Duel d'Obstination

Chapitre 2 Isis

Isis

- Je vais changer de robe.

- Pourquoi ?! s’exclame Devon, avachi dans le fauteuil.

- Ça ne va pas, elle est trop décolletée.

- Elle est parfaite cette robe !

- Sérieusement, va me chercher l’autre. S’il te plaît.

- Tu as déjà dit que l’autre n’allait pas…

- Elle ne va pas lui plaire.

- Mais bien sûr que si, tu es sublime dans celle-là !

- Devon ! Va me chercher l’autre !

- Ok ! Pas la peine de monter sur tes petits poneys !

Il se lève pour me faire face et me prend par les épaules.

- Tu devrais respirer. Tu es parfaite et tu obtiens ce que tu veux.

- Je sais… mais… il n’est pas heureux de la situation et si je ne lui plais pas le jour de notre mariage alors qu’il est déjà tellement réticent…

- Il n’est plus réticent ! Il est… Oh… Il est chiant ! Je t’avais prévenu que c’était un capricieux !

- Je suis trop serrée dans cette robe !

- Je t’avais dit d’arrêter de te goinfrer !

- J’ai tout le temps faim.

- T’es déjà en cloque ?!

- En quoi ?

- Enceinte !

- Ne dis pas n’importe quoi ! Va me chercher l’autre robe, s’il te plaît.

- À vos ordres Madame !

Il quitte la chambre, je m’assieds sur le fauteuil à sa place en prenant le temps de respirer en triturant mon collier, un coquillage avec une perle.

Je tremble, je sens que je perds tous mes moyens. Je ne m’attendais pas du tout à ce que cet événement me fasse cet effet-là. Cela fait trois mois que ma relation avec Marlon est un tumulte de disputes, de séparations, de remises en question. Ma demande ne lui a pas fait plaisir du tout, contrairement à tout ce que j’imaginais. Maintenant, après de trop nombreuses négociations, il est finalement décidé à m’épouser. Bien que j’aie cru le perdre. J’ai remis son amour en doute, j’ai dû le supplier, me justifier et oui… Je l’ai vraiment forcé à accepter. J’ai menacé de quitter le ranch pour me rendre chez Aliénor et s’il ne m’en avait pas empêché… nous ne serions plus ensemble aujourd’hui. J’étais déterminée à partir s’il n’avait pas cédé. Pas parce que mon amour n'était pas assez fort, mais parce que je voulais à tout prix qu’il devienne mon mari. Je voulais qu’il soit à moi pour toujours, de peur qu’il s’éloigne après mes décisions qu’il désapprouve totalement. Je voulais aussi son nom, afin de me détacher à tout jamais de l’emprise pesante qu’Henry, mon père, avait encore sur moi avec ce nom dont j’ai hérité sans le désirer.

J’ai manipulé Marlon, je l’ai piégé. J’ai peur que notre relation ne soit plus jamais la même car je le contrains à faire quelque chose qu’il refusait catégoriquement.

On frappe rapidement à la porte avant d’entrer.

- Ah Isis ! Où est Devon ?

- Parti me chercher l’autre robe.

Adena, la magnifique femme de Devon pénètre dans la pièce et referme derrière elle. Elle porte une très belle robe rose poudrée longue, que j’ai choisie. Son gros ventre de femme enceinte est ceinturé au-dessus de la taille par un drapé satiné.

- Qu’est-ce qu’il y a ?! Tout le monde est prêt !

- Pas moi. Je n’ai pas la bonne robe.

- Qu’est-ce qui ne va pas avec celle-ci ?

- Elle est belle, mais ce n’est pas le genre de Marlon. Il y a trop de tulles partout en bas, elle est trop moulante, trop décolletée, sans compter que je ne peux pas mettre un pied devant l’autre !

- Ok, je vois… situation de crise, constate-t-elle décontenancée en regardant autour d’elle, et il n’y a personne d’autre que moi… Où sont les filles ?

Je remarque qu’elle s’efforce de sourire mais que mon état fébrile la rend mal à l’aise.

- J’en n’ai aucune idée Adena !

Je suis au bord de la crise de nerfs et elle est là face à moi, trop belle et trop sûre d’elle alors que je me décontenance comme un ballon de baudruche crevé.

- Bien… Qu’est-ce qu’il y a ?

- Je suis très stressée ! Je crois que je n’aurais pas dû insister comme je l’ai fait… On aurait dû attendre de ne plus se disputer !

- Tu sais parfaitement pourquoi on fait ça maintenant donc ne flanche pas, réplique-t-elle sévèrement en effaçant son sourire et en abaissant sa voix.

- Bien sûr ! Mais on aurait pu trouver quelque chose d’un peu moins gros que notre mariage pour la diversion ! Il va hurler quand il s’en rendra compte ! Et est-ce qu’on cessera un jour de se disputer ?! Rien ne va !

- Je te répondrai quand j’en serai à ce stade avec mon mari, réplique-t-elle sèchement. J’ai besoin que tu transmettes mes messages et Dev me surveille trop. Je compte vraiment sur toi sur ce coup-là.

Elle me toise de sa hauteur, je n’ai pas sa force de caractère même si j’ai dû faire preuve de ténacité pour affirmer mes volontés à mon futur époux. Je suis toutefois très contrariée qu’elle se serve de notre lune de miel pour me faire travailler sans en informer Marlon au préalable.

- Il n’était pas prévu qu’on lui mente.

- C’est temporaire ! Ne rien dire, ce n’est pas mentir ! Ça ne vous empêchera pas de passer de bons moments ! Vous ne faites qu’un petit crochet de rien du tout !

- Il m’en voudra à moi aussi.

- Mais non… En tout cas, il t’en mettra toujours moins dans la tête qu’à moi.

- C’est juste.

- Allez, lève-toi que je te débarrasse de cet amas de froufrou.

Je m’exécute en respirant profondément et lui tourne le dos.

Elle enlève un à un les boutons qui suivent la courbe de mon dos jusqu’à mes fesses.

- Il va bien. un peu stressé, mais, ça va aller, m’informe-t-elle d’une voix rassurante. Il a bien suivi les démarches pour les papiers. Vous ne vous comprenez pas sur ce coup-là mais il te donne quand même ce que tu souhaites.

- Est-ce que James a fini de tout superviser ?

- Il est revenu de Houston il y a une heure, le bateau de ton père est une dinguerie apparemment, j’aurais aimé en profiter.

- Les occasions ne manqueront pas.

- Il a tout géré, il faisait déjà très bien les choses quand Serena travaillait secrètement pour moi. Tu peux vraiment compter sur lui, tout comme sa discrétion. Le fait que Marlon soit ton mari ne compte pas pour lui, il respecte la hiérarchie, donc Devon, moi, et toi ensuite. Il ne dévoilera rien tant que tu ne l’auras pas décidé. En revanche, il est du genre pressé… Il ne faudra pas que tu traînes pour l’annoncer à Marlon au cours du voyage, ça rendrait James fébrile et ton futur mari est doué pour décrypter les émotions. Ton avantage est sa passion pour le nautisme, il devrait s’occuper du yacht et vu sa taille… le temps qu’il en fasse le tour et tripote tout… peut-être deux jours de croisière.

La porte s’ouvre à la volée et Devon entre les bras chargés d’une grande housse couleur champagne.

- Ah ! Tu es là bébé ! Tu es trop canon là-dedans…

- Merci. On attend Isis, il fait juste trois mille degrés dehors… Si vous pouviez ne pas trop vous éterniser.

- Elle change de robe et on arrive.

Adena quitte la pièce après m’avoir adressé une œillade d'encouragement puis claque la porte derrière elle tandis que Devon étend la housse sur le lit et l’ouvre pour en sortir la robe couleur crème.

Elle est sans manches, avec des broderies et des tulles dans un style plus bohème. Avec mes boucles blondes, elle me va beaucoup mieux que l’autre qui fait trop meringue et ne met pas en valeur les kilos de bonne nourriture que je mange ici.

Devon reste silencieux et se contente de refermer les quelques boutons dans le bas de mon dos. Cette robe-là est dos-nu, il fait très chaud, donc je me sens beaucoup plus à l’aise.

- Chaussures, parfum et c’est bon.

Il enfile sa veste de smoking, puis me prend par le bras lorsque je grimpe sur les escarpins vertigineux qu’il m’a obligé à choisir.

- Je ne vais pas tenir la soirée sur ces échasses.

- On ne se marie pas en sandalettes ! Tu veux faire les choses bien…

Il m’aide à marcher en quittant la chambre, me tient la main et le bas de la robe pour que nous descendions les escaliers sans encombre.

- C’est la première fois qu’on fait ça au ranch, déclare-t-il en accrochant ma main à son bras avec un sourire charmeur.

Nous arrivons devant les portes battantes de la grande demeure, puis sortons sur le perron. Face à moi, j’ai vue sur l’immensité du superbe ranch dans lequel je vis depuis des mois, le sanctuaire de ma renaissance, le berceau de la nouvelle vie qui s’offre à moi.

Aujourd’hui est censé être le plus beau jour de ma vie… Je me marie.