L'OMÉGA DU LOUP NOIR

Chapitre 1 – Vendue aux Ténèbres

Leya

Je tremble, mes bras enroulés autour de moi pour lutter contre le froid qui s’infiltre à travers le tissu trop fin de ma robe. Mes poignets me brûlent encore là où les cordes ont laissé des marques. Deux loups massifs me forcent à avancer, leurs mains serrées sur mes bras comme si j’étais une prisonnière.

Devant moi se dresse un manoir imposant, austère, presque terrifiant. Chaque pierre semble porter le poids de sombres secrets. Je n’ai jamais mis les pieds dans un endroit pareil, et pourtant, je sais que je n’en ressortirai pas indemne.

J’ai été vendue.

Mon propre père m’a échangée contre une dette qu’il n’a jamais pu payer. Une vie pour une autre. La mienne, contre la sienne.

Je ravale ma peur alors que l’un des gardes pousse la lourde porte en bois. Une chaleur étouffante me frappe, contrastant violemment avec l’air glacial de la nuit. L’intérieur est encore plus oppressant que l’extérieur. Le sol en marbre noir réfléchit la lumière tamisée des lustres, les murs sont couverts de tableaux inquiétants, et l’odeur du cuir et du whisky flotte dans l’air.

— Avance, grogne l’un des loups en me poussant dans le dos.

Je trébuche mais me rattrape de justesse. Mon regard balaie la pièce et s’arrête sur un homme assis dans un fauteuil de velours sombre.

Je n’ai pas besoin qu’on me dise son nom. Je sais qui il est.

Rafael Calderon. Le Loup Noir.

Son regard perçant se pose sur moi avec une intensité qui me fige sur place. Il est grand, puissant, et l’aura qu’il dégage est suffocante. Un prédateur dans toute sa splendeur.

Je serre les poings, refusant de baisser les yeux malgré la peur qui me tord les entrailles. Je suis une oméga, une proie. Et lui ? Lui est le chasseur.

— C’est elle ? demande-t-il d’une voix rauque.

Le chef de ma meute hoche la tête avec nervosité.

— Elle remboursera la dette, comme convenu.

Rafael se lève lentement, et chaque pas qu’il fait vers moi me semble résonner dans ma cage thoracique.

— Tu m'appartiens maintenant, murmure-t-il en s’arrêtant juste devant moi.

Sa voix est un piège, un murmure velouté qui masque l’acier d’une lame prête à trancher.

Je refuse de répondre. Je refuse d’accepter.

Mais au fond de moi, je sais déjà… je ne sortirai jamais d’ici.

Je suis assise dans un fauteuil en cuir trop grand pour moi, mes doigts crispés sur les accoudoirs. Devant moi, Rafael Calderon s’est installé avec la nonchalance d’un roi sur son trône. Il ne parle pas. Il me regarde simplement, un verre de whisky entre les doigts, comme s’il jaugeait un objet mis aux enchères.

L’atmosphère est lourde, écrasante. Je sens la présence des autres loups dans la pièce, des ombres silencieuses qui attendent que leur alpha prenne une décision. Mon instinct hurle de fuir, mais mes jambes restent clouées au sol.

— Tu sais pourquoi tu es ici ? demande-t-il finalement d’une voix posée.

Je serre les dents.

— Parce que mon père est un lâche.

Un sourire fugace éclaire son visage avant qu’il ne prenne une gorgée de son verre.

— Intéressant, murmure-t-il.

Son regard m’examine sans gêne, glissant sur mon corps d’une manière qui me met mal à l’aise. Pourtant, ce n’est pas du désir que je lis dans ses yeux, mais autre chose. De la curiosité.

Je me redresse sur mon siège, refusant de lui montrer la moindre faiblesse.

— Qu’est-ce que vous attendez de moi ?

Il repose lentement son verre sur la table basse en verre, puis se penche vers moi.

— Ce que j’attends de toi ? Que tu sois utile.

Un frisson me parcourt l’échine. Je m’attendais à entendre quelque chose de plus… brutal. Plus définitif.

— Utile… comment ? je demande, la voix légèrement tremblante.

Rafael ne répond pas immédiatement. Il se lève et fait quelques pas autour de moi, comme un loup qui tourne autour de sa proie.

— Tu n’as aucune valeur comme combattante. Tu n’as aucune connexion qui pourrait m’être utile. Tu es une simple oméga… et pourtant, ton père a cru bon de te livrer à moi pour éponger sa dette.

Je déglutis.

— Si je n’ai aucune valeur, alors pourquoi me garder ?

Il s’arrête derrière moi, et je sens sa chaleur dans mon dos. Une chaleur oppressante, dominante.

— Parce que je déteste les dettes impayées.

D’un geste lent, il pose ses mains sur les accoudoirs de mon fauteuil et se penche un peu plus près, me forçant à sentir son souffle contre ma nuque.

— Et parce que, que tu le veuilles ou non… maintenant, tu m’appartiens.

Je me raidis, mes doigts se crispant sur le cuir du fauteuil.

— Je ne suis pas une esclave, je murmure, ma voix à peine plus forte qu’un souffle.

Rafael rit doucement, un son grave et menaçant.

— Oh, je ne te vois pas comme une esclave. Mais ici, tu n’as que deux choix : obéir… ou souffrir.

Je me redresse brusquement, le défi brillant dans mes yeux.

— Tuez-moi, alors. Si c’est ce que vous attendez de moi, je préfère mourir plutôt que de me soumettre.

Il ne répond pas tout de suite. Puis, lentement, il contourne le fauteuil et s’accroupit devant moi. Ses yeux noirs plongent dans les miens, insondables, terrifiants.

— Mourir ? répète-t-il.

Il tend la main et attrape mon menton entre ses doigts.

— Tu ne veux pas mourir, Leya. Tu veux survivre. Et pour survivre… il faut savoir plier au bon moment.

Je secoue la tête, essayant de me dégager de sa prise, mais il resserre légèrement sa poigne, m’obligeant à le regarder en face.

— C’est ce que vous voulez ? Une oméga soumise ?

— Ce que je veux, c’est une oméga qui sait où est sa place.

Ma respiration est erratique, mon cœur bat trop vite. Je refuse d’accepter cette situation. Pourtant, au fond de moi, une voix chuchote que je n’ai pas le choix.

— Que dois-je faire ? je demande enfin, ma voix tremblant malgré moi.

Rafael relâche mon menton et se redresse, satisfait.

— Je vais t’apprendre à survivre ici. Mais en échange… tu m’obéis sans poser de questions.

Un pacte.

Un accord entre un loup et une oméga.

Je n’ai pas le luxe de refuser.

Je hoche lentement la tête.

— Très bien.

Rafael sourit, mais ce sourire n’a rien de rassurant.

— Bienvenue en enfer, Leya.