CHAP. XVIII – Le trésor-2

1011 Words
Mais, sous mes doigts, comme par magie, à mesure que le feu montait, je vis des caractères jaunâtres sortir du papier blanc et apparaître sur la feuille ; alors la terreur me prit : je serrai dans mes mains le papier, j’étouffai le feu, j’allumai directement la bougie au foyer, je rouvris avec une indicible émotion la lettre froissée, et je reconnus qu’une encre mystérieuse et sympathique avait tracé ces lettres apparentes seulement au contact de la vive chaleur. Un peu plus du tiers du papier avait été consumé par la flamme : c’est ce papier que vous avez lu ce matin ; relisez-le, Dantès ; puis, quand vous l’aurez relu, je vous compléterai, moi, les phrases interrompues et le sens incomplet. Et Faria, triomphant, offrit le papier à Dantès, qui cette fois relut avidement les mots suivants, tracés avec une encre rousse pareille à la rouille : « Cejourd’hui 25 avril 1498 ay Alexandre VI, et craignant que non il ne veuille hériter de moi et ne me ré et Bentivoglio, morts empoisonnés. mon légataire universel, que j’ai enf pour l’avoir visité avec moi, c’est-à-dire dans île de Monte-Christo, tout ce que je pos reries, diamans, bijoux ; que seul peut monter à peu près à deux mil trouvera ayant levé la vingtième roch crique de l’Est en droite ligne. Deux ouvertu dans ces grottes : le trésor est dans l’angle le plusé lequel trésor je lui lègue et cède en tou seul héritier. 25 avril 1498. CES – Maintenant, reprit l’abbé, lisez cet autre papier. Et il présenta à Dantès une seconde feuille avec d’autres fragments de lignes. Dantès prit et lut : ant été invité à dîner par Sa Sainteté content de m’avoir fait payer le chapeau, serve le sort des cardinaux Caprara je déclare à mon neveu Guido Spada, oui dans un endroit qu’il connaît les grottes de la petite sédais de lingots d’or monnayé de pier je connais l’existence de ce trésor, qui lions d’écus romains, et qu’il e, à partir de la petite res ont été pratiquées loigné de la deuxième ; te propriété, comme à mon AR † SPADA. » Faria le suivait d’un œil ardent. – Et maintenant, dit-il lorsqu’il eut vu que Dantès en était arrivé à la dernière ligne, rapprochez les deux fragments, et jugez vous-même. Dantès obéit ; les deux fragments rapprochés donnaient l’ensemble suivant. « Cejourd’hui 25 avril 1498, a. . yant été invité à dîner par sa Sainteté Alexandre VI, et craignant que, non… content de m’avoir fait payer le chapeau, il ne veuille hériter de moi et ne me ré. . serve le sort des cardinaux Caprara et Bentivoglio, morts empoisonnés… je déclare à mon neveu Guido Spada, mon légataire universel, que j’ai en… foui dans un endroit qu’il connaît pour l’avoir visité avec moi, c’est-à-dire dans… les grottes de la petite île de Monte-Christo, tout ce que je pos… sédais de lingots, d’or monnayé, pierreries, diamans, bijoux ; que seul… je connais l’existence de ce trésor, qui peut monter à peu près à deux mil… lions d’écus romains, et qu’il trouvera ayant levé la vingtième roch… e à partir de la petite crique de l’Est en droite ligne. Deux ouvertu… res ont été pratiquées dans ces grottes : le trésor est dans l’angle le plus é… loigné de la deuxième ; lequel trésor je lui lègue et cède en tou… te propriété, comme à mon seul héritier. 25 avril 1498. CES… AR † SPADA. » – Eh bien ! comprenez-vous enfin ? dit Faria. – C’était la déclaration du cardinal Spada et le testament que l’on cherchait depuis si longtemps, dit Edmond encore incrédule. – Oui, mille fois oui. – Qui l’a reconstruite ainsi ? – Moi qui, à l’aide du fragment restant, ai deviné le reste en mesurant la longueur des lignes par celle du papier et en pénétrant dans le sens caché au moyen du sens visible, comme on se guide dans un souterrain par un reste de lumière qui vient d’en haut. – Et qu’avez-vous fait quand vous avez cru avoir acquis cette conviction ? – J’ai voulu partir et je suis parti à l’instant même, emportant avec moi le commencement de mon grand travail sur l’unité d’un royaume d’Italie ; mais depuis longtemps la police impériale, qui dans ce temps, au contraire de ce que Napoléon a voulu depuis quand un fils lui fut né, voulait la division des provinces, avait les yeux sur moi : mon départ précipité, dont elle était loin de deviner la cause, éveilla ses soupçons, et au moment où je m’embarquais à Piombino je fus arrêté. Maintenant, continua Faria en regardant Dantès avec une expression presque paternelle, maintenant, mon ami, vous en savez autant que moi : si nous nous sauvons jamais ensemble, la moitié de mon trésor est à vous ; si je meurs ici et que vous vous sauviez seul, il vous appartient en totalité. – Mais, demanda Dantès hésitant, ce trésor n’a-t-il pas dans ce monde quelque plus légitime possesseur que nous ? – Non, non, rassurez-vous, la famille est éteinte complètement ; le dernier comte Spada, d’ailleurs, m’a fait son héritier ; en me léguant ce bréviaire symbolique, il m’a légué ce qu’il contenait ; non, non, tranquillisez-vous : si nous mettons la main sur cette fortune, nous pouvons en jouir sans remords. – Et vous dites que ce trésor renferme…. – Deux millions d’écus romains, treize millions à peu près de notre monnaie. – Impossible ! dit Dantès effrayé par l’énormité de la somme. – Impossible ! et pourquoi ? reprit le vieillard. La famille Spada était une des plus vieilles et des plus puissantes familles du quinzième siècle. D’ailleurs, dans ces temps où toute spéculation et toute industrie étaient absentes, ces agglomérations d’or et de bijoux ne sont pas rares ; il y a encore aujourd’hui des familles romaines qui meurent de faim près d’un million en diamants et en pierreries transmis par le majorat, et auquel ils ne peuvent toucher. Edmond croyait rêver : il flottait entre l’incrédulité et la joie. – Je n’ai gardé si longtemps le secret avec vous, continua Faria, d’abord que pour vous éprouver, et ensuite pour vous surprendre ; si nous nous fussions évadés avant mon accès de catalepsie, je vous conduisais à Monte-Christo ; maintenant, ajouta-t-il avec un soupir, c’est vous qui m’y conduirez. Eh bien ! Dantès, vous ne me remerciez pas ! – Ce trésor vous appartient, mon ami, dit Dantès, il appartient à vous seul, et je n’y ai aucun droit ; je ne suis point votre parent. – Vous êtes mon fils, Dantès, s’écria le vieillard, vous êtes l’enfant de ma captivité ; mon état me condamnait au célibat : Dieu vous a envoyé à moi pour consoler à la fois l’homme qui ne pouvait être père, et le prisonnier qui ne pouvait être libre. Et Faria tendit le bras qui lui restait au jeune homme, qui se jeta à son cou en pleurant.
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