Vers un autre Monde
« Le jeune homme pria pour que cette sensation étrange s’arrête le plus vite possible. Il sentait qu’il disparaissait : quelque chose l’emmenait autre part... »
Une sonnerie se fit entendre dans la chambre plongée dans le noir. Quittant le monde des rêves, Drew ouvrit les yeux difficilement.
Quel drôle de rêve, pensa-t-il.
Il jeta un œil en direction de sa table de chevet pour regarder son réveil, qui affichait six heures quarante-cinq.
Voilà une nouvelle journée qui démarre !
Le garçon s’étira, s’extirpa de ses couvertures puis se dirigea vers son bureau où il emporta sa montre et sa pile de vêtements pliée qu’il avait décidé de porter aujourd’hui et que le jeune homme avait préparé la veille.
Une fois arrivé dans la salle de bain, le jeune homme ferma la porte de la pièce puis tourna la poignée du robinet d’eau chaude et se déshabilla avant d’entrer dans la douche. Il prit son savon et se frictionna le corps. Une fois savonné, Drew resta un moment sous l’eau chaude afin de se rincer. Il ferma ses yeux afin de profiter de l’apaisement que lui procurait la chaleur de l’eau. Le jeune homme coupa alors l’eau puis saisit sa serviette qu’il avait posée sur la cabine avant d’entrer dans le bac. Le garçon essuya son corps fin et ses cheveux châtains. Il enfila un boxer propre puis ses chaussettes, son jean et un t-shirt blanc avec des manches courtes. Une triquetra était dessinée dessus. Drew se regarda alors dans le miroir puis utilisa la bombe de laque posée sur l’étagère fixée au mur au-dessus du robinet. Après avoir ajusté ses mèches avec ses doigts, il reposa la bombe et prit quelques secondes pour admirer le résultat final.
C’est plutôt pas mal pour aujourd’hui, se dit-il.
Drew se lava les mains sous le robinet afin de retirer les particules de laque, coupa l’eau et s’essuya les mains sur sa serviette.
Le jeune homme, à l’allure fine, quitta la salle de bain et descendit les escaliers pour rejoindre la cuisine et déguster son petit déjeuner. Arrivé dans la pièce, il découvrit son père déjà en train de boire son bol de café. Ce dernier s’était déjà habillé pour aller au travail. Il portait une chemise à manches courtes ainsi qu’un pantalon noir. L’homme athlétique d’une cinquantaine d’années travaillait en tant que comptable dans une usine de transport.
— Bonjour ! annonça le jeune homme en pénétrant dans la pièce.
— Bonjour mon fils ! Comment vas-tu ? Tu as bien dormi ?
— Ça va, à part un rêve un peu… particulier, dit-il en faisant couler du lait dans son bol et en l’apportant au micro-ondes, qui était branché sur un meuble, à côté de la machine à café.
— Ah ? Qu’est-ce qui t’est arrivé ?
— J’ai rêvé de… Tu vois les champs de bataille au Moyen Âge avec des chevaliers qui s’affrontent ?
— Ça me fait plaisir.
— Ah bon ? Je rêve d’un m******e sanglant et tu es content… Va chercher l’erreur, répliqua le jeune homme en apportant son bol chaud sur la table de la cuisine et en savourant un croissant, posé dans le panier en bambou devant lui.
— Je veux dire par là que ton cours d’Histoire te fait travailler dans ton sommeil. C’est cool comme ça tu auras une bonne note à ton examen de fin de trimestre. Enfin si c’est de ça que ton cours va parler.
— Oui, en tout cas c’est ce que le prof nous a dit la semaine dernière. Je revois sa tête tout enjouée à l’idée de nous parler du Moyen-Âge.
— Pourquoi tu n’aimes pas cette période ?
— Disons que je ne vois pas ce qu’on peut dire de plus à part qu’il y a eu des chevaliers, des rois, des guerres… Ah si j’oubliais, il y a eu des châteaux aussi c’est important ! En plus, on nous raconte ces histoires depuis qu’on est en CM1 donc c’est bon je connais. J’ai juste la sensation de perdre mon temps.
— Pourtant c’est important.
— Bien sûr, je suis d’accord avec toi mais le problème c’est que les profs choisissent toujours les mêmes événements. C’est bon, ils ne le disent une fois, on ne va pas oublier que Jeanne d’Arc est morte brûlée sur le bûcher ou que les Français ont guillotiné Louis XVI.
— Tu sais tout le monde n’a pas une mémoire comme la tienne. Ou alors les profs font ça pour continuer à captiver certains élèves qui adorent ce genre de détails.
— Oui, tu veux dire les barbares quoi !
— Ne sois pas moqueur !
— Je ne le suis pas c’est juste qu’il s’est passé tellement d’autres choses importantes…
— Je sais mais bon que veux-tu ? On n’est pas profs d’Histoire. D’ailleurs, tu as pensé à l’année prochaine ?
— La Terminale ? Je pense me spécialiser mais je ne sais pas encore dans quel domaine.
— Pourquoi pas l’Histoire ?
— Mais bien sûr, dit le jeune homme avec un ton moqueur.
— Vois le côté positif ton programme ne va pas vraiment changer au fil des ans, tu seras tranquille.
— Justement, j’ai besoin de quelque chose qui me permette de changer d’horizon de temps en temps. Je ne veux pas avoir un boulot ennuyeux. Je sais que le lycée a ouvert un département en Droit. Pourquoi ne pas tenter ma chance ? Après tout, c’est un domaine assez varié.
— Oui, pourquoi pas. De toute façon, il faut que tu choisisses quelque chose qui te parle, qui t’intéresse.
— C’est ça. Du coup, je vais peut-être me renseigner cet après-midi.
— Ça marche, dit l’homme d’âge mûr en regardant sa montre. Oh mince, il faut que j’y aille sinon je vais être en retard au travail. Je te conduis au lycée ?
— Non c’est bon je prendrais le bus.
— OK. Je te laisse fermer les portes de la maison et j’ai mes clés en cas de besoin donc tu peux emporter ton trousseau avec toi.
— Bien ! Au fait, tu as des nouvelles de maman et de Raphaël ?
— Oui, elle m’a envoyé un message, elle est bien arrivée en Angleterre pour son stage sur la couture et elle t’embrasse. Et ton grand frère est bien arrivé en Égypte.
— OK, ça me rassure.
— J’y vais ! À ce soir, soit sage et bosse bien.
— Comme d’hab !
Drew vivait dans la maison familiale située en pleine campagne normande. Ses parents l’avaient acheté au début des années quatre-vingt, après leur mariage. Sa mère était styliste. Sa spécialité était de créer et de vendre ses propres robes de mariées. Son frère, de sept ans son aîné, avait suivi des cours pour devenir archéologue.
Tandis que Drew vit son père démarrer sa voiture et quitter la maison, ce dernier termina son déjeuner et alla laver son bol dans l’évier de la cuisine. Il remonta alors dans la salle de bain pour se laver les dents. Une fois celles-ci nettoyées, le jeune homme descendit les marches, enfila sa veste en jean, mit ses baskets et prit son sac. Après s’être assuré d’avoir fermé la porte d’entrée ainsi que le portail de la maison à clé, Drew se dirigea vers l’arrêt de bus le plus proche.
Le bus devrait arriver d’ici cinq minutes, se dit le garçon.
En attendant, il sortit son baladeur et mit les écouteurs dans ses oreilles. Il alluma ensuite l’appareil et appuya sur le bouton pour lancer la lecture de ses chansons préférées du moment. Le bus arriva cinq minutes plus tard. Le chauffeur ouvrit la portière et regarda les nouveaux passagers pointer leur ticket vers la borne. Une fois celle-ci validée, Drew s’installa sur un siège, deux rangées derrière le chauffeur, près de la fenêtre.
C’est parti pour une demi-heure de trajet !
Une fois le véhicule en route, le jeune homme se perdit dans ses pensées tout en écoutant sa musique et en regardant les différents paysages défilés sous ses yeux.
***
Le bus arriva devant l’arrêt du lycée. Drew laissa les autres lycéens, qui étaient montés dans le même bus que lui, quittés le véhicule avant de se diriger vers la sortie. Il avança alors vers l’entrée de l’édifice principale. Tout autour de lui, les jeunes étudiants retrouvèrent leurs amis et échangèrent sur divers sujets de conversation du style : « As-tu cette vidéo sur Internet ? », « Le profil de tel élève est passé de couple à célibataire », « Le prof va-t-il nous coller une interro ? »
Ignorant les autres élèves, Drew monta sur les escaliers de l’entrée et pénétra dans le hall du bâtiment que tous les étudiants surnommaient le « Forum ». Il s’agissait d’un vaste espace clair où de nombreuses tables étaient installées pour permettre aux élèves de s’installer afin de discuter ou travailler. Un escalier se situait sur la gauche pour monter rejoindre le bâtiment conçu pour les cours de sciences, aux salles réservées au personnel administratif ainsi qu’à la bibliothèque. Un couloir menait vers les salles de français, maths, histoires ou encore informatiques. Enfin, sur la droite, une porte correspondait au bureau des C.P.E et un escalier donnait vers les salles réservées aux cours de langues vivantes. Le jeune homme regarda alors sa montre, il restait cinq minutes avant le début des cours. Que faire ? Chercher un café à la machine ou aller directement dans la salle de classe ? Drew opta pour la seconde solution.
De toute façon, il y a trop de monde devant la machine à café.
Son périple le mena vers la salle deux cent treize, la salle d’Histoire, son premier cours de la journée.
Bon, alors, on va parler de quoi à part de chevaliers, châteaux et compagnie ? J’espère que ça sera intéressant…
Le jeune élève s’installa au troisième rang et garda une place de libre à côté de lui. Au moment où il allait s’asseoir et éteindre son baladeur, son meilleur ami, Adam, entra dans la pièce et alla le retrouver.
— Ah cool, tu m’as gardé une place !
— Eh ! bonjour tu connais ? dit Drew en plaisantant.
— Quoi ? Ah oui, ça va ma poule !
— Mouais, ba dit donc tu es en forme aujourd’hui !
— M’en parles pas. J’ai couru ce matin, j’étais trop en retard. J’ai même loupé le bus !
— Hein ? Tu habites à côté, tu n’as pas besoin de prendre le bus !
— C’est ce que je te dis, je l’ai loupé. Ba oui c’est crevant de marcher. Du coup, quand je le vois descendre la côte, je sors de chez moi et je prends l’arrêt qui est juste devant et il me dépose au lycée.
— Pour un arrêt ? Mais j’y pense et les contrôleurs ?
— Oh t’inquiètes j’ai l’astuce. S’il y en a un qui s’approche de moi je fais style que je dois sortir du bus j’ai envie de vomir, mon déjeuner ne passe pas !
— Et ça marche ?
— Je ne sais pas, je n’ai pas encore essayé !
— Et du coup, pourquoi ce retard ?
— Jenifer m’a appelé toute la nuit.
— Attends deux secondes, je crois que je ne suis pas réveillé… ou plutôt connecté à ce que tu me dis. Je croyais qu’avec elle c’était fini ?
— Oui mais elle me relance.
— Et tu comptes faire quoi ?
— Je ne sais pas… Franchement, y a d’autres poissons dans l’océan comme on dit. Mais Jenifer a certains arguments discutables…
— Obsédé !
— Je parle du fait que c’est la fille du dirlo donc…
— Donc, elle peut te sauver du redoublement…
— Exactement !
— Et je ne sais pas. Tu n’as pas pensé que bosser et réviser pour tes exams ça pourrait t’aider ?
— Ah ! Bien sûr, t’as d’autres blagues à me balancer parce que celle-là est puissante ! Oh la vache, la barre !
Sacré Adam !
Drew le connaissait depuis son enfance puisqu’ils étaient allés chez la même nourrice étant bébé. Et depuis, ils ne se sont jamais quittés : même quartier, juste avant que la famille d’Adam déménage il y a deux ans, même école primaire, collège et lycée. Drew adorait son meilleur ami pour sa joie de vivre, sa folie et son audace.
C’est alors que les garçons virent leur professeur d’Histoire arriver dans la pièce.
– Bonjour, tout le monde à sa place s’il vous plaît, annonça l’homme d’une trentaine d’années qui était en train de se diriger vers son bureau pour poser son sac et y sortir ses livres et documents divers.
Les professeurs d’Histoire du lycée étaient banales mais tous les étudiants espéraient avoir M. Lukas. Cet homme, passionné par sa matière, avait un secret qui lui permettait de captiver l’attention de son auditoire. Les élèves féminines étaient complètement sous son charme. Il faut dire que ce grand châtain clair mystérieux, bien battit par la nature, avait des atouts de séduction efficaces. Il avait plus l’allure d’un mannequin ou d’un prof de sport. Quant aux élèves masculins, le professeur avait l’art de les faire s’intéresser au cours en apprenant d’une manière différente. L’autre jour, par exemple, il avait demandé à ses étudiants de reproduire une grande bataille concernant la Deuxième Guerre Mondiale. Il les avait alors emmenés au gymnase et avait organisé une sorte de « balle aux prisonniers » afin de leur faire développer leur plan de bataille pour conquérir des territoires ennemis. Comme les Alliés avaient fait durant la guerre.
***
Après quarante-cinq minutes de cours, les élèves prêtaient toujours autant attention aux explications de leur professeur.
Ce dernier avait décidé de parler de la période quatre cents – neuf cents ans après Jésus-Christ.