PrologueLes châtaigniers ceinturant la petite chapelle bruissaient sous le vent qui avait forci à la tombée du jour, alors même que la température fraîchissait.
Mais l’homme au physique épais qui gardait la porte principale n’en avait cure. Vêtu d’un surplus militaire kaki et fauve, le crâne entièrement rasé, il demeurait aux aguets, impavide, seulement attentif aux signes qui auraient pu trahir l’arrivée en ces lieux de présences indésirables.
À l’intérieur, le courant d’air passant sous l’étroite porte menant au caveau faisait trembloter les flammes des deux chandeliers de couleur qui ornaient les côtés de l’autel en granit ; noir pour celui de gauche, blanc pour celui de droite. Trois personnages portant robes et cagoules noires se tenaient près de l’autel. Un quatrième, qui leur faisait face, également vêtu de noir, y disposait un calice en argent et un poignard à longue lame effilée. Leurs ombres gigantesques, portées par les flammes des candélabres, dansaient sur les murs suintants de la salle.
— Est-elle prête ? Vous aussi ? Alors, faites-la venir. C’est le moment, fit celui qui avait posé calice et poignard sur l’autel.
Un des participants quitta le groupe et se dirigea vers le fond de la salle obscure. Il revint bientôt, enserrant le poignet d’une très jeune femme vêtue d’une simple tunique blanche. Tendant les deux mains, celui qui faisait office de célébrant lui fit signe d’approcher.
— Viens ici, allonge-toi sur le dos.
La jeune femme s’exécuta, frémissant au contact de la froideur de la pierre.
— Voilà, désormais tu ne t’appartiens plus, tu es à nous, tu vas devenir l’instrument de nos destins. Consens-tu à ce sacrifice ?
— J’y consens, répondit la femme d’une voix ferme.
— Répète-le encore.
— J’y consens, répéta-t-elle.
— Dis-le une dernière fois. Il est encore temps pour toi de renoncer. Après, il sera trop tard…
Pour la troisième fois, elle prononça la phrase rituelle. L’homme se retourna pour prendre une cloche qu’il fit tinter à neuf reprises, puis il s’adressa à celui qui était le plus proche.
— Nous pouvons commencer à présent. Toi, viens près de cette table sacrificielle, tu seras le premier à fusionner avec elle.
Il pivota vers les deux autres.
— Mais auparavant, vous deux, allez chercher ce qui nous est indispensable.
Tandis que les deux silhouettes noires s’éloignaient, l’officiant se pencha sur la femme et écarta les pans de sa tunique, faisant apparaître sa nudité. Il se saisit du long poignard, le tendit à l’homme qui se tenait près de lui, alors que les vagissements d’un nouveau-né se faisaient entendre.