Chapitre 1

491 Words
CHAPITRE 1 LÉO AURAIT ÉTÉ INCAPABLE DE DIRE POURQUOI, mais il l’avait tout de suite mal senti, cet échange. Peut-être à cause de ce chat noir qui s’était faufilé entre ses jambes au moment où il pénétrait dans l’immeuble décrépit. Car Léo Hernàndez, dit Le Mexicain (surnom donné par ses copains en souvenir des Tontons flingueurs), était cruel, vicieux, sans scrupule, bref, doué de toutes les qualités pour faire un bon truand, mais affreusement superstitieux. La suite lui donna raison. À peine Léo et son pote José eurent-ils troqué la valise pleine de billets contre les précieux sacs de poudre et laissé partir leurs fournisseurs que des coups violents retentirent à la porte. « Police, ouvrez ! » Le Mexicain n’eut que le temps de balancer la came dans les chiottes avant que le commandant Piron et ses hommes enfoncent la porte et fassent irruption dans l’appartement miteux qui leur servait de planque. Cette fois-là, ils avaient été à deux doigts de se faire prendre en flag’ par les Stups. Et les autres s’étaient déjà barrés oavec le pognon ! Léo aurait donné cher pour savoir qui les avait balancés. Il l’aurait plombé vite fait. Un instant, il se demanda si ce n’était pas les fournisseurs eux-mêmes, mais il avait du mal à le croire : ils travaillaient avec eux depuis des années. Sans pièces à conviction, la garde à vue n’aboutit à rien, mais Léo ne fut pas rassuré pour autant. Ils allaient être placés sous surveillance renforcée. Le commandant Piron n’était pas dupe, et c’était un teigneux : il voulait démanteler cette filière qui sévissait depuis des années dans le 93. Et ce n’était pas le plus ennuyeux. Léo avait l’habitude et savait comment déjouer une filature. Non, le plus grave, c’était la disparition de la came. Ça risquait de lui coûter très cher : Marchand, son chef, lui avait rappelé encore récemment que le Patron ne tolérait pas les échecs. Léo ne connaissait pas le Patron : l’organisation était très compartimentée. Il savait juste que c’était quelqu’un d’important, de bien protégé – et un homme sans pitié. Le lendemain après-midi, Le Mexicain reçut un appel de Marchand. – Faut qu’on se voie. – Jeannot, je ne comprends pas pourquoi ça a merdé, quelqu’un a dû… – Ta gueule, boxon ! On se retrouve à dix-neuf heures. – À l’endroit habituel ? Léo venait de comprendre qu’il ne devait donner aucune information au téléphone. – Oui. Et prends tes précautions. Ça voulait dire : attention aux filatures. C’est pour ça que Marchand lui laissait un bon délai. Léo attendit un moment avant de raccrocher. Un discret clic lui confirma qu’il était bien sur écoute. Les keufs n’avaient pas traîné ! Et le ton sec de Marchand n’annonçait rien de bon. Le Mexicain n’était pas rassuré. Il aurait bien aimé appeler José, son partenaire dans cette opération malheureuse, mais ce n’était pas une bonne idée : lui aussi devait être surveillé. Léo commença à préparer son itinéraire pour contrer la surveillance. Pas question de rater son coup une deuxième fois. Et il devait aussi trouver le temps d’ouvrir une autre ligne de portable sous un faux nom. Donc utiliser sa collection de papiers trafiqués. Il fallait faire vite s’il voulait arriver à l’heure à la convocation de Marchand !
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