Camille – L’inévitable vérité
Victor était encore au lit quand Camille se leva. Il ouvrit les yeux juste à temps pour la voir enrouler son peignoir autour d’elle et attraper son téléphone sur la table de nuit.
— Tu travailles tôt ce matin ? demanda-t-il, la voix encore ensommeillée.
Elle ne répondit pas immédiatement, consultant ses notifications avant de lâcher un vague :
— Comme d’habitude.
Il s’appuya sur un coude, observant son profil.
— Tu as un moment avant de partir ? On pourrait prendre un café ensemble.
Camille soupira en attachant ses cheveux.
— Victor… Pourquoi tu insistes ?
Il sentit un frisson d’inquiétude lui parcourir l’échine.
— Parce que j’essaie encore.
Elle se tourna vers lui et, pour la première fois depuis longtemps, il vit une forme de lassitude sincère dans son regard.
— Mais moi, j’ai arrêté.
Le silence s’abattit sur la pièce, épais, étouffant.
— Tu veux dire quoi ? demanda-t-il, même s’il connaissait déjà la réponse.
— Je ne vais pas changer, Victor. Je ne vais pas redevenir celle que j’étais au début. Je ne ressens plus les choses comme toi.
Chaque mot s’enfonçait comme une lame dans sa poitrine.
— Et tu comptais me le dire quand ?
Elle haussa les épaules, détournant le regard.
— Tu le savais déjà.
Il voulait protester, hurler que ce n’était pas vrai, mais il savait qu’elle avait raison.
Il l’avait senti, dans chaque regard évité, chaque b****r absent, chaque nuit où elle s’endormait dos à lui.
Il avait juste refusé d’écouter.
Ce matin-là, Victor comprit qu’il ne s’agissait plus d’un passage à vide.
C’était la fin.
Antoine – La rechute
Élise rentra plus tôt que prévu, impatiente de voir Antoine. Il lui avait promis de faire des efforts, et hier soir avait été un premier pas.
Elle poussa la porte du salon, un sourire prêt à éclore sur ses lèvres.
Puis elle le vit.
Affalé sur le canapé, une bouteille vide à la main, deux autres sur la table.
Les rideaux tirés plongeaient la pièce dans une pénombre oppressante.
L’odeur de l’alcool saturait l’air.
Son cœur se serra.
— Antoine… souffla-t-elle, la gorge nouée.
Il ouvrit un œil, visiblement à moitié conscient.
— Qu’est-ce que tu fais là ? marmonna-t-il.
— Tu avais promis.
Il eut un rire amer, un rire qui n’avait plus rien d’humain.
— Les promesses, ça ne sert à rien.
Elle s’approcha lentement, les mains tremblantes.
— Pourquoi tu fais ça ?
Antoine grogna en s’asseyant avec difficulté.
— Parce que c’est plus facile. Parce que ça m’empêche de penser.
Elle sentit les larmes lui monter aux yeux.
— De penser à quoi ?
Son regard trouble se posa sur elle, un instant seulement.
— À moi. À nous. À ce que j’ai foutu en l’air.
Puis, dans un geste brusque, il saisit une nouvelle bouteille et tenta de l’ouvrir.
Élise lui arracha des mains.
— Non ! cria-t-elle.
Il se leva d’un bond, vacilla, puis s’approcha d’elle avec une agressivité qu’il n’avait jamais eue auparavant.
— Donne-moi ça.
— Non, Antoine, regarde-toi !
Sa respiration était lourde, ses yeux injectés de sang.
— T’as pas compris ? Y’a plus rien à sauver !
Le hurlement la figea.
Il tituba, s’appuya contre le mur, puis s’écroula sur le sol.
Élise serra la bouteille contre ell
e, le cœur battant à tout rompre.
Elle l’aimait toujours.
Mais pour la première fois, elle se demanda si cet amour allait continuer comme ça où elle va finir
Une dernière tentative
Victor n’était pas prêt à abandonner.
Même après la confession brutale de Camille, après son regard froid et ses mots tranchants comme des lames, il voulait essayer une dernière fois.
Il passa la journée à réfléchir, à chercher un moyen de la toucher, de réveiller en elle quelque chose – un souvenir, une émotion, une infime trace du lien qu’ils avaient partagé.
Le soir venu, il rentra plus tôt, déterminé.
Il avait préparé un dîner. Un vrai dîner, pas une simple assiette posée sur la table pendant qu’elle défilait sur son téléphone.
Il avait allumé quelques bougies, mis une musique douce, sorti une bouteille de vin qu’ils avaient gardée pour « une occasion spéciale ».
Quand Camille rentra, elle s’arrêta un instant sur le seuil du salon, observant la scène.
— C’est quoi, ça ? demanda-t-elle, l’ombre d’un agacement déjà dans la voix.
Victor s’approcha, hésitant.
— Un dîner. Juste nous deux. Pour parler, pour… essayer.
Elle haussa un sourcil, croisa les bras.
— Essayer quoi, Victor ?
— Nous.
Il y avait une sincérité désespérée dans sa voix. Une supplique.
Camille le regarda un moment, impassible, avant de secouer la tête et de poser son sac sur la table.
— T’es pathétique.
Il sentit un frisson glacial parcourir son dos.
— Camille…
Elle soupira, exaspérée.
— Combien de fois il faut que je te le dise ? Arrête d’espérer. Il n’y a plus rien à sauver.
Il sentit sa gorge se serrer.
— Alors, c’est fini ?
Comme ça ?
Elle haussa les épaules.
— **C
Victor – Seul dans son combat
Il resta debout un long moment après que Camille eut disparu dans la chambre, le laissant seul face à la table dressée.
Les bougies vacillaient doucement, projetant des ombres mouvantes sur les murs.
Le vin qu’il avait choisi avec soin restait intact. Les assiettes refroidissaient.
Il baissa lentement les yeux, réalisant l’absurdité de la scène.
Il était seul.
Seul à se battre. Seul à espérer.
Il s’assit lourdement sur une chaise, posa ses coudes sur la table et passa ses mains sur son visage.
Il n’y avait pas de colère en lui.
Juste une immense fatigue.
Un amour épuisé.
Il leva les yeux vers le couloir où Camille s’était retirée, là où elle ne voulait plus de lui, là où elle vivait à ses côtés sans jamais être avec lui.
Pourquoi restait-elle encore ?
Par habitude ? Par confort ?
Ou peut-être parce qu’elle savait qu’il n’aurait jamais la force de partir.
Victor sentit son souffle se briser dans sa gorge.
Il s’était battu seul tout ce temps, et ce soir, il venait de perdre une guerre qui n’avait jamais vraiment eu lieu.
Élise – Les larmes silencieuses
Dans la pénombre de la chambre, Élise était recroquevillée sur le lit, les bras serrés autour de ses genoux.
Antoine dormait à côté d’elle. Ou plutôt, il était tombé dans un sommeil lourd, presque comateux, après sa rechute.
Elle, elle n’y arrivait pas.
Elle fixait le plafond, les yeux brillants de larmes contenues.
Ce n’était pas la première fois qu’elle pleurait à cause de lui.
Mais cette nuit, c’était différent.
Ce soir, elle ne pleurait pas de colère ou de frustration.
Elle pleurait parce qu’elle comprenait enfin.
Antoine ne savait même pas à quel point il la détruisait.
Il ne réalisait pas le poids qu’elle portait pour eux deux, les sacrifices, l’amour qu’elle continuait de lui donner alors qu’il n’en voulait même plus.
Elle l’aimait toujours.
Mais à quel point pouvait-on aimer quelqu’un qui vous brisait un peu plus chaque jour ?
Elle ferma les yeux et laissa une larme rouler sur son oreiller.
Elle n’avait pas la réponse.
Et peut-être qu’Antoine ne la trouverait jamais.