Point de vue Angelo
---
Deux jours.
Deux jours que j’ai muté.
Deux jours que j’ai enfin libéré mon loup, celui que j’attendais depuis si longtemps, celui dont je rêvais chaque nuit et qui me hantait chaque matin. La sensation est encore gravée dans ma peau, dans mes muscles, dans mes os. Je me sens plus fort, plus rapide, plus vif… et en même temps, plus instable. Comme si cette nouvelle puissance n’avait pas encore trouvé son équilibre en moi.
Aujourd’hui, je décide de sortir un peu. Prendre l’air. Quitter le camp, mettre de la distance entre moi et la meute. Pas que je ne les aime pas — au contraire. J’aime ma famille, mes frères de meute, mes amis. Mais parfois… il faut s’éloigner. Respirer loin du brouhaha, loin des obligations, juste être seul avec ses pensées.
Depuis ma mutation, j’ai attiré l’attention… beaucoup trop. Les prétendantes viennent à moi, comme si elles avaient attendu ce moment pour se jeter sur ma nouvelle aura. Mais il n’y a rien à faire. Mon corps se bloque. Mon esprit se détourne. C’est frustrant… d’autant que depuis que j’ai muté, mon envie de sexe est devenue une brûlure constante. Une rage. Une faim. Une obsession.
J’en suis réduit à calmer cette tension avec Madame Cinq. Oui… pathétique, mais c’est ça ou mordre quelqu’un par accident. Et ma mère… ma mère s’inquiète. Elle me répète que si je ne trouve pas un moyen d’assouvir mes besoins, je vais finir par perdre le contrôle et blesser quelqu’un. Chez les loups, le désir est une force primitive, presque aussi vitale que la faim ou la soif. La réprimer, c’est prendre le risque de voir la bête prendre le dessus.
Et elle a raison. Je le sens.
Je monte dans ma Lamborghini — ma préférée. Un monstre noir aux lignes acérées, le genre de voiture qui attire tous les regards… et qui, en ville, hurle ma puissance avant même que je ne descende. J’adore mes voitures. C’est un plaisir autant qu’un symbole. Mais Lamborghini… c’est plus qu’une marque pour moi. C’est une passion. Un amour.
Direction : la ville.
J’ai rendez-vous dans mon building, au cœur du centre économique. Je dois vérifier deux ou trois documents avant de signer un nouvel investissement colossal. Un projet qui va me rapporter encore plus d’influence et de puissance dans cette ville. Ma société de construction automobile est déjà un empire : des véhicules vendus par milliers, des modèles de luxe qui font rêver le monde entier. Mais cet investissement… c’est un pas de plus vers la domination du marché.
Je gare ma voiture devant l’entrée. Les portes vitrées se reflètent dans la carrosserie sombre, et mon reflet me renvoie l’image d’un homme que beaucoup redoutent et respectent à la fois. Mais derrière cette image… il y a un loup qui brûle.
Parce qu’après les signatures, après les sourires polis aux investisseurs… je devrai affronter la vraie mission : trouver ma compagne.
Lui dire.
Lui faire comprendre que c’est moi. Que c’est nous. Que c’est inscrit dans nos chairs, dans nos âmes, dans chaque battement de mon cœur.
Et là… une autre peur s’installe. Comment lui dire ça ?
Comment lui faire accepter ?
Angelo… tu es un loup. Elle est humaine. Elle ne connaît rien de ce monde. Elle va prendre peur, fuir, te prendre pour un fou…
Mais mon corps… mon corps la réclame comme l’air. Mon loup devient fou à chaque fois que son odeur effleure mes sens. Il rugit, il hurle, il menace de mordre tout ce qui ose se mettre entre elle et moi.
Je le sais.
Si je ne règle pas ce problème, si je ne trouve pas le moyen de créer ce lien avec elle… je finirai seul. Et un loup seul… c’est dangereux.
Pas seulement pour lui-même. Pour tout le monde autour.
Je marche dans le hall, mes chaussures claquent sur le marbre. Les employés s’écartent, me saluent. Mon regard se fixe sur l’ascenseur, mais…
Là.
Un parfum.
Son parfum.
Je m’arrête net. Tout le reste disparaît. Les voix, les bruits de talons, le vrombissement de la ville derrière les vitres… plus rien n’existe, à part cette odeur qui se glisse dans mes poumons et explose dans mon cerveau comme une décharge électrique.
Elle est là.
Pas loin.
Mon cœur se met à cogner. Mon loup se redresse, gronde dans ma tête. Je tourne la tête à droite. À gauche. Cherche. Mais… rien. Personne.
Angelo… tu deviens fou.
Et pourtant… cette odeur est si envoûtante. Si familière. Elle me fait frissonner jusque dans la colonne vertébrale. Elle réveille chaque fibre de mon corps, chaque instinct de prédateur.
— Où es-tu… ?
Je me surprends à murmurer ces mots.
Mais le silence me répond.
Je ferme les yeux une seconde, inspire profondément… et l’odeur disparaît, comme une caresse qu’on retire trop vite.
Frustration. Colère.
— Va travailler, Angelo…
Je reprends ma marche. Mais au fond de moi, je sais que je suis foutu.
Parce que si elle est ici, dans cette ville, alors tôt ou tard… je la retrouverai.
Et le jour où nos regards se croiseront, il n’y aura plus de retour en arrière.