Leya
Le silence du manoir est trompeur. Il dissimule une tension latente, un frémissement invisible sous la surface. Depuis cette nuit sur le balcon, depuis ce b****r qui n’aurait jamais dû arriver, quelque chose a changé.
Je le sens dans chaque regard que Rafael pose sur moi. Dans la façon dont il se tient un peu trop près, dont son souffle frôle parfois ma peau sans jamais toucher. Il ne parle pas de ce qui s’est passé, mais il ne l’ignore pas non plus.
Et moi… Moi, je suis piégée.
L’Entraînement
Les matins sont rudes, rythmés par des entraînements impitoyables sous le regard scrutateur du clan. Chaque coup que je donne, chaque esquive que j’exécute, je les ressens dans mes muscles, dans mes os, comme une brûlure qui me rappelle que je ne peux pas faiblir.
— Concentre-toi.
La voix de Rafael claque, et mon poing s’arrête à quelques centimètres de son torse. Il m’a vue hésiter.
— Tu laisses tes pensées t’envahir.
Il attrape mon poignet avant que je ne puisse reculer. Son emprise est ferme, sans brutalité, mais elle me cloue sur place. Son regard me transperce, comme s’il cherchait à voir à travers moi.
— Tu n’as pas le luxe de te perdre dans tes doutes. Ici, une seule erreur peut te coûter la vie.
Je serre les dents. Je le sais. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire.
Il relâche mon poignet, mais au lieu de s’éloigner, il tourne autour de moi lentement, son ombre m’encerclant comme une menace.
— Attaque-moi.
Je ravale ma nervosité et frappe. Il esquive avec une facilité déconcertante, pivotant pour se retrouver derrière moi. Un frisson me parcourt l’échine lorsque sa main effleure brièvement ma taille.
— Trop prévisible.
J’essaie encore. Et encore. Mais à chaque tentative, il me devance, ses mouvements précis, calculés.
À un moment, il saisit mon poignet et me plaque contre le mur du gymnase, son corps juste assez proche pour que je sente sa chaleur.
— Si j’étais ton ennemi, tu serais déjà morte.
Je lutte pour reprendre mon souffle, le cœur battant trop vite, mais pas uniquement à cause de l’effort.
Il me scrute, cherchant quelque chose dans mes yeux, puis il relâche sa prise et recule, me laissant soudainement… vide.
— Encore.
Et l’entraînement reprend, impitoyable.
Le Défi
Le soir venu, je pense trouver un répit. Je me trompe.
— Le chef veut te voir.
Le message me parvient alors que je sors de la salle d’eau, encore engourdie par la fatigue. Mon ventre se serre. Je n’ai pas encore eu l’occasion d’être convoquée directement.
Lorsque j’entre dans la grande salle du manoir, je ressens immédiatement l’attention qui pèse sur moi. Des regards scrutateurs, certains méprisants, d’autres curieux. Et au centre de la pièce, assis sur un fauteuil en cuir noir, le chef du clan, Dante.
Rafael est là aussi, debout à sa droite, impassible.
— On m’a dit que tu progressais vite.
La voix de Dante est calme, mais elle porte une autorité indiscutable.
Je me contente d’un hochement de tête.
— Prouve-le.
Un mouvement à ma gauche attire mon attention. Un homme s’avance, torse nu, muscles saillants, une cicatrice barrant son épaule. Je le reconnais. Un combattant expérimenté, un des favoris du chef.
Un combat.
Mon estomac se noue, mais je refuse de montrer la moindre faiblesse.
— Ne la ménage pas.
L’ordre tombe.
Et tout s’enchaîne trop vite.
Le premier coup fuse. J’esquive de justesse, mais il enchaîne sans me laisser de répit. Son poing s’écrase contre ma garde, l’impact brutal me faisant reculer.
Je n’ai pas le droit à l’erreur.
J’attaque à mon tour, mais il bloque facilement. Chaque mouvement est une lutte, chaque respiration, un effort.
Puis je le vois. L’ouverture.
Mon poing s’élance.
Mais au dernier moment, il anticipe.
Et son coude percute mon ventre avec une violence qui me coupe le souffle.
Je vacille, une douleur fulgurante irradiant mon abdomen.
Un silence tendu s’installe.
Dante observe, impassible. Rafael… Rafael a un regard sombre, indéchiffrable.
Je vacille, mais je ne tombe pas.
Je refuse.
Alors je me redresse.
— Encore.
Une lueur brille dans les yeux de mon adversaire.
Et le combat reprend.
Le Jeu Dangereux
Plus tard dans la nuit, je peine à trouver le sommeil. Mon corps me fait souffrir, chaque respiration un rappel de ma faiblesse.
Un bruit attire mon attention.
Je me redresse juste au moment où la porte s’ouvre.
Rafael.
Il referme derrière lui et avance, sans un mot, jusqu’à s’arrêter au pied de mon lit.
— Tu es folle.
Sa voix est basse, presque un grondement.
Je soutiens son regard, malgré la douleur.
— Pourquoi ? Parce que je n’ai pas abandonné ?
Il serre la mâchoire, son regard s’assombrissant.
— Parce que tu mets ta vie en jeu pour prouver quelque chose à des hommes qui ne te donneront jamais ce que tu cherches.
Je me crispe.
— Tu crois que je le fais pour eux ?
Il ne répond pas.
Le silence s’étire, lourd de tout ce qui n’est pas dit.
Puis, lentement, il s’abaisse à ma hauteur, son visage à quelques centimètres du mien.
— Alors pourquoi ?
Sa voix est un murmure, un piège.
Mon cœur tambourine contre ma poitrine.
— Parce que je ne peux pas me permettre d’être faible.
Ses yeux s’adoucissent imperceptiblement.
— Tu es bien plus forte que tu ne le crois.
Il tend la main, effleure ma joue du bout des doigts, et cette simple caresse suffit à envoyer une décharge le long de ma colonne vertébrale.
— Mais ça ne veut pas dire que tu dois tout affronter seule.
Mon souffle se bloque.
Il reste là, à quelques centimètres, son regard fouillant le mien, attendant quelque chose que je ne suis pas certaine de pouvoir lui donner.
Puis, sans prévenir, il se recule, se redresse, et se dirige vers la porte.
— Repose-toi.
Il disparaît dans l’ombre, me laissant seule avec le chaos qu’il vient d’instaurer en moi.
Et cette nuit-là, je comprends une chose :
Rafael n’est pas seulement un danger pour mon corps.
Il est un danger pour mon âme.