Prologue

500 Words
16h45 — Donne-moi ce téléphone. MAINTENANT. La voix claque comme un fouet. Un pas lourd se rapproche. Un canon de fusil apparaît dans mon champ de vision, froid, noir, parfaitement poli. — Donne-leur. S'il te plaît… gémit ma tante, la voix brisée, les yeux rouges d’avoir trop supplié. Je tourne la tête vers elle. Ses mains tremblent, son corps aussi. Elle ressemble à un oiseau qu’on a attrapé par les ailes. Pathétique. — Ha ! Vous avez entendu ? rigole un des types. Allez, gamine, on vous laissera tranquilles, toi et tes vieux — à moins que tu veuilles qu'ils meurent sous tes yeux. L’autre éclate de rire, un rire rauque, sans joie. Ils sont cinq. Masqués. Sûrs d’eux. Ma tante sanglote. Son mari serre les poings si fort que ses articulations blanchissent. Ils me regardent comme si j’étais leur unique planche de salut. C’est presque ... mignon. Moi, je regarde le téléphone. Un simple téléphone. L’écran noir me renvoie mon reflet impassible, mes yeux vides, mon calme glacial. Ce portable n’a aucune valeur sentimentale. Eux non plus. Je hausse les épaules et réponds, sans la moindre hésitation, sans un tremblement, sans un souffle de remords : — Faites ce que vous voulez. Tuez-les si ça vous arrange. Ça m'est égal. Le monde se fige. Un cri déchire l’air : — COMMENT PEUX-TU DIRE ÇA ? APRÈS TOUT CE QU’ON A FAIT POUR TOI ! Sa voix est un mélange de haine, de supplication et d’incompréhension. Elle ne comprendra jamais. Elle ne m’a jamais comprise. Les brigands échangent un regard. Un regard rapide, surpris, presque admiratif. — Eh ben… souffle l’un d’eux. Elle en a dans le ventre, la petite. — Ou un cœur en pierre, ajoute un autre en pouffant. Ma tante tente de s’approcher de moi, mais un bandit la repousse d’un coup sec du revers de l’arme. Elle vacille, retombe sur les genoux, haletante. — Anjel… supplie-t-elle, la main tendue. S’il te plaît… Je la regarde sans émotion. Rien. Le vide. Silence. Lourd, épais, suffocant. Un pistolet est levé. Pas pour faire peur. Pas pour négocier. Pour tirer. Je vois le reflet du soleil sur le métal. Je vois ma tante fermer les yeux, son mari retenir un hoquet. Et moi… Je ne bouge pas. Puis… BAM !! Un coup sec. Le bruit traverse la pièce, frappe les murs, rebondit jusque dans mes os. La poussière retombe lentement, comme un rideau après une scène trop brève. Je ne cligne même pas des yeux. & Je m'appelle Anjel. J'ai dix-neuf ans, troisième année de droit, des rêves légers et des projets bien rangés : un petit appartement, deux enfants, un chien, une vie à peu près droite. Avant aujourd'hui, mon plus grand drame était de rater un partiel. Avant aujourd'hui, j'avais appris à me contenter des choses simples. Mais le destin, lui, n'aime pas les plans. Il aime déranger. Et il aime frapper là où ça fait le plus mal. Et tout ça commence avec mes vacances d'été.
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