ses collègues, ne supportait plus leurs contacts, n'arrivait pas à les comprendre malgré ses efforts. Au bout d'un moment, ça en était trop pour elle et elle finissait par démissionner. C'était une psychologue qui avait dit à Diana qu'elle était surement autiste et qu'elle n'était pas bizarre, c'est juste que son cerveau ne fonctionne pas pareil que les autres. Imaginez une petite route de campagne sinueuse ? C'est le chemin que prennent les informations qui arrivent dans le cerveau de Diana, mais elles vont souvent beaucoup trop vite, elles vont aussi vite que des voitures sur l'autoroute. Souvent les informations sont trop rapides pour le chemin emprunté et finissent dans le fossé. à l'inverse parfois elles vont aussi lentement qu'un tracteur et là, c'est le drame car Diana aime quand ça va vite, elle est impatiente et a horreur d'avoir le cerveau qui rame. Une autiste qui travaille dans le social ? Et oui, ça existe et c'est d'ailleurs plutôt fréquent car Diana, comme beaucoup de femme autistes en France, n'est pas diagnostiquée. Mais c'est pas l'heure de déblatérer sur ça. Retrouvons plutôt Diana en train de vite se préparer pour sa journée de travail. Elle adore dormir mais aime aussi prendre soin d'elle, ce qui lui cause d'affreux dilemmes : dix minutes supplémentaires de sommeil ou suivre ce tutoriel maquillage pour se faire un "foxy eyes" ? « Ça va Merlin ? Je suis crevée... J'en peux plus vivement ce soir. Bon ? Lunettes ou lentilles aujourd'hui? J'ai Lya à garder.. Il vaut mieux mes lentilles... Oups elle a faillit tombé... Au moins, elle me choppera pas les branches. Mon crayon noir ? Je le trouve jamais lui... Ho... Mes sourcils... Hola la, ils vont bientôt se rejoindre... Les boucles pareil, avec la petite vaut mieux ne pas mettre les pendantes... D'ailleurs en parlant bijoux, il faut que je te trouve un nouveau collier pour les puces » Après ne s'être maquillé que les yeux car sa bouche étant trop fine pour être mise en valeur, elle va direction le frigo prendre son repas pour le déjeuner. « Allez bloc de froid , sandwich, chocolat c'est bon, tout est prêt je met ça dans la glacière et c'est parti » Diana caresse Merlin pour lui souhaiter bonne journée et ferme sa petite maison de campagne à clef. Elle était très fière d'avoir réussi à trouver un travail où elle pouvait allier solitude et contacts humains à la fois, car grâce à ça elle avait obtenu de sa banque un crédit pour acheter sa jolie maison de campagne avec son terrain attenant. Bien sûr, c'était une veille bâtisse et il allait falloir des l****s de peintures pour la remettre à son goût; mais pour le prix elle s'estimait heureuse. Elle était en pierre, avec une terrasse qui donnait sur le jardin et le verger. Un petit garage séparé abritait sa voiture en hiver. L'intérieur était sombre mais elle prévoyait de peindre en gris clair des murs pour faire rentrer la luminosité. Une grande cheminé appelé "Cantou" abritait un poêle à granulés flambant neuf, cadeau de ses parents pour fêter sa nouvelle vie. Un canapé couvert de plaids et de coussins confortables ainsi qu'un fauteuil à bascule apportaient une ambiance chaleureuse, une grande étagère remplie de livres en tout genre délimitait le coin salon. Elle avait une petite télé posée sur un meuble, avec une plante verte juste à côté. Un bar séparait sa cuisine du reste de la pièce, c'était une cuisine en longueur et petite mais fonctionnelle, elle avait réussi à caser une table et quatre chaises devant le canton pour manger au chaud en hiver. Ce n'était pas encore très décoré mais elle aimait le style industrielle, qui allié moderne et ancien. Une fois sa demeure fermée, elle descend les escaliers de sa terrasse. Elle ouvre sa petite voiture grise un peu cabossée à cause d'automobilistes pas sympas. Diana avait du choisir entre une voiture ou une maison. Son choix s'était vite fait mais dans quelques années, il faudrait trouver une nouvelle voiture. Elle roulait bien, mais elle n'était plus toute jeune, en hiver elle avait trop froid et en été trop chaud. Elle était pratique pour se garer en ville mais pas pour faire de longs trajets car elle se trainait sur l'autoroute. Elle ne comptait plus les kilomètres qu'elle avait fait avec, c'était quand même une bonne voiture et pour une aide à domicile qui fait en moyenne 70 kms par jour, c'est important. Pour Diana, sa voiture c'est un peu une seconde maison. En sortant du village, elle pense à la tournure qu'a pris sa vie : elle a réussi à rester plus de six mois dans un boulot, boulot qui lui plait, elle vit à la campagne loin du stresse de la ville, elle a quitté pour de bon son ex petit-ami manipulateur et infidèle et elle n'a pas refait de dépression depuis un bout de temps. Elle avait traversé une période difficile auprès de son ex, elle avait failli tenter de se suicider tant cette relation l'avait perturbée, chantage, manipulations, cris, rabaissements, gestes violents, reproches... Son ex ne l'avait pas ménagée, à cette époque fragilisée par un décès brutal et ne sachant pas encore qu'elle était autiste, elle s'était laissée séduire par cet homme. Heureusement grâce à ses amis et sa famille, elle avait réussi à s'en sortir. Elle s'attachait vite aux gens mais s'en détachait aussi rapidement, ce qui était dans ce cas là un sacré avantage. Pour l'oublier définitivement, elle avait déménagé dans le Cantal de son enfance et s'était lancé dans ce projet d'acquérir une maison. Elle ne comptait pas rester seule toute sa vie, mais elle voulait avoir un chez elle pour se prouver que rien n'était impossible même en étant une femme, jeune, seule et bizarre. Sa nouvelle vie était peut être jonchée de factures imprévues, de travaux, de bricolages, de vieilles dames acariâtres , de pneus crevés, de mal de dos. Mais elle était aussi rempli de belles choses, des sourires, des bisous baveux, des cafés partagés avec un papy, des remerciements... Elle était appréciée par la plupart des personnes dont elle s'occupait et c'était réciproque. Elle ne comptait pas les précieuses minutes supplémentaires à finir de lire une histoire à une petite fille, terminer le repassage des derniers vêtements d'une dame aveugle ou de faire un détour pour poster la lettre d'une grand-mère à son petit-fils. Le seul regret de Diana est de ne pas avoir déménager dans le Doubs, pour être proche de sa sœur et ses merveilleux neveux et nièces. Sa famille lui manque souvent, mais c'est ça être adulte, à bientôt vingt-sept ans dans quelques mois elle ne s'était jamais sentie aussi "responsable", elle avait toujours été très mature mais elle n'avait jamais eu à gérer autant de responsabilités. Même au travail, veiller sur des enfants, aider une personne à s'habiller, veiller à son hygiène, donner le biberon à un bébé, remplir des papiers pour une personne malvoyante. Ce n'est pas rien. Et puis d'un point de vue personnelle, tenir ses comptes, garder sa maison propre, entretenir son jardin, faire des papiers...c'est pas de tout repos. Sa première intervention est dans la ville à côté chez une maman en fauteuil et sa petite fille de 6 mois. Ce lundi commence plutôt bien pour notre jeune héroïne du quotidien. Est ce que ça va durer ? « Mais AVANCE !!!!! Bon sang ! LE CLIGNOTANT!! » comme beaucoup de personnes Diana n’est pas des plus patiente en voiture..elle a beaucoup de mal à gérer le stresse, les imprévus, les personnes inconscientes ou trop lentes.. Elle arrive à l’heure chez sa premiere bénéficiaire de la semaine, une bébéficiaire vu que la petite Lya tient dans ses bras. Elle voit que sa maman a déjà sortie son fauteuil electrique devant la porte, elle prevoit une promenade. Elle toque doucement à la porte : « Bonjour, vous allez bien ? - ça va et vous ? - oui parfait, Lya est réveillée ? - ho oui.. depuis 7 heures ce matin, elle rigole toute seule » Diana sourit, cette poupette est un rayon de soleil. Elle a bien boulversé la vie de ses parents au début, en se cachant pendant 6 mois…sa mere se demandait encore comment son corps difforme et frêle avait fait pour faire grandir un bébé sans grossire..elle faisait 43 kilos à peine et Lya en faisait deux kilos six cent à la naissance, l’obstetricien qui l’avait sortit par césarienne n’expliquait pas ce miracle. La maman n’avait pris que deux minuscules kilos en presque neuf mois. Ses parents une fois le choc passait avaient tout fait pour assumer ce cadeau du ciel et lui donnait le meilleur. Ils se battaient au quotidien contre les présjugés des gens, des professionnels, de la familles…deux handicapées qui font un bébé ? Irresponsables disait certains..les assistantes sociales ne les lacher pas pour être sur qu’ils savaient s’en occuper … mais Diana trouvait ça beau et normal et elle se battrait aussi si il le fallait pour soutenir ses jeunes parents. Elle entre dans la chambre et se penche au dessus du lit à barreaux pour prendre la petite dans les bras : « Coucou Lya ! Alors tu fait pas de grasse mat ? » elle essayait de ne pas prendre une voix stupide comme la plupart des gens pour parler au bebe mais c’est dur de résister : «on change la couche sale ? Allez on enleve tout ça, tu vas pas rester en pyjama ? Hein Choupette ? » Ces deux heures d’interventions passent vite, entre changer les couches, se promener, jouer et le repas elle n’a pas une minute à elle. Apres un dernier sourire à la petite, Diana la pose dans le parc et salue la maman en lui souhaitant une bonne journée.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD