Chapitre 2

2974 Words
Chapitre Deux Light Plongé dans les ténèbres, je me tenais assis au fond de ma prison, seul avec mes pensées. J’ignorais si j’étais là depuis des heures ou des jours. La fatigue, la peur, la faim et l’obscurité avaient eu raison de moi ; j’avais perdu contact avec le temps. Je n’étais plus capable de dire si nous étions en plein jour ou au beau milieu de la nuit, et tout mon métabolisme criait sa douleur. Chaque fois que je fermais les yeux, je ne voyais que ma tante. Mon esprit était emprisonné par elle, luttant contre ce que j’avais vu à la maison et ce que j’avais compris. J’avais beau me dire que j’étais désormais dans la Fosse, que Julia l’avait assassinée sous mes yeux, je ne parvenais pas à me détacher d’elle, sans savoir pourquoi. J’essayais de me concentrer sur le présent, sur ce qui allait m’arriver, en vain. Même lorsque je songeais à Paul et Josh, je restais hermétique à toute chaleur. Soudain, j’entendis des pas résonner au loin. Je relevai difficilement la tête, le souffle court, et tandis que le bruit se faisait de plus en plus proche, je me redressai avec précaution. D’impressionnants vertiges s’emparèrent de moi et je dus m’accrocher au mur pour ne pas tomber. Si je ne mangeais ou ne buvais pas bientôt quelque chose, je finirais par ne plus tenir debout. J’aperçus la lueur d’une flamme et je plissai les yeux. — Est-ce qu’il y a quelqu’un ? appelai-je d’une voix rauque. Un jeune homme apparut alors, me faisant sursauter. Il s’approcha des barreaux et hissa le chandelier à hauteur de son visage. Il était jeune ; peut-être vingt ans. Ses cheveux châtain clair étaient bouclés et il avait de grands yeux bleus. Il me dévisagea quelques secondes avant de m’adresser enfin la parole : — Oh ! Je vais avoir du boulot ! Surpris, je restai muet et statique. Mon visiteur tira une clé de sa poche puis ouvrit ma cellule. Il poussa la porte et j’eus un mouvement de recul. Il leva sa main libre, mais n’avança pas davantage. — Eh… salut, mec ! me salua-t-il d’une voix calme. Il afficha un sourire léger, peut-être un peu gêné. — Je m’appelle Light… tu n’as pas à avoir peur de moi. Je t’assure, tu n’as vraiment rien à craindre. Je restai silencieux, en alerte. Avec des gestes précautionneux, il déposa son chandelier à terre. — Je ne te ferai aucun mal. On m’a demandé de m’occuper de toi. Tu… tu dois avoir faim, non ? Soif ? Je déglutis avec difficulté, comme si la sécheresse de ma bouche et de ma gorge s’était décuplée. Sans aucun geste brusque, il tira de la besace qu’il avait sur l’épaule une petite bouteille d’eau. Il se baissa lentement et la fit rouler vers moi. Elle s’arrêta contre mon pied, je fus cruellement partagé entre mon désir v*****t de boire et ma crainte de tomber dans un piège. Le garçon m’observa avec attention, j’en fis de même. Il n’avait pas l’air hostile. Si je n’avais pas été dans la situation où j’étais, il m’aurait semblé sympathique. — La bouteille est neuve, le bouchon n’a pas été ouvert. Regarde. Il la désigna d’un signe de tête et je la ramassai sans le quitter des yeux. Lorsque je l’ouvris, j’entendis le bruit du plastique en train de se fendre. Je fus incapable de résister une seconde de plus et j’avalai de longues gorgées d’eau fraîche. J’en aurais pleuré de bonheur. — Merci, soufflai-je finalement, reconnaissant. Merci beaucoup. J’inspirai profondément, soulagé. Ma gorge me brûlait comme si j’avais avalé de l’acide. — De rien. Il me sourit et ramassa le chandelier. — Ça te dirait de remonter à la surface ? — Tu… tu vas me conduire à Saram ? demandai-je avec inquiétude. — Pas dans cet état, non, rétorqua-t-il en riant presque. Suis-moi, je vais te remettre d’aplomb. Il ressortit de la cellule, mais je n’osai pas le suivre. Il se tourna vers moi, l’air jovial. — Sauf si tu préfères rester ici ? Il haussa les épaules et s’éloigna d’un pas détendu. La luminosité baissa et alors que je sentais les ténèbres me caresser à nouveau, je partis à sa suite sans plus d’hésitation. Nous prîmes le chemin inverse de la veille et j’inspirai profondément une fois les cachots quittés. Nous nous engageâmes dans un couloir étroit qui me semblait inconnu et je compris que nous ne retournions pas vers l’entrée principale de l’établissement. Après avoir passé une nouvelle porte et traversé une allée, je découvris un petit escalier en bois. Il n’avait pas un dixième de la prestance des deux que j’avais vu à mon arrivée dans l’entrée, mais les marches semblaient solides. Nous montâmes jusqu’au quatrième étage. Mes jambes flageolaient sous le poids de la fatigue et mon guide dut m’attendre en haut des marches. Light m’entraîna dans une très grande chambre aux couleurs chatoyantes. Il y avait de grands et lourds rideaux bordeaux, des tableaux colorés, un canapé aux coussins gris et un lit à baldaquin au fond de la pièce. — Tu aimes ? Je relevai les yeux vers lui, déstabilisé. — C’est moi qui ai tout décoré. Tu trouves ça sympa ? — Euh… oui, lâchai-je, les yeux écarquillés. — Suis-moi ! Il poussa une porte sur la gauche et me fit signe d’entrer. J’obtempérai, incertain de comprendre quoi que ce fut à ce qui m’arrivait. Il s’agissait d’une salle de bains, avec une immense baignoire, un miroir gigantesque ainsi qu’une vasque. Des pétales de roses rouges étaient exposés dans des pots suspendus aux murs. Light ouvrit le robinet de la baignoire et je sursautai nerveusement. Il n’y prêta pas attention et attrapa une bouteille de bain moussant sur l’étagère près de lui avant d’en verser une quantité plus que généreuse dans l’eau. Il finit par se tourner vers moi et me regarda de haut en bas. Pendant une seconde, je craignis qu’il m’obligeât à me déshabiller devant lui. — On fait à peu près la même taille… Je vais te trouver des vêtements propres, je reviens. Il quitta la pièce et ma première pensée fut de tenter de fuir, mais il n’y avait pas de fenêtre par laquelle m’évader. Sans oublier le fait que j’étais au quatrième étage, encerclé par un nombre inconnu, mais probablement élevé, de créatures sanguinaires et que mes forces étaient considérablement amenuisées. — Tiens ! Je te mets ça là, m’annonça-t-il tout en s’approchant de la vasque. Je te laisse. Prends ton temps, mais… frotte bien. Il me fit un clin d’œil et s’en alla pour de bon, me laissant seul et pantois au milieu de la pièce. Tout était calme autour de moi et les vapeurs de l’eau chaude chargèrent peu à peu l’air. Je m’approchai avec hésitation du miroir. Je n’avais pas vu mon reflet depuis longtemps maintenant et lorsque j’y croisai finalement mon propre regard, j’eus un choc monumental. Mes yeux étaient tellement cernés qu’ils me paraissaient noircis et creusés dans leurs orbites. J’avais des traces de sang séché sur les joues, le menton et au-dessus de mon œil droit. Mes vêtements étaient abîmés et plein de terre, de poussière et de Dieu seul savait quoi d’autre… Je fis un pas en avant et passai mes doigts sur mes lèvres. Elles étaient encore blessées et, l’espace d’une seconde, j’eus la sensation d’être dans la cuisine de la maison, par terre, face à ma tante qui venait de me frapper. Je voyais sa haine, sa rage et je sentais son odeur si singulière. La cadence de mon cœur s’accéléra et je me détournai vivement. Avec des gestes tremblants, je commençai à me défaire de mes habits et, une fois complètement nu, je coupai le robinet de la baignoire et plongeai un pied dans l’eau bouillante. Je sentis tous les poils de mon corps se dresser et un frisson remonta le long de ma colonne vertébrale. Je finis par immerger mon corps entier et je soupirai d’aise. C’était probablement le moment le plus agréable de toute mon existence. J’avais presque du mal à croire que j’avais été emprisonné dans une cellule juste avant. Je fis immédiatement le choix de ne pas chercher à comprendre, de ne pas réfléchir à tout ce qui m’arrivait. Je voulais seulement me reposer quelques minutes et me ressourcer. Je m’allongeai dans la baignoire et, après avoir pris une grande inspiration, je plongeai la tête sous l’eau. Je fermai les yeux et restai ainsi aussi longtemps que possible, jusqu’à ce que l’air me manquât trop pour tenir une seconde de plus. Lorsque je repris mon souffle, j’eus le sentiment d’avoir également repris mes esprits. Malgré la fatigue de mon corps, j’attrapai sur le rebord de la baignoire du savon et un gant. Je lavai au mieux chaque parcelle de ma peau, espérant y chasser toute trace de ces derniers jours. Lorsque j’eus terminé, pratiquement toute la mousse de mon bain avait disparu. Je quittai l’eau devenue tiède et attrapai une serviette sur l’étagère. Je m’essuyai puis enfilai le pantalon noir, le t-shirt bleu nuit et le sweat à capuche gris. Le tout m’allait à la perfection, bien mieux que les vêtements que ma tante me faisait habituellement porter. Je tendis l’oreille vers la porte, mais je n’entendis pas un bruit. Je m’accroupis et attrapai mon ancien pantalon avant d’en fouiller les poches. Je sortis le parchemin et, avec précaution, le dépliai. Je retins mon souffle et, d’un geste nerveux, découvris ce qu’il contenait. Dirige-toi au-devant. Un jour unique. Noue-le dans la noirceur. Tiens-le loin de toi. Et espère. R. 2642 » Je relis le mot une seconde fois, pris au dépourvu. Moi qui m’étais attendu à une adresse, je me sentais brusquement stupide. Je pris une minute pour apprendre le message par cœur et je m’empressai de le déchirer avant de chercher un moyen de m’en débarrasser. Je ne voulais pas risquer qu’on le trouve sur moi et que cela m’attire des ennuis en retour. — Tout va bien ? me demanda Light, de l’autre côté de la porte. Je tressaillis, lui assurai que j’arrivais dans une minute avant d’enfourner les bouts de papier dans ma bouche. Je les mâchai aussi vite que possible et les avalai avec difficulté. J’attrapai mes affaires sales et sortis de la salle de bains. — Wouah ! Mais c’est qu’il y avait un être humain là-dessous ! s’exclama mon hôte. Je voulus lui sourire, mais je n’en fus pas capable. Il ouvrit un sac-poubelle et me laissa mettre mes vêtements dedans. — Tu ne m’en veux pas si je jette tout ça ? Je fis un signe de dénégation et il m’invita à m’asseoir dans le canapé. La table basse devant était couverte de gâteaux et autres sucreries. Deux tasses de thé fumantes dégageaient une odeur d’écorce d’orange. — Mange autant que tu veux ! Vas-y, c’est pour toi. Il s’installa en face de moi, en tailleur. J’hésitai à peine une seconde avant de me jeter sur la nourriture. Il me regarda avec gentillesse et une pensée pour Josh me coupa l’appétit. Il me le rappelait douloureusement, tout à coup. — Quelque chose ne va pas ? me demanda-t-il. — Je… non, ce n’est rien. J’étais en train de penser à mon meilleur ami. — Tu parles enfin, ça me fait plaisir, commenta-t-il avant de m’accorder un clin d’œil. — Désolé, je… — Non, ne t’excuse pas. Tu as le droit d’être méfiant. Comment s’appelle ton meilleur ami ? — Josh. — Est-ce qu’il va bien ? — Je crois…, murmurai-je. Normalement, oui. Il acquiesça d’un air confiant avant de reprendre : — C’est Soen ton prénom, c’est bien ça ? — Oui. — Je suis ravi de faire ta connaissance, Soen. — Merci… Light. Et merci pour… tout ça, chuchotai-je, gêné. Il me sourit et attrapa sa tasse de thé. Je le regardai quelques secondes avant de réaliser quelque chose. — Les Saigneurs boivent du thé ? le questionnai-je. — Tu crois que je suis un Saigneur, vraiment ? s’étonna-t-il, presque fier. — Tu ne l’es pas ? — Non, je suis humain, comme toi. Enfin, presque comme toi. J’écarquillai les yeux, stupéfait. Il me tendit la main et m’invita à toucher sa peau. Je posai mes doigts sur sa paume : elle était chaude. Celles de Julia, Idol et Lorin étaient glacées. — Alors… il y a des gens comme moi, ici ? l’interrogeai-je avec espoir. — Mmmh… à peu près. Nous sommes peu nombreux, par contre. — Comment ça, « à peu près » ? — Je suis un Calice. — Un… Calice ? répétai-je, les sourcils froncés. — Quoi ? On ne parle toujours pas de nous de votre côté du mur ? Tu déconnes, j’espère ! Il leva les yeux au ciel avant de se redresser et de se laisser tomber sur le canapé à côté de moi. — Tu plaisantes, non ? insista-t-il. — Non… désolé. Je n’ai jamais entendu parler de… ça. — Misère, soupira-t-il en secouant la tête. — Tu peux m’en dire plus ? — Bien sûr, oui. Les Calices sont des humains qui nourrissent les Assoiffés. Je blanchis instantanément. Il tira sur le col de son pull-over turquoise et tourna la tête sur le côté. Il avait deux plaies circulaires à la base du cou. Je compris qu’il s’agissait d’une morsure et je ne pus retenir une grimace. — Ce n’est pas douloureux, affirma-t-il immédiatement. Enfin… normalement ça ne l’est pas. — Alors… tu donnes ton sang aux Autres ? Tu es une sorte de… de garde-manger vivant ? — C’est beaucoup plus compliqué que ça. Quand on est Calice, on ne nourrit pas les Saigneurs, mais un Saigneur, le nôtre. Il y a un lien qui se crée entre l’Assoiffé et son Calice. Cela mis à part, si le Calice est toujours humain, et donc mortel, il devient tout de même beaucoup plus résistant. Je ne connais plus la maladie, par exemple, et je cicatrise très vite si je suis blessé. — Tous les Assoiffés ont un Calice ? — Non. Certains préfèrent la chasse. C’est une question de choix. L’avantage du Calice est que le Saigneur n’a plus à s’inquiéter de sa soif et notre sang est vraiment nourrissant. Plus que celui des animaux, en tout cas. Je lui accordai un regard perplexe avant de poursuivre. — Mais… tu as choisi d’être Calice ou on t’a forcé ? — Ni l’un ni l’autre, en fait. Mon Saigneur m’a sauvé la vie. Je faisais partie de l’un des convois d’humains délinquants offerts à la Fosse. Tous ceux qui étaient avec moi ont été massacrés… je n’ai pu m’échapper que par miracle. J’ai passé plusieurs jours sur des terres sauvages. J’aurais pu mourir des milliers de fois ; que ce soit de faim, de soif ou tué par un animal sauvage ou par un Griffeur. — Comment tu t’en es sorti ? murmurai-je, suspendu à ses lèvres. — J’ai finalement terminé ma route face à face avec un Assoiffé. J’étais pratiquement mort. Je n’avais rien avalé depuis plusieurs jours. J’ai perdu connaissance devant lui, persuadé qu’il allait me vider de mon sang. Je me suis réveillé quarante-huit heures plus tard. Il avait fait de moi son Calice, ce qui m’a permis de survivre. Depuis, je suis sous sa protection. Il veille sur moi et je le nourris en retour, autant et aussi souvent qu’il le désire. Je restai muet durant quelques secondes, déstabilisé. Je n’avais jamais imaginé qu’il puisse y avoir ce genre de créatures ici. Je n’étais même pas certain de pouvoir qualifier un Calice de « créature », d’ailleurs. — Et ça ne te fait rien de servir ceux qui ont sans doute tué toute ta famille ? Je n’avais pas pu retenir les mots dans ma gorge. Light détourna un instant le regard avant de poser sa tasse de thé. — Tu ne peux pas survivre dans la Fosse si tu ne fais pas la distinction entre ta vie d’avant et celle ici. Dans mon monde, les Saigneurs sont les maîtres et les humains sont en bas de la chaîne alimentaire. Terminé le temps où l’on se prenait pour des dieux. On a perdu la couronne et ceux qui l’ont ramassée n’ont pas beaucoup de pitié pour nous. Tu verras, les Assoiffés respectant les humains se comptent sur les doigts d’une main et ils ne sont pas plus nombreux à estimer les Calices. C’est pour cette raison que nous sommes si peu. Il marqua une pause et ses yeux se voilèrent de larmes. — Est-ce que j’aime les Saigneurs ? poursuivit-il. Non. Est-ce que j’aime et je respecte celui qui m’a sauvé ? Oui. Je ne voulais pas mourir. Lorin m’a offert une nouvelle chance, une nouvelle vie. — Lorin ? m’exclamai-je avec stupeur. Tu es le Calice de Lorin ? Il hocha la tête. — C’est lui qui m’a demandé de m’occuper de toi. J’avais du mal à la croire, mais Light n’avait aucune raison de me mentir. Pour la première fois, je réalisai pour de bon que j’avais grandi entre des murs en béton, hermétiques à tout. Je n’avais appris que ce que notre chef, Morin, avait accepté que nous, ses sujets, apprenions. Julia avait raison : la Fosse, les Autres, tout cela allait bien plus loin que je ne pouvais l’imaginer. — Est-ce que l’on t’a parlé de Saram ? — Brièvement, concédai-je en grimaçant. Je sais qu’il est le chef du clan. — Oui, et il fait partie de ceux qui voient les humains comme des insectes. Tu vas te retrouver face à lui, aujourd’hui même, et il va déterminer si tu seras au menu du soir ou non. — Tu crois qu’il va vouloir faire de moi un Assoiffé ? — Il y a peu de chance ! m’assura-t-il sur un ton catégorique. Un cube de glace tomba au fond de mon estomac alors que la perspective de me faire vider de mon sang se frayait un chemin dans mon cerveau. Je me sentais fébrile, tout à coup. — C’est extrêmement rare qu’il accepte de transformer un humain aussi jeune que toi, précisa-t-il. — Pourquoi ? — Parce que les Saigneurs ne vieillissent plus. Ils gardent éternellement l’âge et l’apparence qu’ils avaient lorsqu’ils ont abandonné leur humanité. Saram n’aime pas beaucoup les jeunes, il les trouve trop téméraires, pas assez réfléchis. La majorité de ses sujets ont entre trente et quarante-cinq ans au moment de la transformation. Ils sont généralement matures, et physiquement, ils tiennent très bien la route. J’acquiesçai simplement, songeur. J’avais toujours été maigrichon, à cause des privations régulières de nourriture de ma tante… Je n’avais aucune chance de lui plaire. — Après, il paraîtrait que tu es le frère de sa protégée, Julia. Il me fixa avec attention et je gardai le silence, les lèvres pincées. Il reprit au bout de quelques secondes : — Peut-être que les choses seront différentes pour toi, en conséquence. — Je ne veux pas être un Assoiffé, assurai-je catégoriquement. Mon vis-à-vis me jaugea comme si j’étais le dernier des imbéciles. — Si tu avais l’opportunité d’être de nouveau en haut de la chaîne, tu dirais non ? s’étonna-t-il. Pourquoi ? — Les Autres m’ont pris toutes les personnes que j’ai aimé, murmurai-je, la poitrine serrée. Il y eut un silence, puis Light reprit : — De toute manière, si tu n’es pas prêt à être l’un des leurs, Saram ne te mutera pas. Il n’aura pas confiance. Alors tes options risquent bien d’être limitées… soit tu deviendras Calice, soit tu seras exilé, et l’exil revient à mourir ou finir peut-être Hurleur, si tu survis assez longtemps pour en rencontrer un, à supposer qu’il veuille te transformer. Quoi qu’il en soit, si tu veux survivre, tu devras convaincre le maître que ta vie vaut la peine d’être sauvée… Il m’accorda un regard appuyé et j’acquiesçai d’un air entendu. J’avais conscience qu’il disait la vérité et une fois encore la question de ma mort revenait sur le tapis. Au fond de mon cœur, je ne voyais aucune raison, en dehors du sacrifice de Lucas, de me battre pour rester en vie. J’avais perdu Josh et toute mon enfance avait été une suite sans fin de pleurs et de souffrances. J’avais souvent imaginé qu’une fois mort, je retrouverais mes parents au Paradis ou ailleurs. Toutefois, je savais que je ne pouvais pas me laisser mourir. Pas après ce que Lucas avait fait pour moi. Pas après avoir contribué à priver Maria et Erwan de son amour. Je devais m’accrocher encore une fois, encore un peu. Je devais vivre. Vivre pour tous ceux qui n’avaient pas eu ce choix.
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