Chapitre 13

2045 Words
Chapitre 13 LE POINT DE VUE DE LÉA Je cours presque jusqu'à l'appartement de Chloé, mes larmes brouillant ma vision. Les gens me dévisagent dans le métro, mais je m'en fiche. Tout ce qui compte, c'est de mettre le plus de distance possible entre Matthieu et moi. Il m'a trompée. Il m'a trompée. Ces mots tournent en boucle dans ma tête, chacun comme un coup de poignard. Quand j'arrive enfin chez Chloé, je tambourine à sa porte comme une folle. Elle ouvre immédiatement, déjà en pyjama. — Mon Dieu, Léa... — C'était vrai, je sanglote en m'effondrant dans ses bras. Tout était vrai. Il a couché avec elle. — Merde. Entre. Entre. Elle me tire à l'intérieur, refermant la porte derrière nous. En quelques minutes, je suis installée sur son canapé avec un verre de vodka dans les mains. — Raconte-moi tout. Et je le fais. Tout sort sa confession, son excuse pathétique, la façon dont il a essayé de me dire qu'il m'aimait comme si ça pouvait tout effacer. — Ce connard, crache Chloé en remplissant mon verre une deuxième fois. Ce p****n de connard. — Je suis tellement stupide. Je me suis ouvert à lui. Je lui ai fait confiance après Thomas. Et il... Ma voix se brise à nouveau. — Tu n'es pas stupide. Il est un connard. C'est différent. Je vide mon verre d'un trait, la brûlure de l'alcool étrangement réconfortante. — Je ne retourne pas chez moi ce soir. Il va venir. Je le connais. Il va venir essayer de me parler. — Tu peux rester ici aussi longtemps que tu veux. Et s'il débarque, je le vire moi-même. Je souris faiblement à travers mes larmes. — Merci. Tu es la meilleure amie du monde. — Je sais. Elle me ressert encore, et je bois. Encore et encore. Essayant de noyer la douleur, la trahison, l'humiliation. Après le cinquième verre, tout devient flou. La pièce tourne agréablement. La douleur dans ma poitrine s'atténue, remplacée par un engourdissement bienvenu. — Je vais le lui rendre, je marmonne. Je vais lui faire ressentir exactement ce qu'il m'a fait ressentir. — Léa, non. Ne fais pas quelque chose que tu vas regretter. — Pourquoi pas ? Il l'a bien fait, lui. Mon téléphone vibre. Encore et encore. Des appels de Matthieu que j'ignore systématiquement. Puis des messages. "S'il te plaît, réponds-moi." "Je sais que tu es chez Chloé. Laisse-moi venir." "Je t'aime. Je suis tellement désolé." "S'il te plaît, Léa. Juste une chance de m'expliquer." Je les lis tous, chacun alimentant ma rage et ma douleur. — Il peut aller se faire foutre, je déclare en jetant mon téléphone sur le canapé. C'est à ce moment que le téléphone de Chloé sonne. Elle regarde l'écran et grimace. — Merde. C'est le boulot. Une urgence. — Maintenant ? — Je suis de garde cette semaine. Je suis désolée, Léa. Je dois y aller. Elle se lève précipitamment, enfilant des vêtements par-dessus son pyjama. — Ça va aller ? Tu veux que j'appelle quelqu'un ? — Non, je gère. Vas-y. — Il y a plus de vodka dans le congélateur. Et de la glace au chocolat. Sers-toi. Elle m'embrasse sur le front. — Je risque de rester longtemps. Mais appelle-moi si tu as besoin. N'importe quand. — Promis. Et elle part, me laissant seule avec mes pensées toxiques et ma bouteille de vodka. *** Je ne sais pas combien de temps passe. Peut-être vingt minutes. Peut-être une heure. Tout se fond dans un brouillard alcoolisé. Puis on frappe à la porte. Mon cœur fait un bond. Matthieu. Il a dû me suivre. Je me lève, vacillant légèrement, et marche vers la porte avec détermination. Je vais lui dire d'aller se faire foutre. Je vais... J'ouvre la porte brusquement. Ce n'est pas Matthieu. C'est Alexandre. — Léa ? dit-il, visiblement surpris de me voir. Qu'est-ce que tu fais ici ? Je venais voir Chloé. — Elle est partie. Urgence au boulot. Ma voix est pâteuse. Je réalise que je suis plus ivre que je ne le pensais. Alexandre fronce les sourcils, me détaillant. — Ça va ? Tu as l'air... — Comme de la merde ? Oui. Probablement. — Qu'est-ce qui s'est passé ? Il y a une gentillesse dans sa voix qui me fait presque recommencer à pleurer. — Tu veux entrer ? Ou tu peux partir. Peu importe. J'essaie de refermer la porte, mais il la retient doucement. — Je ne vais pas te laisser seule dans cet état. Laisse-moi entrer. Une partie de moi sait que c'est une mauvaise idée. Mais l'autre partie la partie ivre et blessée s'en fiche. Je le laisse entrer. Nous nous installons sur le canapé, et il remarque immédiatement la bouteille de vodka presque vide sur la table basse. — Merde, Léa. Qu'est-ce qui s'est passé ? — Matthieu m'a trompée. Les mots sortent de façon étrangement détachée maintenant. Comme si je parlais de quelqu'un d'autre. — Avec son ex. Il y a trois jours. Puis il m'a regardée dans les yeux et m'a dit qu'il m'aimait. Alexandre jure doucement. — Je suis désolé. Vraiment. Tu mérites tellement mieux. — Tout le monde me dit ça. Mais apparemment, je ne suis pas assez bien pour être fidèle. — Ne dis pas ça. Ce n'est pas toi. C'est lui. Il est un idiot. Il se rapproche, posant une main réconfortante sur mon épaule. — Tu es incroyable, Léa. Belle, intelligente, drôle. N'importe quel homme serait chanceux de t'avoir. Je le regarde. Vraiment le regarde pour la première fois. Il est objectivement beau. Des yeux bleus clairs, des cheveux blonds bien coiffés, un sourire gentil. Pas Matthieu. Mais c'est peut-être exactement ce dont j'ai besoin. — Tu penses vraiment ça ? — Absolument. Depuis le dîner l'autre soir, je n'arrête pas de penser à toi. Mais tu étais avec lui, alors je me suis retenu. Sa main remonte de mon épaule vers mon cou, une caresse légère. — Mais maintenant... — Maintenant, je suis libre, je termine pour lui. Quelque chose s'allume dans ses yeux. Du désir. De l'intérêt. — Tu es ivre, dit-il doucement. Je ne veux pas profiter. — Je sais exactement ce que je fais. C'est un mensonge. Je n'ai aucune idée de ce que je fais. Mais la douleur dans ma poitrine est insupportable, et je veux juste... la faire taire. Je veux faire ressentir à Matthieu exactement ce qu'il m'a fait ressentir. Je veux lui rendre la pareille. Avant qu'Alexandre puisse répondre, je me jette sur lui, capturant ses lèvres dans un b****r maladroit. Il se fige un instant, puis répond. Ses mains trouvent ma taille, m'attirant plus près. Ce n'est pas comme embrasser Matthieu. Il n'y a pas cette électricité, cette connexion qui me faisait perdre la tête. Mais c'est bien. C'est une distraction. — Léa, murmure-t-il contre mes lèvres. Tu es sûre ? — Ferme-la et embrasse-moi. Et il le fait. Ses mains deviennent plus audacieuses, explorant, caressant. Je me laisse aller, fermant les yeux, essayant de ne pas penser à Mathieu. Mais c'est impossible. Chaque touche me rappelle les siennes. Chaque b****r me fait réaliser à quel point je préfère les siens. Alexandre me soulève, me portant vers la chambre de Chloé. Une partie de moi hurle que c'est une erreur. Que je vais le regretter. Mais je fais taire cette voix. Il me dépose sur le lit, et ses mains trouvent les boutons de mon chemisier. Je l'aide, voulant aller vite avant que mon courage ou ma colère ne disparaisse. Ses lèvres descendent le long de mon cou, de ma clavicule. Il murmure des compliments que je n'entends pas vraiment. Tout ce que je peux penser, c'est : Maintenant, Matthieu saura ce que ça fait. Nos vêtements disparaissent dans un enchevêtrement maladroit. Alexandre est attentif, doux, tout ce qu'un amant devrait être. Mais ce n'est pas Matthieu. Et mon corps le sait. Quand il me pénètre finalement, je ferme les yeux fort, laissant échapper un gémissement qui sonne faux même à mes propres oreilles. — Tu es tellement belle, halète Alexandre en bougeant. Je ne réponds pas. Je ne peux pas. Parce que tout ce que je peux penser, c'est que je suis en train de faire la même chose que Matthieu m'a faite. Je suis en train de coucher avec quelqu'un d'autre pour faire mal à la personne que j'aime. Et ça ne me fait pas me sentir mieux. Ça me fait me sentir... vide. Mais je ne m'arrête pas. Je continue, laissant Alexandre me prendre encore et encore, cherchant désespérément quelque chose n'importe quoi qui pourrait remplir le vide que Matthieu a laissé. Mais ça ne vient jamais. *** Des heures plus tard, Alexandre dort à côté de moi, un bras possessif autour de ma taille. Je fixe le plafond, complètement sobre maintenant, la réalité de ce que j'ai fait me frappant comme un train. J'ai couché avec Alexandre. Pour me venger. Pour faire mal à Mathieu. Et maintenant, je me sens... sale. Comme si j'avais trahi non seulement Matthieu, mais aussi moi-même. Mon téléphone vibre sur la table de nuit. Encore Matthieu. "Je sais que tu ne veux pas me parler. Mais s'il te plaît, sache que je t'aime. Que je t'aimerai toujours. Et que je passerai le reste de ma vie à essayer de me racheter si tu me laisses une chance." Les larmes coulent sur mes joues. Qu'est-ce que j'ai fait ? J'ai voulu lui faire mal. Lui rendre la pareille. Mais en réalité, je me suis juste fait mal à moi-même. Alexandre remue à côté de moi, resserrant son étreinte. Son toucher me fait grimacer. Ce n'est pas lui que je veux dans ce lit. Ce n'est pas ses mains que je veux sur moi. Je veux Matthieu. Malgré tout ce qu'il a fait. Malgré la trahison. Je veux l'homme que j'aime. Et maintenant, je viens de tout compliquer encore plus. Je me glisse hors du lit aussi silencieusement que possible, ramassant mes vêtements éparpillés. Alexandre grogne dans son sommeil mais ne se réveille pas. Je m'habille rapidement, mes mains tremblantes. J'ai besoin de sortir d'ici. J'ai besoin d'air. J'ai besoin de... je ne sais pas ce dont j'ai besoin. Je quitte l'appartement de Chloé, refermant doucement la porte derrière moi. Il fait presque jour. Le soleil commence à poindre à l'horizon, peignant Paris de teintes dorées. Une nouvelle journée. Un nouveau départ. Ou juste une nouvelle couche de regrets à ajouter à mon fardeau. Je marche sans but dans les rues vides, mes pas me menant finalement... chez moi. Devant mon immeuble, assis sur les marches, se trouve Matthieu. Il a l'air terrible. Ses cheveux sont en bataille, ses vêtements froissés. Ses yeux sont rouges, comme s'il avait pleuré. Quand il me voit, il se lève d'un bond. — Léa. Dieu merci. J'ai attendu toute la nuit. J'avais peur que... Il s'arrête, me détaillant. Son expression change, passant du soulagement à la confusion puis à... la compréhension. — Où étais-tu ? Sa voix est à peine un murmure. Je ne réponds pas. Je n'ai pas besoin de le faire. Il peut le voir sur mon visage. Dans mes vêtements froissés. Dans ma démarche coupable. — Léa. Qu'est-ce que tu as fait ? Et c'est à ce moment que je me brise. Complètement. Totalement. — La même chose que toi, je sanglote. J'ai fait exactement la même chose que toi. Son visage devient livide. — Avec qui ? — Ça change quelque chose ? — Dis-moi. — Alexandre. Je vois le moment où son cœur se brise, exactement comme le mien s'est brisé hier soir dans son bureau. — Pourquoi ? chuchote-t-il. — Pour te faire mal. Pour te rendre la pareille. Pour... je ne sais pas. Les larmes coulent librement maintenant. — Mais ça n'a rien changé. Je me sens juste... horrible. Nous restons là, dans l'aube naissante, deux personnes brisées qui se sont mutuellement détruites. — On ne peut pas revenir en arrière, dit finalement Matthieu, sa voix rauque. N'est-ce pas ? — Je ne sais pas. Et c'est la vérité. Je ne sais plus rien. Tout ce que je sais, c'est que nous sommes tous les deux coupables maintenant. Tous les deux des tricheurs. Tous les deux aussi perdus l'un que l'autre.
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