II

2889 Words
IIUne semaine passa. L’enfant dormait toujours. Maintenant, on parlait d’elle à Antibes et aux alentours. Des gens venaient la voir. Mme Broquerel, pas fâchée, au fond, de l’événement qui attirait l’attention sur sa demeure, bien qu’elle grommelât en famille sur le dérangement occasionné de ce fait, leur ouvrait la porte du salon, pour qu’ils puissent contempler l’enfant mystérieuse. Oui, tout à fait mystérieuse. Car l’enquête commencée par la police ne donnait pas encore le moindre résultat – Si on avait seulement un petit indice... une petite piste de rien du tout ! répétait Nestor en tirant sa grande barbe rousse, geste habituel dans ses moments d’impatience. Le brave homme, plein de pitié pour cette abandonnée, s’informait de côté et d’autre, tâchait de faire causer les gens. Mais personne n’avait ouï dire qu’une petite fille eût disparu. Personne n’avait rien vu, ne savait rien. Broquerel disait : – Elle a pu être apportée là dans une automobile, qui s’est enfuie ensuite. L’hypothèse apparaissait plausible. Mais elle ne mettait pas le moins du monde sur la trace des coupables. À l’endroit où avait été déposée l’enfant, il n’y avait pas d’habitations, mais seulement des murs de jardins, de chaque côté de la route. En profitant d’un moment où personne ne passait, les misérables avaient eu toute liberté d’agir sans crainte d’être aperçus. – Il peut se produire un fait nouveau, quelque jour... une dénonciation, peut-être, disait M. Joumières, le commissaire de police. Il avait vu plusieurs fois la petite endormie et, excellent père de famille, il s’y intéressait vivement, comme Broquerel. D’ailleurs, c’était là le sentiment à peu près général. Bien des gens sortaient tout émus, après avoir contemplé l’enfant si jolie, dans son étrange sommeil. Et tous disaient : – Pourvu qu’elle se réveille ! Mlle Manette venait s’asseoir près d’elle, fort souvent, et tricotait, en s’interrompant pour la contempler. Parfois, quand elle se savait bien seule, elle lui parlait, avec une petite voix engageante : – Voyons, réveille-toi, ma mignonne !... J’aurais tant de plaisir à voir tes yeux ! Je suis sûre qu’ils sont bien beaux !... Réveille-toi, ma jolie ! Et elle secouait le bras de l’enfant. Puis, voyant l’inutilité de ses efforts, elle reprenait son tricot en murmurant, les larmes aux yeux : – Quelle pitié ! Parmi ceux qui venaient ainsi voir l’étrangère, il y avait une grande femme aux cheveux gris coiffés d’une capote de tulle noir, garnie de fleurs violettes. La physionomie était énergique, mais le regard très bon. Hiver et été, Mlle Flore Grellier portait la même robe noire toute simple, et le même mantelet démodé, garni d’un galon de jais. La plus grande partie de ses revenus allait aux pauvres. Et elle vivait très frugalement, sans servante, dans sa maison mitoyenne de celle des Broquerel. Comme elle appartenait à l’une des plus vieilles familles du pays, Mme Broquerel l’accueillait avec considération, bien qu’elle ne l’aimât guère, car cette femme, bonne et charitable, toujours soignée en sa mise, était l’antithèse de sa propre nature. Et elle supportait les très légères critiques que se permettait Mlle Flore, au sujet des habitudes de vagabondage avec les petits garnements du pays qu’Antonine laissait prendre à son plus jeune fils. La vieille demoiselle témoignait un vif intérêt à la petite étrangère, et chaque matin, en rencontrant Mlle Manette à la sortie de l’église, elle s’informait aussitôt : – Eh bien ! dort-elle toujours ? Mme Broquerel, par curiosité, entrait de temps à autre dans le salon pour jeter un coup d’œil sur l’enfant. Elle se fût volontiers accommodée d’un sommeil perpétuel. Ainsi, la petite n’était pas gênante, et donnait occasion de citer le nom de Broquerel dans les journaux de la région. Sa nature égoïste et froide ne s’intéressait pas autrement à la pauvre créature. Et elle se retenait de lever les épaules, en entendant son mari et la tante Manette disserter avec émotion sur cette aventure. Mais elle gardait pour elle ses réflexions. Dans les premières années de leur union, Nestor, qui l’aimait, avait été un mari indulgent. Peu à peu, s’apercevant à quelle nature il avait affaire, et complètement désillusionné, il commença de parler en maître, et ni colères ni bouderies n’eurent raison de sa volonté. Elle aurait pu le reprendre par la tendresse, car il avait un cœur excellent, avide d’affection. Mais sa nature sèche y était inhabile. De plus en plus, elle devint maussade, négligeant en outre sa tenue, traînant sa nonchalance à travers un logis en désordre, où Nestor revenait sans hâte, au retour de ses voyages d’affaires, et qu’il quittait dès qu’il le pouvait. L’amour avait fui très loin. Et Broquerel n’avait guère de consolations paternelles. Obligé à de fréquentes absences, il devait laisser l’éducation de ses enfants entre les mains de la mère. Il en résultait des petits êtres mal élevés, qui poussaient au hasard, moralement, comme de la mauvaise herbe. Achille, l’aîné, garçon léger mais assez intelligent, prenait prétexte d’une santé délicate pour échapper à l’internat au lycée de Nice, et traînait sur les routes, d’Antibes à La Napoule, un carton à dessin sous le bras. Il voulait être peintre, assurait-il. Son père, qui avait un faible pour lui, parce qu’il était le plus affectueux des trois, n’osait plus le contraindre, depuis une grave maladie que le jeune garçon avait faite pendant une année d’internat. Et Achille flânait tout le jour, n’apprenait rien, barbouillait du papier, rêvant au soleil, comme un lézard. Georgette, une grosse brune aux yeux futés, et Octave, le petit roux, étaient les favoris de leur mère – peut-être parce qu’elle retrouvait en eux tous ses défauts. Tous trois, accoutumés déjà à l’égoïsme, ne s’inquiétaient pas de la petite étrangère, autrement que par la curiosité. Et Octave, toujours en dessous, la pinçait jusqu’au sang, « pour voir si elle bougerait ». Mais elle ne bougeait pas. Et huit jours passèrent encore. Puis d’autres... et bientôt il y eut deux mois que Nestor Broquerel avait trouvé l’enfant au bord de la route. On en parlait maintenant dans les journaux de Paris. Des reporters venaient la voir, la photographiaient, interviewaient les Broquerel. On la reproduisait dans des magazines français et étrangers, toujours couchée sur le divan algérien. À côté, sur une table, parmi les magots grimaçants, trônait le petit dieu de jade aux orbites vides. Au-dessus s’entremêlaient des armes exotiques, accrochées au mur couvert d’un papier à ramages. Et, sur un petit bahut de style baroque, le cacatoès et le serpent de porcelaine se regardaient paisiblement. Mme Broquerel, d’après le conseil de ses amies, avait arrangé cette petite mise en scène. Sa vanité exultait, de voir son nom cité, sa maison photographiée, ainsi qu’elle-même et ses enfants. Seul, Nestor, avec des haussements d’épaules, se refusait à ce qu’il appelait « cette bêtise ». Mais il y gagnait d’avoir sa femme en toilette, tout le long du jour, en cas de visite imprévue, et ses enfants un peu mieux tenus. Il vint aussi des médecins, en assez grand nombre. Ils examinaient l’enfant, échangeaient leurs observations avec le docteur Briard, et concluaient presque tous : – Nous n’y pouvons rien. Quelques-uns déclarèrent, après avoir essayé de réveiller l’endormie selon les méthodes usitées : – Il y a quelque chose qui nous échappe. Certains symptômes ne sont pas ceux de la léthargie habituelle. On atteignait le milieu de février. Les étrangers affluaient vers les villes de la Côte. Et de Cannes, de Nice, de Menton, d’Hyères même, et de San Remo, il en venait chaque jour, qui demandaient la maison Broquerel, et allaient se pencher un instant, curieusement, sur la petite fille mystérieuse. Ils arrivaient par le tramway, ou à pied, beaucoup aussi en automobile. D’importants personnages passèrent ainsi le seuil de la petite maison, et firent connaissance avec la décoration hétéroclite du salon de Mme Broquerel. Il y eut un grand-duc de Russie, une princesse allemande, le prince héritier d’un État des Balkans. Antonine s’était fait faire une robe neuve, chez une couturière de Cannes, et avait acquis des postiches pour augmenter le volume de sa coiffure. Elle achetait des tabliers brodés, à bavette, pour Angelina, la petite bonne italienne, et des rubans rouge cerise qu’elle posait en bouffettes dans les cheveux de Georgette, de chaque côté de l’oreille. Le couloir de l’entrée était balayé chaque jour, et l’on avait secoué le tapis du salon, opération qui ne s’était pas faite depuis plusieurs années. Antonine ne reprochait plus à son mari d’avoir ramené la petite étrangère. Elle se posait en personnage près de ses amies, et disait négligemment : – Hier, le président du conseil, de passage à Nice, est venu voir la petite. Il est très curieux de ces questions-là... C’est un homme très aimable. Nous avons causé ensemble un bon moment... Et chaque matin, elle pensait, en se levant : « Pourvu qu’elle ne se réveille pas aujourd’hui ! » Un après-midi, vers deux heures, tandis qu’elle finissait d’agrémenter sa coiffure de menues bouclettes, Angelina entra, son tablier à bavette, maculé et froissé, posé de travers sur la robe couverte de taches. – Quelqu’un demande Monsieur !... un homme tout en blanc, si drôlement habillé !... un grand brun, avec des yeux noirs... Antonine répondit avec impatience : – Eh bien ! dites que Monsieur est absent ! – Je lui ai dit... Alors il a demandé à voir Madame... Il est arrivé dans une belle automobile, avec des hommes habillés comme lui sur le siège... La curiosité s’éveilla chez Mme Broquerel. – Bien, j’y vais. Et, jetant sur la glace un dernier coup d’œil, elle descendit. Dans le couloir se tenait un homme d’une taille élevée, d’âge mûr, vêtu en hindou de la haute classe. Il s’inclina légèrement, après avoir enveloppé Mme Broquerel d’un coup d’œil investigateur. Puis il dit en français très correct : – Veuillez m’excuser de vous déranger, madame. Je viens au sujet de cette petite fille, endormie depuis deux mois, assure-t-on ? – Depuis plus de deux mois maintenant, monsieur !... Désirez-vous la voir ? De la porte restée ouverte, Mme Broquerel apercevait la magnifique voiture, les deux Hindous qui remplissaient les fonctions de chauffeur et de valet de pied. Et cette vue, en lui donnant une haute idée du visiteur, la disposait au plus aimable empressement. « Quelque prince de ce pays-là », pensait-elle. À sa question, l’étranger répondit : – C’est pour cela que je suis venu, madame. Elle le précéda dans le salon. Par les fenêtres ouvertes, le soleil entrait à flots, avec les bouffées d’air léger et le parfum des eucalyptus et des pins. Un de ses rayons effleurait le pâle visage de l’enfant, ses lèvres roses, ses paupières immobiles. Le regard de l’Hindou glissa sur elle, et alla se fixer, l’espace d’une seconde, sur la petite idole de jade. Dans les yeux noirs, froids et impénétrables, une lueur terrible passa. Puis ils se détournèrent du dieu Vichnou, pour se reporter sur l’enfant. L’Hindou s’approcha, souleva les lèvres, les paupières, appuya un instant son index sur la tempe. Antonine, un peu impressionnée par l’air hautain de l’étranger, et par son regard d’une étrange acuité, suivait avec attention tous ses gestes. Elle fit observer : – Beaucoup de médecins l’ont vue. Mais ils n’y peuvent rien. L’Hindou garda le silence. De nouveau, il soulevait les paupières, et, pendant un long moment, considéra les yeux de l’enfant. Par la porte restée entrouverte, Mlle Manette entrait doucement. Elle s’arrêta sur le seuil, en attachant sur l’étranger des yeux tous ronds de surprise. L’Hindou laissa retomber les petites paupières si blanches, et dit d’un ton bref : – Les médecins ne la réveilleront jamais. Elle est endormie par un procédé mystérieux que, seuls au monde, quelques hommes de notre race connaissent. Et ceux-là, seuls, aussi, sauraient l’enlever à ce sommeil. Mme Broquerel s’exclama : – Alors, elle pourrait ne pas se réveiller ? – Elle ne se réveillera pas. Un jour, dans deux mois, six mois, peut-être davantage – cela dépend du tempérament du sujet – elle glissera dans la mort. Mlle Manette gémit : – Seigneur !... C’est affreux ! L’Hindou se tourna vers elle, et enveloppa sa petite personne chétive d’un coup d’œil dédaigneux. Antonine demanda : – Et alors, qui pourrait la réveiller ? – Celui qui possède le secret des dieux. Sur cette énigmatique réponse, l’étranger s’inclina, et sortit pour regagner son automobile, qui s’éloigna aussitôt. Mlle Manette commença de se lamenter, les mains jointes, en regardant l’enfant : – Cette pauvre petite !... C’est épouvantable ! Dire qu’elle va mourir comme cela ! Mais Antonine songeait avec satisfaction : « Il a dit deux mois... peut-être davantage... Elle ne nous gêne pas du tout, comme cela. » Quand Nestor rentra, vers le soir, elle lui raconta la visite de l’Hindou. Il s’écria : – Eh bien ! ça devient de plus en plus extraordinaire !... Qui donc a bien pu l’endormir de ce sommeil-là ? Et qu’est-ce qu’il veut dire, l’individu, avec cette réponse : « Celui qui possède le secret des dieux » ? Tu aurais dû lui demander des explications, pécaïre ! Antonine riposta aigrement : – Avec ça qu’il avait l’air avenant !... Hé ! tante Manette ? – Non, pour sûr ! confirma la vieille demoiselle. Broquerel grommela : – Ça ne m’aurait pas gêné, moi !... Et puisqu’il y a un moyen de réveiller la petite, je veux le connaître ! Ce serait tout de même trop fort de la laisser mourir comme ça, cette pauvre mioche ! – Eh bien ! va interroger l’Hindou ! – C’est mon intention, parbleu ! Mais encore faudrait-il savoir qui il est, où il se loge ? Achille, qui écoutait avec un vif intérêt, intervint : – Papa, à Cannes, dans une villa de la Californie, il y a depuis une quinzaine de jours des Hindous... Triviers m’a dit que c’était un maharajah, et il y a là-dedans un tas de serviteurs. – Ah ! ah ! ce serait peut-être ça ! Mais est-ce le maharajah lui-même qui est venu ? D’après ce que tu me dis de lui, Antonine, cela pourrait être. Cependant je voudrais en avoir la certitude, avant de me présenter chez lui. Il réfléchit quelques secondes, et ajouta : – J’irai voir Joumières, demain matin. Le commissaire de police connaissait, par ouï-dire, la présence à Cannes du maharajah de Bangore. Il promit à Broquerel de se renseigner à ce sujet... Et le lendemain, en effet, il venait lui faire part de ce qu’il avait appris. Le maharajah, Maun-Sing, était un adolescent de seize ans. Petit-fils d’un souverain dépossédé par l’Angleterre, il vivait en France, entouré de serviteurs hindous. On le disait fabuleusement riche. Deux ans auparavant, son père était mort, laissant une veuve, sa seconde femme, et une petite fille de cette union. Maun-Sing recevait une éducation mi-française, mi-orientale. Il était, assurait-on, d’une rare intelligence, d’une beauté remarquable, et séduisait tous ceux qui l’approchaient. Près de lui, ne le quittant jamais, il avait comme conseiller un brahme du nom de Dhaula. D’après la description faite par Autonine, Joumières pensait que celui-ci et le visiteur de l’avant-veille ne devaient être qu’une même personne, – C’est un prêtre de leur religion, expliqua Joumières, qui s’était renseigné. Dans ce pays-là, ils ont toutes sortes de secrets, qu’ils se transmettent. Celui-là, puisqu’il a reconnu le genre de sommeil de la petite, doit pouvoir la réveiller. Ou tout au moins nous indiquer quelqu’un qui en ait le pouvoir. – C’est égal, il aurait bien pu le faire tout de suite ! C’est un fichu type, s’il sait ce qui peut sauver l’enfant, et la laisse mourir, comme cela ! Mais je vais aller le trouver, et il faudra bien qu’il me dise, oui ou non, si c’est de la farce, ce qu’il a raconté là ! Le docteur Briard, à qui Nestor parla un peu après de son projet, leva les épaules. – Il n’en sait pas plus long que nous, probablement, ton individu ! C’est un charlatan... Puis, après un instant de réflexion, le médecin ajouta : – À moins que ce ne soit lui qui ait endormi l’enfant. Broquerel sursauta. – Hein ?... Cette idée ?... Pourquoi ? – Oh ! une simple idée !... Stupide même. Car dans ce cas, il aurait fait le mort. Mais s’il la réveillait, ce serait cependant singulier. Nestor se grattait le front. – Tout de même, ton idée... – Stupide, te dis-je ! Voyons, cet homme-là serait trop idiot d’attirer ainsi l’attention sur lui, quand rien, rien n’y faisait songer ! – On ne sait pas ! Quelquefois, les criminels ont de ces maladresses étranges... Le docteur frappa sur l’épaule de son ami. – Allons, allons, ne te monte pas l’imagination, Broquerel ! En tout cas, voyons venir. Si tu y tiens, va chez lui, tâche de le faire parler. D’après ce que dit ta femme du personnage, ce ne sera pas facile. Nestor grommela entre ses dents : – On verra bien ! Dans l’après-midi de ce même jour, il quitta son logis, en tenue de visite : redingote bien brossée – par lui-même, car il ne se fiait ni à sa femme ni à la servante – et chapeau haute forme bien brillant. Il fallait faire bonne impression sur l’Hindou, qui tenait peut-être entre ses mains la vie ou la mort de la pauvre petite créature. Peut-être les doutes du docteur Briard avaient-ils rendu Nestor quelque peu sceptique. Mais enfin, il estimait de son devoir de tenter cette démarche. Il s’en alla le long de la route d’Antibes, en maugréant, selon sa coutume, contre la poussière que lui envoyaient au passage les automobiles. Sa redingote, son chapeau seraient tout gris, quand il arriverait au but... Près de la villa Henri Menier, il prit un petit chemin montant, qui conduisait à la Californie. Là, il était tranquille, pour un moment. Pas d’automobile, et de l’ombre, qui était douce, car le soleil chauffait bien aujourd’hui. Cependant, Nestor ne flâna pas. Il avait hâte d’en finir avec cette ennuyeuse démarche. Satané Hindou ! s’il l’avait fait marcher pour rien !... Et le paisible Nestor ébaucha un geste de menace. Cinq minutes plus tard, il atteignait l’entrée de la résidence du maharajah. La grille était ouverte sur le parc silencieux. À droite s’élevait la demeure du portier. Mais la villa restait invisible. Nestor s’avança. Un homme sortit de la maison, et demanda : – Que désirez-vous ? – Pourrai-je parler à M. Dhaula ? – Je l’ignore. Il faut entrer et vous informer près d’un des domestiques hindous... Prenez cette allée, là... et tout droit... Broquerel s’enfonça dans l’ombre de l’imposante avenue. Un roulement de voiture troubla tout à coup le silence. Bientôt apparut un landau, attelé de deux chevaux superbement appareillés. Le siège était occupé par un cocher et un valet de pied hindous. Dans la voiture était assise une femme, jeune encore, brune et jolie, toute vêtue de blanc. En face d’elle se trouvait une Hindoue, enveloppée d’un voile blanc, et qui tenait sur ses genoux un petit enfant. Nestor salua au passage. La jeune femme répondit par une légère inclination de tête, en attachant sur l’étranger de grands yeux noirs pleins de surprise. « La veuve du défunt maharajah, sans doute, pensa Nestor. Pas mal, ma foi ! » À quelques pas plus loin, la villa lui apparut. C’était un grand logis à l’italienne, de fort belle apparence. Devant s’étendaient des pelouses ornées d’admirables corbeilles fleuries. Et, dans un bassin de marbre, voguaient de grands cygnes d’une blancheur éblouissante. Nestor murmura : – Il m’a l’air rudement bien logé, le maharajah ! Pécaïre, ça a de l’allure comme un petit palais ! Sur les degrés de marbre se tenaient debout deux Hindous. Nestor s’avança, et réitéra sa demande. L’un d’eux dit, en excellent français : – Je vais demander... Attendez... Puis, se ravisant, il demanda : – Votre nom ? Nestor donna sa carte, et l’Hindou disparut à l’intérieur.
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