J'ai ouvert les jambes pour survivre. Maintenant, je les ouvre parce que j'aime ça. Voilà. C'est simple. Y a rien de romantique. Rien de tragique. Juste moi, la chatte bien vivante, et ce monde qui la bai*e à défaut de m'aimer.
Je m'appelle Eva. Un prénom français, bien propre, bien neutre. Ce n'est pas celui que mes parents m'ont choisi — j'en ai jamais eu, de toute façon. C'est celui qu'on m'a donné à l'orphelinat. Un nom d'inventaire. Une étiquette. Eva, la petite Asiatique. L'exotique, la silencieuse, la discrète. Un prénom court, pratique à crier dans les couloirs ou à inscrire sur un dossier médical. On m'a appelé comme ça, et j'ai gardé le nom comme on garde une cicatrice. Par habitude.
Je suis née ici, en France. Mais ça se voit pas trop. Quand je sors dans la rue, on me demande souvent d'où je viens « vraiment ». Les gens regardent mes yeux bridés, mes pommettes hautes, mes cheveux noirs, lisses comme un fleuve calme, et se disent : elle peut pas être d'ici. Pourtant si. Je suis née à Paris. Mais je ressemble pas à la Marianne de leurs timbres. Et je les emmerde.
Je sais pas qui m'a mise au monde. On m'a trouvé à quelques jours à peine, dans une boîte en plastique posée devant la porte d'un hôpital du 13e. Ni mot, ni couverture, ni prénom. Rien. Juste moi, grelottante, minuscule, inutile. J'ai passé les premières années de ma vie dans des crèches d'État, puis dans un orphelinat catholique. C'était propre, encadré, aseptisé. Mais froid. Glacial. Comme une église vide.
Je me rappelle de tout. Les dortoirs gris, les repas en silence, les éducatrices usées qui nous parlaient comme à des chiens. J'étais sage, trop sage. Pas parce que j'étais douce, mais parce que j'avais compris très tôt que faire du bruit, c'était attirer les coups. Alors je me suis tu. J'ai observé. J'ai noté. Les salutations des ventes. Les mains pressantes. Les promesses hypocrites. Le monde adulte n’a jamais été un mystère pour moi. Il m'a toujours été puant, mais transparent.
J'ai eu ma première vraie envie de me faire b****r à quatorze ans.
Pas un amour. Pas un coup de foudre. Juste une pulsion, une fièvre. Je me souviens d'un soir de novembre. Il faisait froid, j'étais seule, en colère, et j'ai glissé ma main entre mes cuisses. C'était la première fois que je me touchais consciemment. Pas pour dormir. Pas pour être plus calme. Pour me réveiller. Et bordel, j'ai joui si fort que j'en ai pleuré. C'était la première fois que j'avais l'impression que mon corps m'appartenait.
Je suis devenue une p*te à saisir. Pas dans les faits, au début. Dans la tête. J'ai compris que mon corps avait une valeur. Qu'il excitait, qu'il dominait, qu'il faisait b****r. Qu'il pouvait faire tomber des murs. À cette époque, je me foutais de l'amour, des garçons gentils, des jeux de séduction. J'avais besoin de contrôle. J'avais besoin de survivre. Et j'avais faim.
Mon premier client était un chauffeur VTC. Cinquante euros et un Big Mac pour une branlette rapide dans une ruelle. J'ai pas tremblé. J'ai fait ça comme on monte sur un vélo. Naturellement. Il m'a remerciée. Il m'a demandé mon prénom. Je lui ai dit "Eva" avec un sourire que j'avais jamais utilisé avant. J'étais fière. Pas parce que je venais de faire de l'argent. Mais parce que j'avais pris une décision. La mienne.
C'est comme ça que ça a commencé. Petit. Progressif. Des textes. Des rendez-vous. Des clients. De l'argent. Un gémissement. Une douche froide.
Aujourd'hui, j'ai dix-huit ans. Et je b***e. Pour de l'argent. Pour du plaisir. Verser exister.
Je ne suis pas une escorte. Ni une fille de luxe. Ni une soumise. Ni une romantique désabusée. Je suis une p*te. Et j'aime ce mot. Il gratte. Il pique. Il dit la vérité.
Je vis dans une chambre d'hôtel à l'heure dans le 19e. Un trou avec un matelas défoncé, une ampoule jaune et une salle de bain crasseuse. Mais j'ai mon miroir, ma trousse de maquillage, mes sextoys et une boîte où je range mes billets. Tout ce qu'il me faut.
Mon corps est mon outil. Mon empire. Mon animal.
Je suis petite — un mètre cinquante-huit. Mais je me tiens à droite. Mes jambes sont fines, musclées, bien écartées. J'aime marcher nue dans ma chambre, sentir mes cuisses se frôler. J'ai des hanches de chatte sauvage, des seins fermes, pas gros, pas petits. Des tétons foncés, durs au moindre souffle. Ma peau est jaune clair, uniforme, douce. Je la lave avec soin. J'aime qu'on m'admire. Mes cheveux sont noirs, raides, longs. Je les laisse souvent libres, comme une crinière. Et mes yeux... mariées, oui. Mais plus tranchants. Ils sont capitaines tout. Ils jugent. Ils séduisent. Ma bouche est pulpeuse, un peu trop peut-être. Mais elle réussit bien. Et elle ment encore mieux.
J'ai des tatouages. Des cicatrices. Un piercing au téton gauche. Un autre sur le clito. J'ai un rire grave. Et une voix qui fait b****r, m'a-t-on dit.
Aujourd'hui, je n'ouvre plus les jambes par nécessité. Je les ouvre parce que j'en ai envie. Parce que le sexe me fait sentir vivant. Parce qu'un homme à genoux, la morsure à la main, me rappelle que dans ce monde, il n'y a que deux rôles : ceux qui prennent. Et ceux qui payaient.
Je suis de la première catégorie.
— Aujourd'hui, j'ai eu quatre clients. Et une surprise.
Le premier était un puceau. Vingt ans à peine. Il transpirait l'angoisse. Il m'a trouvé sur un forum. Il voulait "apprendre", être "initié". Il m'a demandé si j'étais une geisha. Je lui ai souri. Puis je lui ai montré ce qu'était une vraie sal*pe. Je l'ai déshabillé, je l'ai guidé, je l'ai fait jouir deux fois. Il m'a appelé « senseï » en partant. C'était mignon. J'ai presque eu pitié. Presque.
Le deuxième, un avocat bedonnant. Marié, bien sûr. Il voulait se faire insultant, dominateur. Je lui ai pissé dessus dans la douche. Il m'a demandé de lui dire qu'il était un chien. Je l'ai fait gémir jusqu'à l'humiliation. Il est reparti le fichier d'attente entre les jambes, 200 euros plus pauvre, le sourire aux lèvres.
Le troisième... Un vieux qui voulait que je gémisse en coréen. Je ne suis pas coréen, Co**ard. Mais je lui ai donné ce qu'il voulait. Des fils, des soupirs, des faux mots. Il a joui en trente secondes. Je me suis essuyée avec son T-shirt. Il n'y a rien à dire.
Le dernier… était différent.
Il est arrivé sans mots. Grand, brun, cicatrices sur les mains. Des yeux d'ombre. Pas de demande précise. Il m'a regardé. Longtemps. Comme si j'étais une peinture. Quand il m'a touchée, j'ai frissonné. Pas par peur. Pas par plaisir. Par...choc. Il m'a déshabillée lentement, avec respect. M'a prise sans brutalité. Lentement. Profondément. Comme s'il me lisait. Et moi... moi, j'ai joui. Deux fois. Vraiment. Il m'a laissée tremblante. C'est un sourire. Il est parti sans un mot.
Je suis restée allongée sur le lit pendant longtemps, les jambes ouvertes, le cœur en vrac. Ce n'était pas de l'amour. Ce n'était même pas un fantasme. C'était… autre chose. Un rappel que parfois, même moi, je peux encore ressentir. Et ça, c'est terrifiant.
— Pourquoi j'écris tout ça ?
Parce que j'ai besoin de laisser une trace. Ce journal n'est pas un appel au secours. Ni une thérapie. C'est un témoin. Une archive. Un cri dans la nuit. Quand je serai vieille, cassée, utilisée, je veux pouvoir lire ces pages et me souvenir : que j'ai vécu. Que j'ai bandé. Que j'ai joui. Que j'ai fait jouir. Que j'ai existé dans chaque trou, chaque gémissement, chaque billet sale.
Je suis Eva. Petite Asiatique perdue dans Paris. p****n d'orpheline. Et je bai*e le monde, un client à la fois.