Chapitre 8

1390 Words
Chapitre 8 Le Point de vue d’Élodie — Allô ? Sa voix grave et posée me parvient immédiatement, teintée d’une légère hésitation. — Salut Élodie… Tu es occupée ? Je me cale plus confortablement sur ma chaise, croisant une jambe sur l’autre. — Un peu, mais ça va, je peux parler. Un silence s’installe. Un de ces silences lourds, pleins de non-dits. Je perçois un soupir à l’autre bout du fil. Puis sa voix revient, plus assurée. — Je voulais te parler de quelque chose. Je pince les lèvres, devinant déjà où il veut en venir. — Quoi donc ? — Toi et moi. Ce qui s’est passé l’autre nuit… Il s’arrête un instant, comme s’il cherchait ses mots. J’ai essayé d’aborder le sujet hier matin, mais tu m’as dit que ce n’était rien. J’aimerais comprendre… Pour toi, c’était vraiment rien ? Je ressens un pincement au creux de l’estomac. Je me redresse légèrement, ma main venant jouer machinalement avec le bord de ma tasse de café. — Tu veux vraiment en parler ? je demande d’un ton neutre, feignant l’indifférence. — Oui, répond-il sans hésiter. Parce que pour moi, ce moment… ce n’était pas rien. Sa voix est sincère, dépourvue de cette légèreté taquine qu’il affiche d’habitude. Il est sérieux. Trop sérieux. Je détourne le regard vers la fenêtre, cherchant mes mots. — Samuel… — Non, laisse-moi finir, coupe-t-il doucement. Je ne veux pas prétendre que ça ne m’a rien fait. Ce n’était pas juste un instant oublié dès le lendemain matin. Je sais que tu ressens la même chose. Je ravale ma salive. Mon cœur bat plus vite, mais je me force à garder un ton posé. — C’était… spontané, dis-je finalement. — Spontané, oui. Mais pas insignifiant. Je ferme les yeux un instant, inspirant profondément. Il n’a pas tort, et c’est justement ce qui me perturbe. Je me mords la lèvre, hésitante. — Tu compliques les choses, Samuel… — Ou peut-être que toi, tu refuses simplement d’y penser, rétorque-t-il avec calme. Son ton est doux, mais sa remarque me pique. Je serre un peu plus ma tasse entre mes doigts. — Alors qu’est-ce que tu veux ? je murmure finalement. — Juste de l’honnêteté, Élodie. Arrête de fuir. Je souffle doucement, détournant les yeux vers la porte de ma chambre comme si une échappatoire allait s’y présenter. — Je ne fuis pas… — Alors dis-moi que tu n’as rien ressenti, et je te laisserai tranquille. Je reste silencieuse. Il attend. Je l’entends respirer légèrement de l’autre côté du fil. Mais je ne peux pas dire ces mots. Parce que ce serait un mensonge. Ma main tremble légèrement autour de la tasse de café que je tiens depuis tout à l’heure. Mon regard est fixé sur l’écran de mon ordinateur, mais les mots qui y défilent n’ont plus aucun sens. Samuel vient de mettre des mots sur ce que j’essayais d’éviter. — J’ai vraiment aimé aussi… soufflé-je finalement, ma voix à peine plus forte qu’un murmure. Il y a un silence au bout du fil, comme s’il attendait que j’en dise plus. Mon cœur tambourine dans ma poitrine. Pourquoi faut-il qu’on en parle ? Pourquoi faut-il qu’il insiste ? — Mais reparler de ça voudrait dire… Je me coupe net. Mon estomac se serre. J’ai peur de dire les mots qui rendraient la situation encore plus réelle, encore plus incontrôlable. Samuel ne me laisse pas fuir. — C’est toi qui es venue vers moi, Élodie, dit-il d’un ton calme, mais ferme. C’est moi qui aurais dû te repousser, pas l’inverse. Et pourtant, c’est toi qui cherches à me repousser aujourd’hui. Pourquoi ? Sa voix grave vibre à mon oreille, emplie d’une sincérité désarmante. Mon pouce caresse nerveusement le bord de ma tasse, un vieux réflexe lorsque je suis nerveuse. — Je… — Élodie, je ne veux pas juste d’une nuit avec toi. Mon souffle se suspend. — Tu me plais énormément. Mes doigts se crispent sur ma tasse. Je reste figée, les battements de mon cœur s’accélèrent et mon ventre se serre d’une chaleur étrange. Je sens le sol vaciller sous moi. Une déclaration. Claire. Assumée. Je reste muette, incapable de réagir. Samuel semble s’en rendre compte, car sa voix me parvient à nouveau, inquiète cette fois-ci : — Allô ? Élodie ? Tu es toujours là ? Je ferme les yeux un instant, cherchant à reprendre mes esprits. Puis j’inspire profondément et porte le téléphone à mon oreille. — Oui… dis-je d’une voix plus faible que je ne l’aurais voulu. Je marque une pause, ravalant le nœud dans ma gorge. — Samuel… — Oui ? Je prends une grande inspiration. Il faut que je sois honnête. — Tu es charmant, avoué-je dans un souffle. Et pour être honnête, tu dégages un charisme qui me plaît énormément. Je l’entends sourire à travers le combiné, mais avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit, je continue, baissant un peu la tête comme si je craignais qu’il puisse me voir. — Mais je ne veux pas prendre le risque de m’engager… Le sourire que j’avais perçu dans son souffle s’efface immédiatement. Son silence est lourd, pesant. Je serre la tasse plus fort. — Je ne veux pas que tu finisses par me briser le cœur, Samuel. Il y a un silence au bout du fil. Un long silence. Puis, enfin, sa voix revient, plus douce cette fois, presque un murmure : — Qui t’a déjà brisé le cœur pour que tu sois aussi méfiante ? Ses mots me touchent plus que je ne l’aurais cru. Je détourne les yeux, mordillant ma lèvre inférieure. Je ne sais pas quoi répondre. Parce qu’il a peut-être raison. Je reste silencieuse, incapable de répondre à sa question. Mon cœur bat à tout rompre, et mes doigts se resserrent autour de ma tasse de café. Le liquide est désormais tiède, mais je n’ai plus la moindre envie de boire. — Tu ne réponds pas, reprend Samuel d’une voix plus douce, presque caressante. Ça veut dire que j’ai vu juste ? Je ferme les yeux un instant, luttant contre les émotions qui menacent de me submerger. Il ne comprend pas… Il ne sait pas à quel point s’attacher peut être douloureux. — Élodie, je ne suis pas ce genre d’homme, continue-t-il, avec une sincérité qui me trouble. Si je te plais, si tu ressens quelque chose pour moi, pourquoi lutter autant ? Je soupire et me redresse sur ma chaise, croisant mes jambes sous la table. — Parce que je n’ai pas envie de souffrir, Samuel, dis-je enfin, la voix plus posée. — Et si je te disais que je n’ai pas envie que tu souffres non plus ? Un sourire en coin naît sur mes lèvres malgré moi. Il a une façon de s’exprimer qui m’ébranle, qui me touche plus que je ne le voudrais. — Les hommes disent toujours ça au début, je rétorque en haussant un sourcil, comme s’il pouvait me voir. Il rit légèrement au bout du fil, un rire grave et chaleureux qui m’envoie un frisson le long de l’échine. — C’est peut-être vrai, admet-il. Mais j’ai la ferme intention de te prouver que je suis différent. Je mordille ma lèvre, jouant nerveusement avec une mèche de mes cheveux. Pourquoi est-ce si difficile de simplement écouter mon cœur ? Pourquoi faut-il que je résiste autant alors que tout en moi me pousse à dire oui ? — Élodie… Sa voix a pris une teinte plus tendre, plus intime. Mon ventre se serre. — Donne-moi une chance. Un silence plane entre nous. Un silence lourd, chargé d’attentes et d’incertitudes. Je ferme les yeux un instant et prends une profonde inspiration. — D’accord, soufflé-je enfin. — D’accord ? répète-t-il, comme s’il avait du mal à croire ce qu’il vient d’entendre. Je souris doucement. — C’est bon… Dorénavant, tu es mon petit ami. Un éclat de rire sincère résonne à travers le téléphone. — Tu ne peux pas savoir à quel point ça me fait plaisir d’entendre ça, dit-il, et je peux pratiquement l’imaginer, un sourire victorieux sur les lèvres. Je roule des yeux, amusée, tout en sentant une chaleur douce m’envahir. — Ne prends pas trop la grosse tête, Samuel. — Oh, trop tard, chérie, trop tard… Je secoue la tête en riant. Peut-être que, finalement, j’ai eu raison de dire oui.
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