Pdv d'Anjel
Je suis dans les bras d’un… MEC !!!
Et évidemment, mon premier réflexe n’est pas de me relever dignement comme une héroïne de film.
Non.
Je prends un malin plaisir à reluquer. Oui, oui. Je mate. Et pas discrètement.
MERDE.
Il est grand. Très grand. Genre le genre de gars qui doit voir le sommet des arbres sans lever la tête. Ses cheveux bruns sont un peu humides — sûrement de la sueur, ou de l’effort — et ses yeux… verts. Pas verts normaux. Non. Des verts “j’ai un secret et je te défie de le découvrir”. Des yeux qui parlent trop fort pour quelqu’un que je ne connais pas.
Il porte un maillot de basketteur, noir et rouge, collé à sa peau. Et moi ?
Moi je suis littéralement pendue à son cou, les yeux écarquillés, à deux centimètres de son visage, comme une décoration de Noël mal accrochée.
— Ça va ? demande-t-il d’une voix grave, un peu rauque.
Minute. Je suis ENCORE dans ses bras.
Et minute bis : pourquoi je profite encore ???
Anjel, reprends-toi. Respire. Arrête de t’imaginer des fanfictions.
— Euh… ouais… je crois. Enfin, je crois que j’ai perdu deux ou trois neurones dans la collision, mais rien de cassé.
Je tente de me détacher en douceur, sauf que mes doigts s’emmêlent dans son maillot. Encore mieux : je tire dessus. Craac. Génial. Merveilleux. Fantastique. Y avait pas moyen de faire pire.
— Oh non non non non, fais pas ça, Anjel…, marmonné-je mentalement.
Lui, il sourit. Un sourire en coin. Un peu moqueur. Un peu insolent. Un peu je-sais-que-je-te-trouble-et-j’en-profite.
— T’as une façon originale d’entrer en contact, dit-il. En général, les gens se contentent d’un “salut”.
— Et toi t’as une façon très efficace de rattraper les filles, rétorqué-je, piquée dans mon ego et dans ma dignité.
Derrière nous, j’entends Érina éclater de rire. Bien sûr qu’elle rigole. Elle attendait même sûrement ce moment depuis la naissance de l’univers.
— C’est pas drôle, Érina ! Il aurait pu me tuer avec son ballon !
— Ou t’offrir ton futur mari, qui sait ? crie-t-elle en se tenant les côtes.
Je deviens rouge. Rouge tomate, rouge cramoisi, rouge “j’ai avalé un piment”.
Merci, Érina. Vraiment. Je t’adore. Enfin… parfois.
Je me tourne vers mon sauveur en essayant de me recomposer un visage digne.
— Pour ma défense, c’est ton ballon qui a commencé, dis-je.
— Et pour ma défense, c’est ta tête qui a servi de mur, répond-il en haussant un sourcil.
Touché. Complètement touchée.
Et un peu vexée aussi, mais chuuut.
Il me remet débout et tend la main. Sa paume est chaude. Large. Un peu rugueuse. Le genre de main qui appartient à quelqu’un qui vit — pas quelqu’un qui regarde la vie de loin.
— Je m’appelle Liam, dit-il. Et toi, la tête en béton ?
— Anjel. Et fais gaffe, j’encaisse les ballons mais pas les sarcasmes. Dis-je en lui rendant son geste.
Il rit. Un rire franc, qui résonne dans sa poitrine. Et reprend la balle par terre.
J’ai envie de le frapper. Et en même temps… de sourire.
Je déteste les garçons qui ont cet effet-là.
Ou j’adore. J’sais pas. C’est ambigu.
Sans prévenir, il me relance le ballon — doucement cette fois. Je l’attrape maladroitement, comme si j’avais deux mains gauches.
— Alors, Anjel, comme ça t’es un ange. Intéressant. On se revoit sur le terrain ? demande-t-il, malice dans les yeux.
— Seulement si tu promets de viser le panier et pas ma tête.
Son regard s’illumine.
— Promis.
Et voilà que j’ai l’impression que ma bonne étoile a peut-être — je dis bien peut-être — fait un détour, acheté un sandwich, puis décidé de revenir.
Je lui renvoie la balle ; il la rattrape sans difficulté.
Bien sûr. Monsieur maîtrise tout. Monsieur est parfait. Monsieur est agaçant.
Il s’apprête à repartir, mais il hésite. Légèrement. Un micro-dérapage dans sa démarche.
Puis il se tourne vers moi, l’air un peu moins insolent, un peu plus… attentif ?
— Fais attention à toi, Anjel, dit-il. On dirait que t’attires les projectiles.
— J’attire surtout les problèmes, corrigé-je.
— Alors on a ça en commun, répond-il avant de s’éloigner.
Hein ?
Attends.
What ?
Il vient de dire quoi ?
Je reste plantée là, bouche ouverte, comme si mon cerveau avait décidé de faire un écran bleu.
— ANJEL ! hurle Érina.
— Quoi ?
— T’AS VU LE MEC QUI T’A RATTRAPÉ !?
— Oui, j’étais littéralement collée à lui.
— Et t’as rien fait ! Rien ! Pas un sourire charmeur, pas un battement de cils, pas un numéro !
— Erina, j’essayais de survivre !
— C’était ton moment ! Ta scène principale ! Ton arc narratif romantique ! Et tu l’as laissé PARTIR !
— Arrête de crier, on dirait une maman pigeon qui a perdu son bébé.
Elle souffle. Me fixe comme si j’étais l’héroïne la plus nulle du cinéma.
Puis elle soupire, s’assoit à côté de moi.
— T’as remarqué ? dit-elle soudain d’une voix plus douce.
— Quoi encore ?
— Quand il t’a regardée… il avait une drôle de lueur dans les yeux.
Je fronce les sourcils.
— De quelle lueur tu parles ?
Elle penche la tête.
— Hm… Comme celle: " il y a de l’amour dans l’air ", déclare Érina, les yeux pleins de suspicion.
— Si tu parles de l’amour inconditionnel que tu me portes, alors oui, y en a un.
— Ouais, continue à jouer les idiotes. Moi je sais ce que j’ai vu.
— Changeons de sujet, ça me donne mal à la tête, réponds-je, en ricanant.
_ Ouais c'est ça nie autant que tu veux mais ce gars t'a marqué. Rie-t-elle. Mais sérieusement, t'es sûre de pas le connaitre ? Vue le regard qu'il t'as lancé on aurait dit qu'il t'avais déja vue quelques part.
Je secoue la tête.
— Impossible. J’aurais retenu un mec pareil.
— Ou peut-être que lui t’a retenue, dit-elle en me lançant un regard mystérieux.
Super. Maintenant elle se prend pour une voyante.
Je souffle un coup, m’allonge dans l’herbe et fixe le ciel.
— Tu sais quoi, dit Érina en se couchant à côté de moi, les bras croisés derrière la tête, tu devrais le revoir.
— Pourquoi faire ?
— Pour récupérer les neurones que t’as perdus quand il t’a regardée.
Je lui donne un petit coup de coude.
Le soleil chauffe ma peau. Le vent sent le sel et la liberté. Les cris des joueurs résonnent au loin.
Je ferme les yeux un instant.
Et merde.
Je crois que ma bonne étoile vient officiellement de se réveiller.
Je sais pas si c’est une bonne nouvelle.
Mais… ça fait battre quelque chose en moi.
Peut-être que ce gars n’est pas juste une rencontre.
Peut-être qu’il est un début.