Isis
J’ai failli m’évanouir au moins dix fois durant la cérémonie. J’ai imaginé que Marlon allait changer d’avis. James n’a cessé de dire des bêtises et il faisait beaucoup trop chaud. J’ai oublié la moitié des vœux que je souhaitais prononcer, car la seule chose dont j’avais l’impression, c’était que Marlon était prêt à s’enfuir.
Nous avons à peine échangé trois mots depuis que c’est terminé. Je m’évertue à sourire et remercier chaleureusement tout le monde pour les félicitations, bien que je ne ressente que du malaise.
- Tu as l’air tendue ma petite Isis, on peut encore se tirer tous les deux tu sais, cligne deux fois pour le signal !
Tim plaisante en trinquant sa coupe de champagne contre la mienne.
- Je doute que Priscilla serait heureuse de t’entendre dire ça.
- Qu’est-ce qu’il y a ? demande-t-il à voix basse en m’entourant les épaules.
- Rien. James a fait l’idiot.
- C’était super bien ! Ça m’a presque donné envie !
- On n’a pas le droit de se marier avec deux personnes, Tim.
- Et c’est une grosse erreur ! Je ne pourrais jamais choisir entre Heav et Pris sans compter qu’elles me dégagent parfois !
- Je ne comprends rien à votre entente.
- De l’amour, de la b***e, du kiff, pas de règles.
- Merci pour cette conversation éclairée, réponds-je vaguement en cherchant du regard.
- Tu devrais exulter de bonheur ! Pourquoi tu fais ta miss rabat-joie ?
- Je n’ai pas encore parlé avec Marlon.
- Oh ! Vous allez être vissés l’un à l’autre pour le restant de vos jours ! Tu peux bien le laisser souffler cinq minutes !
- Je n’ai pas dit ce qu’il fallait…
- Ah Isis ! Toutes mes félicitations ! nous interrompt Cassie qui peine à contenir le petit Archie qu’elle tient par la main.
- Merci Cassie, Jimmy n’est pas là ?
- Il a assisté à la cérémonie mais il est déjà reparti.
- Oh, je vois.
- Le boulot avant tout… Je crois qu’il aurait du mal à se passer de ses écrans toute une journée.
- Je comprends.
Je regarde par-dessus son épaule car j’aperçois Marlon. Tim a disparu.
- Excuse-moi, je voulais…
- Félicitations ma belle ! m’interpelle Scott à son tour en me barrant la route.
- Merci Scott, ton costume est très beau.
Chaque fois que je tente de l’approcher, on vient me distraire. Nous échangeons quelques regards trop furtifs. Il semble toutefois se détendre un peu après avoir bu quelques verres et desserré le nœud papillon du smoking trois pièces qu’il porte.
Il ne m’a pas échappé qu’il avait pris soin aux détails, ses cheveux plutôt longs sont égalisés. Il a toujours une mèche légèrement plus courte puisqu’ils avaient dû lui raser pour l’opérer après son accident. Sa barbe est impeccablement taillée et son costume est sur-mesure, probablement grâce aux bons conseils de Devon, qui est intransigeant en matière de vêtements.
La soirée est bien entamée lorsque je parviens enfin à glisser ma main dans la sienne. Il est en pleine discussion avec Gabriel, le mari de Serena et sursaute en se tournant vers moi, avant de m’offrir un léger sourire.
- Salut ma perle.
Gabriel me félicite à son tour, mais je suis obnubilée par les yeux bleu clair de mon mari et préoccupée à sonder son humeur.
- Ça va ? me questionne-t-il en posant son verre sur le bar.
- Oui et toi ?
- Je vous laisse discuter un peu tous les deux, déclare Gabriel en donnant une accolade à Marlon.
- Ça va mieux maintenant qu’on est dans la phase sympa, poursuit-il en me dévisageant.
- D’accord.
- Quelque chose te tracasse ?
- Tu n’as pas eu l’air… d’aimer mon discours.
- Je pense que le moment est mal choisi pour en débattre, décrète-t-il nonchalamment.
- Je… j’étais incroyablement stressée, tenté-je de justifier en remarquant qu’il se renfrogne. Je n’ai pas dit ce que je voulais. Je ne pensais pas que se marier serait aussi angoissant.
- C’est toi qui as voulu tout ça, réplique-t-il en conservant un ton strict. Tu as changé d’avis ?
- Bien sûr que non ! Mais…
- Oublions ça dans ce cas. Et passons un bon moment, qu’en dis-tu ?
- Je voulais que tu saches que je t’aime et que je suis heureuse.
- Tu as mangé quelque chose ? m’interroge-t-il en me mettant un petit four dans la bouche.
Je pouffe de rire en mâchant.
- C’est une tuerie ça !
Il en gobe un avant de vouloir m’en enfourner un autre.
- Marlon ! m’écrié-je en gloussant une main devant la bouche.
- On discutera plus tard !
Il dépose un rapide b****r sur mes lèvres avant de me tendre une coupe de champagne.
- Est-ce que je t’ai dit que tu étais sublime ?
- Non, mais c’est chose faite, merci.
- Tu me remercieras plus tard, Madame Lewis, murmure-t-il taquin avec un clin d’œil.
- Combien de verres as-tu bu ?
- Ils n’ont pas arrêté de vouloir trinquer ! proteste-t-il, hilare.
- Hé Isis ! Mike t’a amené un truc ! me hèle soudain Devon.
Marlon me suit jusqu’à l’allée principale longeant la carrière où j’aperçois Mike avec un magnifique petit cheval d’une robe blanche immaculée en mains.
- Oh ! Il est arrivé !! m’exclamé-je admirative en m'approchant.
- Non mais qu’est-ce que c’est que ce truc ?! s’exclame Devon, clairement moqueur.
- Ce truc, c’est un pur-sang Arabe, il s’appelle Madrigal Qualirah.
- C’est pas un vrai cheval, ça ! On dirait mon petit poney ! p****n, t’as vu la taille de ses membres, on a l’impression qu’il va se les péter si on souffle dessus !
- Ne critique pas mon cadeau Devon !
- Ton cadeau pour qui ? De toi à toi pour toi ?!
- Exactement ! Je l’ai fait importer d’Espagne.
- Mais p****n ! J’aurais pu te trouver dix mille fois mieux !
Mon étalon blanc se met à hennir fébrilement en remuant la tête et Devon éclate de rire.
- Non mais quel pisseur ! On va lui couper les couilles pour commencer ! Tu ne feras rien d’intéressant avec ça ! Il sera trop occupé à renifler le cul de toutes les pouliches du ranch !
- Je t’interdis de toucher à mon cheval !
- Hou lala ! Madame est protectrice avec Mon Petit Poney Argenté !
- Ne te moque pas ! Il est très polyvalent, il a une excellente lignée et il est adapté à ma taille !
- J’aurais pu te trouver un mustang un milliard de fois plus robuste que ce machin-là !
- Mais je voulais celui-là !
- Dans six mois on la fout direct dans l’incinérateur Peluche délicate ! Tu verras ! Il tiendra jamais ici !
- Tu es méchant !
- Réaliste ma belle ! Et péteux comme il est, c’est même pas dit que tu puisses grimper dessus ! Tu manques encore d’expérience !
- C’est ce qu’on verra !
- Super ! Demain matin à la carrière ! On verra qui a raison !
- Demain matin on s’en va !
- C’est ça, défile-toi ! Et qui s’occupera d’Étoile Serrée pendant ton absence ?!
- Mike !
- Ah Ah ! J’ai hâte de voir ça !
- On nous l'a livré ce matin, m’informe Mike avec un sourire bienveillant, je pensais que c’était bien de te faire la surprise.
- Merci, souris-je, enchantée.
Je caresse son encolure délicate, son chanfrein creux tandis qu’il me renifle avec intérêt.
- Il est tellement beau… Le transfert s’est bien passé ?
- Il est un peu stressé, mais ne t’inquiète pas, contrairement à ce qu’il dit, cette race évolue dans les déserts orientaux depuis des siècles, il s’acclimatera.
- Ne le laisse pas le tourmenter.
- Bien sûr que non ma belle, souffle-t-il avec un petit sourire.
- Bon ramène ça à l’écurie Mike, ordonne Devon avec un air de dégoût.
- Tu es méchant !
- Je ne comprends pas que tu ne m’aies pas demandé si tu voulais un nouveau cheval !
- Parce que tu es mon ami, mais tu ne décides pas à ma place !
- Bon, ça suffit tous les deux ! Vous aurez tout le temps de vous écharper à notre retour, intervient Marlon en me tirant en direction du buffet.
Je le suis sans protester après un dernier regard noir pour Devon.