LXV - La chance de Jean Duigou

245 Words
LXV La chance de Jean Duigou Jean Duigou, marin-pêcheur à Landévennec, pêchait une nuit, dans la rade de Brest, à quelques encablures de terre, tout seul dans son bateau. Tout à coup, d’un des bois qui couvrent cette côte, s’éleva un hurlement prolongé. Jean Duigou, pensant que c’était quelque farceur qui voulait lui faire peur, répondit par un hurlement semblable. Une seconde fois, le même cri de détresse retentit. Et Jean Duigou d’y répondre encore. – Il commence à m’agacer, ce vilain singe ! se dit-il. Et s’il recommence, je lui riposte par un « coc’h ! » qui s’entendra jusqu’au fond de la rade. Il n’avait pas fini de se parler de la sorte que la voix du personnage invisible hurla pour la troisième fois : – Iou… ou… ou ! Alors, Jean Duigou, de toute la force de ses poumons : – Coc’h évid-out… out… out… (M… pour toi !) beugla-t-il. Mais le dernier son s’étrangla dans sa gorge. Quelqu’un se tenait dans le bateau, derrière lui, et lui étreignait le cou entre des doigts aussi durs que des pinces de fer. Une sueur de souffrance et d’angoisse inonda le visage du pêcheur. – Qui que vous soyez, au nom de Dieu, lâchez-moi ! supplia-t-il. Alors, l’autre : – Oui, je te lâche, mais ce n’est point parce que tu as invoqué le nom de Dieu… Si ton bateau n’avait pas été en chêne, c’en était fait de toi. Ce disant, il desserra les doigts et disparut. Jean Duigou avait eu de la chance. Et il vit bien que ce que disent les vieilles gens est vrai : à savoir que le bois de chêne est un talisman précieux contre les mauvais esprits. (Conté par Pierre Le Golf. – Argol.)
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD