Chapitre 1

1745 Words
1 ABIGAIL J’aurais dû regarder les mariés se tenir devant le prêtre, alors qu’ils récitaient leurs vœux. Theresa était ravissante dans sa robe blanche, son visage radieux du bonheur qui semblait en provenir. Elle aimait Emmett, sans aucun doute. Ses sentiments étaient réciproques, à en juger par le léger tremblement dans la voix du grand fermier quand il prononça. « Je le veux. » J’aurais dû les regarder échanger leur premier b****r de couple marié, mais mes yeux ne pouvaient quitter le séduisant duo que formaient Gabe et Tucker Landry. Les frères étaient assis sur l’allée centrale à deux rangées de moi avec plusieurs autres habitants de Bridgewater. Je ne voyais pas au-delà de leurs larges épaules, leurs cheveux proprement coupés, dans leurs chemises éclatantes. L’occasion de les regarder aussi longuement ne m’était pas souvent offerte et je soupirais, contemplant leurs silhouettes ciselées ; Tucker rasé de près et Gabe arborant une barbe taillée. J’avais passé deux ans à Butte et ne les avais pas vus pendant toute cette période, du moins pas jusqu’au pique-n***e de la veille. Je ne pouvais m’ouvrir de mon intérêt pour eux auprès de personne. Je les avais connus quand j’avais quatorze ans et dire que ça avait été un coup de foudre serait un doux euphémisme. Mais ils avaient bien dix ans de plus que moi, et bien que serviables, ils ne m’avaient jamais adressé un regard. Alors j’en avais rêvé, les regardant de loin avec les yeux envieux d’une petite fille. Je n’avais parlé à personne de mes sentiments pour eux. Avec tant de voisins curieux dans cette petite ville, je ne pouvais courir le risque qu’ils apprennent la vérité. Une fille de quatorze ans amoureuse. De quoi se mortifier. Mais je n’étais plus une petite fille et mon intérêt pour eux n’avait pas faibli pendant ces années. Je ne les avais pas vus pendant longtemps mais aucun autre homme ne leur arrivait à la cheville. Il devait pourtant bien y avoir d’autres hommes pour rivaliser. Et maintenant, à dix-neuf ans, je pensais à eux d’une nouvelle manière. Charnelle. Coquine. Malheureusement, je ne pouvais rien changer à cette… attirance que je ressentais pour eux. Je n’étais pas de nature entreprenante comme Tennessee, et elle m’avait montrée à ses dépens ce qui pouvait se passer. Je devais considérer mon retour à la maison comme temporaire car je devais plus me soucier de sauver mon amie que de ces deux beaux mâles qui faisaient chavirer mon cœur et pointer mes tétons. Mais alors qu’ils étaient assis devant moi, je profitais de cette rare occasion. Je ne faisais pas que les regarder. Je les lorgnais, les reluquais et rêvais. Rêvais que je me tiendrais un jour à leurs côtés prononçant mes vœux comme Theresa et Emmett. L’un des frères Landry était blond, l’autre brun. L’un était fort, l’autre fin. L’un était souriant, l’autre sombre. Je ne devrais pas désirer des hommes si différents, mais c’était pourtant le cas. Mon cœur avait ses raisons, et c’était la racine de mes soucis. Cela avait été instantané, mon intérêt pour eux quand je n’étais qu’une enfant. Depuis, dès que je les voyais, mon cœur manquait un battement. Et de ne les avoir vus pendant longtemps, le désir avait été immédiat. Intense. Je n’avais rien ressenti de tel étant enfant. Je pouvais les admirer, ils n’étaient en rien désagréables à regarder. Ils étaient plus que séduisants. Ils avaient réchauffé mon cœur en regardant vers moi hier pendant le pique-n***e. Chaque femme en ville devait probablement ressentir la même chose. Je voulais découvrir la douceur de Gabe sous mes doigts. Je voulais découvrir à quel point les épaules de Tucker étaient noueuses. Je voulais que la voix sombre de Gabe me susurre à l’oreille pendant qu’il me chevaucherait. Je rêvais que le corps puissant de Tucker m’emprisonne sous son poids. Je remuai sur le banc en bois dur, mon corps tremblant de désir, un désir qui n’avait encore jamais été assouvi. Et que je voulais éteindre avec les frères Landry. Plus tard dans la nuit, je penserais à eux. La nuit d’avant, j’avais relevé le tissu de ma chemise de nuit pour me caresser. J’avais pensé à leurs grandes mains et à leurs doigts qui glisseraient en moi, le long de mes lèvres glissantes. J’avais joui, mon corps tendu avait été inondé de plaisir alors que je chuchotais leurs noms dans la pénombre. Non, ce n’avait plus rien à voir avec des fantaisies enfantines, loin de là. Comme s’ils avaient senti mon regard de braise, ils tournèrent la tête pour me regarder. Moi ! Les yeux sombres de Gabe me clouèrent sur place et ceux de Tucker me firent ouvrir grande la bouche. J’étais démasquée et mon cœur sembla s’arrêter de battre. Pouvaient-ils lire mes pensées comme si elles étaient inscrites sur mon visage ? Pouvaient-ils savoir que je les désirais désespérément ? Pouvaient-ils sentir que je les avais utilisés pour nourrir mes fantaisies les plus interdites ? Quand Tucker me fit un clin d’œil, j’haletai. J’espérai ne pas avoir fait de bruit, mais couvris ma bouche de mes mains jute au cas où. James, assis à mes côtés regarda vers moi. Je fis un sourire rassurant à mon frère alors que tout le monde applaudissait les jeunes mariés qui descendaient l’allée. « Tu pourrais être à leur place, d’ici peu, » dit James pour couvrir le bruit, en me tapotant dans le dos. L’espace d’un instant, je crus qu’il parlait des Landry, mais ensuite, je me souvins de la vérité. Ou plutôt du mensonge, celui que j’avais lancé la veille pendant le pique-n***e. Je n’étais rentrée à Butte que le jour d’avant. James ne m’avait pas laissée voyager toute seule. Alors j’avais laissé passer la remise de diplôme pour que la famille Smith, une famille de la ville propose de me raccompagner. Je réalisai que si plutôt que d’attendre, j’avais voyagé seule, j’aurais quitté Butte et évité les ennuis causés par Tennessee. Je n’aurais pas eu à mentir, pas à craindre mes amis ou même James. Maintenant il me fallait retourner à Butte, avec de l’argent qui plus est. Hormis Noël, c’était mon premier retour en ville depuis deux ans, depuis que James m’avait envoyée en pension. A dix-sept ans, j’étais un peu moins féminine que ce qu’il espérait, ayant été élevée dans un ranch avec lui pour seul parent. Il avait voulu que je puisse plaire à un mari, mais je savais que ma cicatrice en éloignerait plus d’un. A la place, l’école m’avait mise à l’écart de toute tentative. A cause de cela, je fronçai les sourcils vers James en me souvenant. Le mensonge. Pendant le pique-n***e, les filles de mon âge s’étaient rassemblées autour des tables pleines de nourriture pour parler de leurs maris ou de leurs prétendants. Contrairement à elle, j’avais vécu une existence recluse en pension—James avait insisté—et aucun homme, hormis le professeur de piano n’avait mis un pied dans l’établissement, et encore moins ne m’avait courtisée. Je ne pouvais pas parler d’un homme à moi. Mais il me fallait une raison de me rendre à Butte si rapidement après mon retour. Un prétendant justifierait ma connexion avec la ville et me donnerait une raison valable de retourner si promptement sauver Tennessee. Une fois la crise résolue, je pourrais prétendre avoir rompu mon engagement. Personne n’en saurait rien et je n’aurais plus jamais à remettre les pieds dans cette ville. Au milieu des filles qui piaillaient de manière incessante sur leur bonheur, j’avais récité ce mensonge, un homme, à Butte. Elles me regardèrent surprises d’abord, puis heureuses. J’étais celle à plaindre, celle qui n’avait ni mère ni sœur. Un visage quelconque avec une cicatrice repoussante. Je coiffais mes cheveux en une simple natte et portais des vêtements simples. J’étais timide. L’école m’avait appris à jouer un joli concerto et à préparer un repas pour quinze, mais quant aux hommes ? Je n’avais aucune idée de ce qu’il fallait faire. J’étais restée à la périphérie du groupe jusqu’à ce moment, mais elles m’avaient bombardée de questions sur l’homme que j’avais pris dans mes filets. Je pensais qu’elles se contenteraient d’une réponse polie « Ah, très bien, » et puis fini. Je ne m’attendais pas à ce qu’elles soient aussi contentes pour moi. C’était incroyable que ce si petit mensonge prenne vie. Il s’était répandu durant le pique-n***e et d’ici le coucher du soleil, toute la ville, y compris mon frère, croyait que j’avais un fiancé nommé Aaron Wakefield. Mon excuse pour retourner à Butte avait pris racine. Voir James si heureux pour moi mêlait douceur et amertume, comme il ne voulait que le meilleur pour moi, spécialement me voir faire un beau mariage. Son bonheur, cela dit, était infondé et basé sur un mensonge, et il me démangeait de lui dire la vérité, qu’on retenait mon amie en échange d’une rançon et que je devais apporter de l’argent. Mais il me détesterait bien assez tôt pour l’avoir volé. C’était presque trivial de mentir à propos de mon soi-disant fiancé en comparaison. J’avais envie de lui parler de Mr Grimsby, mais il se mettrait en route vers Butte pour le menacer. Je préférais encore qu’il me haïsse pour l’avoir volé plutôt qu’il finisse abattu par Mr Grimsby. Le père de Tennessee avait été tué de sang-froid. Je ne voulais rien faire qui mette James en danger. Mieux valait vivant et en colère que mort. Et pourtant je ne voulais pas non plus qu’il me déteste. Il était ma seule famille ; nos parents étaient morts dans un incendie quand j’étais petite—ce qui m’avait valu cette cicatrice—et il m’avait élevée tout seul. Je n’avais rien dit quand il avait acheté un ranch et que nous avions déménage d’Omaha pour commencer une nouvelle vie. Je ne m’étais pas plainte quand il m’avait envoyée à l’école à Butte comme il pensait faire ce qu’il y avait de mieux pour moi. Peut-être voulait-il me protéger du regard des gens cruels, ceux qui pensaient que j’étais défigurée. Immonde. Comme avait dit Mr Grimsby. Jusqu’aux frères Landry à l’intérieur de l’église. Leur regard m’avait fait me sentir tout le contraire. Et alors qu’ils remontaient l’allée vers James et moi, je voulais leur dire que j’étais libre d’être courtisée, libre d’être aimée. J’avais fait rentrer un homme imaginaire dans l’équation et j’aurais voulu leur dire la vérité. Ils avaient l’air si beaux que je voulais sauter au cou de Gabe et l’embrasser pendant que Tucker me caresserait les cheveux, murmurant à l’oreille des mots charnels. Je voulais qu’ils me prennent la main et me traînent près de la rivière pour m’embrasser follement.
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