OMNISCIENT
— Comment va-t-il ? demanda Rodrigo, les mains enfouies dans les poches de son manteau en cuir, son regard perçant fixé sur la grande horloge accrochée au mur. Son ton semblait désinvolte, mais une tension à peine voilée perçait dans sa voix.
Ethan, assis de l'autre côté du bureau, tapotait du bout des doigts sur l'accoudoir de la chaise. Il releva les yeux, cherchant les bons mots avant de répondre.
— Pas trop mal, finit-il par dire, sa voix trahissant une certaine inquiétude.
Rodrigo esquissa un sourire sarcastique, son regard toujours rivé ailleurs.
— J'espère que tu t'assures qu'il reste en forme. Je ne veux pas envoyer quelqu'un de brisé à ma famille.
Ethan le fixa, l'inconfort clairement lisible sur son visage. Il prit une inspiration avant de rétorquer.
— Il est peut-être votre successeur, Rodrigo, mais Dween est surtout votre fils. Ne parlez pas de lui comme ça...
Rodrigo lâcha un soupir, se tournant enfin vers
Ethan, son regard glacial.
— Toi, on dirait bien que tu t'es attaché à lui, fit-il avec un sourire en coin. Pour quelqu'un qui joue un rôle de père fictif, tu t'y prends à merveille. Le père absent, surchargé de travail... Un classique.
Ethan détourna le regard, mal à l'aise. Il serra les poings sur ses genoux, avant de murmurer :
— Je n'aurais jamais dû accepter ce rôle. Je ne peux pas imaginer la douleur qu'il ressentira quand il saura la vérité. Qu'il saura que je ne suis pas son vrai père.
Rodrigo émit un léger rire amer et s'approcha du bureau, posant ses mains dessus, dominant David de toute sa stature.
— Tu n'avais pas vraiment le choix, n'est-ce pas ? De toute façon, il finira par être sous ma protection. Mon fils, mon héritier, qu'il le veuille ou non.
Ethan releva la tête, son regard se durcissant.
— Ça ne fonctionne pas comme ça, Rodrigo. Tu es peut-être son père biologique, mais il ne te connaît pas. Il n'a jamais rien su de toi.
Rodrigo éclata d'un rire plus fort, presque théâtral, avant de reprendre, avec un soupçon de mépris dans la voix :
— Je suis peut-être un homme médiocre, dangereux, immoral... Mais je n'ai pas abandonné mon fils par plaisir. Peut-être que je l'ai fait un peu, oui, mais c'était pour le protéger. Pour la bonne cause.
Ethan roula des yeux, exaspéré, tout en sentant la tension monter.
— Tu essaies de te convaincre que tu es quelque part une bonne personne ? demanda-t-il, son ton empreint de cynisme.
Rodrigo haussa les épaules, un sourire sardonique aux lèvres.
— Ça se pourrait bien. Mais qu'il s'appelle Dween ou Fernando Herrera, il prendra ma place, que ça lui plaise ou non. C'est son destin, et je suis bien décidé à ce qu'il l'accepte.
Ethan resta silencieux, les mots de Rodrigo résonnant lourdement dans l'air. La vérité éclaterait bientôt, et Dween se retrouverait au cœur d'une lutte bien plus complexe que celle qu'il avait jamais imaginée.
L'annonce de l'aggravation de sa maladie n'avait fait qu'amplifier l'anxiété de Dween. Il se sentait fébrile, faible, comme si tout lui échappait. Alors qu'il se recroquevillait dans sa chambre, une série de coups retentit à la porte. Lyana, qui veillait silencieusement, alla ouvrir et se trouva face à Nick et Athalia, visiblement inquiets.
Surprise, Lyana leur fit un sourire fatigué.
— Merci d'être venus, dit-elle doucement. Il est dans sa chambre... Mais je doute qu'il veuille me voir.
Athalia baissa les yeux, visiblement gênée. Sa voix trembla légèrement lorsqu'elle parla :
— Désolée... Tout ça, c'est de ma faute. Si Manuel s'en prend à Dween sans arrêt, c'est à cause de moi.
Nick secoua la tête, frustré.
— Non, Athalia. Mon cousin, Manuel... c'est juste un imbécile qui ne supporte pas qu'on lui dise non.
Lyana hocha la tête avec un soupir avant de les inviter à entrer.
— Il est dans sa chambre, murmura-t-elle, ouvrant le passage.
Nick et Athalia se dirigèrent doucement vers la chambre de Dween. Lorsqu'ils entrèrent, ils le trouvèrent allongé sur son lit, le regard vide, perdu dans ses pensées. Il ne s'attendait visiblement pas à leur visite, mais il ne montra aucun signe d'émotion à leur arrivée, se contentant de les observer en silence.
Athalia fit un pas en avant, l'envie de s'excuser une fois de plus brisant presque son cœur. Mais les mots restèrent coincés dans sa gorge.
Pendant ce temps, Lyana, restée en retrait, réfléchissait à toute cette situation. Elle en avait assez. Il fallait que ça cesse. Ce harcèlement de Manuel ne pouvait plus continuer. Elle savait qu'il ne s'agissait pas d'une simple querelle entre étudiants. Dween n'était pas un jeune homme ordinaire, il portait en lui un héritage dont il ignorait encore tout, mais qui le rendait bien plus vulnérable qu'il ne le pensait.
Lyana serra les poings. Manuel ignorait dans quoi il s'était embarqué. En s'attaquant à Dween, il ne faisait pas que harceler un simple camarade de classe. Il jouait, sans le savoir, dans la cour des grands. Et Lyana savait qu'il ne devait rien arriver de grave à Dween... pas avec ce qui était en jeu.
Elle prit une profonde inspiration. Il était temps de prendre des mesures drastiques, de mettre un terme à cette histoire avant qu'elle ne dégénère. Elle ne laisserait plus Manuel continuer ainsi.
L'homme qui avait interrompu la bagarre entre Dween et Manuel n'était pas un simple passant. Sous l'apparence d'un justicier, il était en réalité un agent engagé par Ethan, le père biologique de Dween. Ce dernier, bien que distant, avait ordonné la surveillance de son fils par ce moyen discret. L'homme agissait dans l'ombre, veillant sur Dween, prêt à intervenir uniquement en cas de danger.
Alors que Dween se trouvait dans une période de vulnérabilité, cet agent avait désormais Manuel dans sa ligne de mire. La tension qui planait autour de Dween n'était pas seulement le résultat des conflits d'âge adolescent, mais aussi d'un héritage familial caché et dangereux.
Il savait que chaque acte de violence, chaque menace envers Dween, pourrait avoir des répercussions bien plus graves qu'un simple coup de poing. L'agent était prêt à tout pour protéger le jeune homme, y compris à faire disparaître Manuel s'il devenait nécessaire de défendre Dween et son futur.
Les pensées de l'agent étaient claires. Manuel, avec ses provocations et son comportement belliqueux, était devenu une menace non seulement pour Dween, mais aussi pour l'équilibre fragile que leur famille tentait de maintenir. L'agent se tenait en embuscade, surveillant chaque mouvement de Manuel, attendant le moment opportun pour agir. Il savait que la patience était de mise, mais la colère montait en lui chaque fois qu'il voyait le jeune homme s'en prendre à Dween.
Pour lui, la loyauté envers Dween était indiscutable. C'était bien plus qu'un simple emploi. C'était une mission sacrée, et il était déterminé à protéger cet héritier, même si cela signifiait s'attaquer à un adolescent dont le seul crime était d'être arrogant. Manuel ne se doutait pas des conséquences que ses actes pouvaient entraîner. Et l'ombre de l'agent pesait sur lui, prête à frapper au moment où il s'y attendrait le moins.