Prologue
Le Krinar descendait une rue de Moscou en observant silencieusement la foule des hommes et des femmes fourmillant autour de lui. Sur son passage, il pouvait voir la peur et la curiosité sur leurs visages, et sentir la haine qui venait de certains passants.
La Russie était l’un des pays qui avaient résisté le plus, et où les ravages de la Grande Panique avaient été les plus meurtriers. Ayant un gouvernement très corrompu et une population qui se méfiait de toute forme d’autorité, de nombreux Russes avaient pris l’invasion Krinar comme excuse pour piller à volonté et pour amasser autant de provisions que possible. Même aujourd’hui, plus de cinq ans après, certaines vitrines étaient encore vides à Moscou et le ruban adhésif sur leurs vitres témoignait des mois tumultueux qui avaient suivi l’arrivée des Ks.
Heureusement, l’air de la ville était plus pur maintenant, moins pollué que dans les souvenirs du Krinar qui remontaient à quelques années. À cette époque, un lourd brouillard de fumée pesait sur la ville, ce qui l’irritait considérablement. Ce smog ne pouvait rien lui faire, mais le Krinar préférait de loin respirer un air moins chargé en particules d’hydrocarboné.
En s’approchant du Kremlin, il mit la capuche de son blouson et essaya de ressembler autant que possible à un homme, faisant particulièrement attention à ses mouvements, marchant plus lentement et moins gracieusement. Il n’avait pas d’illusions, les satellites K l’observaient à ce moment précis, mais personne dans les Centres n’avait la moindre raison de le soupçonner. Ces dernières années, il avait veillé à voyager aussi souvent que possible, apparaissant fréquemment dans les grandes villes de la Terre pour telle ou telle raison. De cette manière, si quelqu’un voulait étudier son comportement, ses plus récentes expéditions ne provoqueraient aucune inquiétude.
Mais personne ne chercherait à le profiler. De l’assentiment général, les Krinars qui avaient aidé la Résistance (on les appelait les Keiths) étaient tous hors d'état de nuire en prison et c’était le pauvre Saur qui était considéré comme coupable de les avoir rendus amnésiques. Même si le K l’avait lui-même orchestré ainsi, le résultat n’aurait pas pu être plus avantageux pour lui.
Non, il n’avait pas besoin de dissimuler son identité aux caméras Krinar qui l’observaient dans l’espace. Son but était de tromper les caméras des hommes installées tout autour des murailles du Kremlin, si jamais les dirigeants russes s’inquiétaient avant qu’il n’ait le temps d’aller dans les autres grandes villes.
Le K sourit et feignit de n’être qu’un touriste comme un autre tout en marchant tranquillement autour de la Place Rouge tandis que les semelles de ses chaussures martelaient le trottoir et disséminaient de petites capsules contenant une ère nouvelle dans l’histoire de l’humanité.
Quand il eut fini, il retourna au vaisseau qu’il avait laissé à proximité dans l’une des allées.
Demain, il reverrait Mia.
Saret brûlait d’impatience.