CHAPITRE 2

2848 Words
CHAPITRE 2 Le bureau de Paul Basson se trouvait dans une chambre de l’hôtel des Célestins aux deux fenêtres de laquelle pendaient des rideaux de mousseline blanche. Paul Basson était depuis un mois attaché à la Direction générale de la Police nationale. Quand Bridet entra, il se leva et vint serrer la main de son ancien camarade d’études et de journalisme. Bridet éprouva alors cette impression de gêne que nous donne un homme avec lequel nous avons vécu dans la même dépendance, quand nous le retrouvons tout à coup actif et puissant. Il n’y avait aucun papier, aucun dossier sur le bureau, mais un bouquet d’œillets de serre dans un vase de cristal. Bridet s’assit dans un fauteuil. Jamais Basson n’avait embelli sa chambre de garçon et maintenant, dans son bureau de policier, des fleurs embaumaient l’air. Ce détail trahissait un inquiétant état d’esprit. — Je suis venu te voir, dit Bridet, pour te demander un appui. — C’est tout à fait normal. Qu’est-ce que tu deviens ? — Pas grand-chose. Basson jeta un coup d’œil par la fenêtre sur les pelouses et les arbres du parc. On n’eût jamais dit que l’armistice datait à peine de quatre mois. Comme un veuf courageux, il avait refait sa vie. La maison était encore neuve. On s’y sentait un peu comme dans une exposition, la veille de l’inauguration. C’était naturel après un si grand malheur. — Voilà de quoi il s’agit, dit Bridet. Je veux servir mon pays. Je veux être utile. Le Maréchal a pris nos destinées en main. Nous n’avons plus le droit de nous demander si nous aimons ou si nous n’aimons pas celui qui nous gouverne. Il faut le prendre tel qu’il est. Quant à moi, je suis persuadé que Pétain nous sauvera tous. À ce moment Basson eut une expression assez inattendue de mauvaise humeur. Il prononça deux ou trois mots sans suite, s’arrêta, puis dit enfin avec une grande froideur : — Ne parle pas du Maréchal. Bridet le regarda avec surprise. — Pourquoi ? — C’est une remarque que je me permets de te faire. Ne parle jamais du Maréchal. Ne dis jamais qu’il faut le suivre. On croira que tu es contre lui. Et cela me serait très désagréable. Bridet comprit qu’il avait été maladroit. Du moment qu’il allait voir Basson, il était évident qu’il était pour le gouvernement. Toute explication était superflue et avait une odeur de justification. Basson alla s’asseoir derrière son bureau. — Qu’est-ce que tu attends de moi ? demanda-t-il comme si rien ne s’était passé. — Je ne sais plus comment te parler… Je ne pensais pas mal faire… — Je t’en prie, laissons cela. Qu’est-ce que tu attends de moi ? — Je t’ai dit que je voulais servir mon pays. Et j’ai pensé que je pouvais par exemple être envoyé au Maroc, travailler à resserrer les liens, comme on dit, entre la Métropole et l’Empire. — Pourquoi : « comme on dit » ? — Je ne sais pas. Resserrer les liens est une expression banale. « Comme on dit » te choque ? — Et pourquoi particulièrement au Maroc ? — Au Maroc ou ailleurs. Cela m’est égal. — Tu veux t’en aller ? — Non. J’ai simplement l’impression que je ne suis ici d’aucune utilité. — Tu te trompes. Tu peux être très utile. Nous avons une tâche immense à accomplir. Nous ne serons jamais trop nombreux pour reconstruire la France. — Je suis de ton avis. — Toi ! de mon avis ! — Oui. Basson regarda son ami comme un prêtre regarderait un acteur de café-concert. — Je ne savais pas que tu étais si préoccupé de l’avenir de la patrie, continua Basson. — Je ne l’étais pas, mais il s’est passé des événements qui m’ont changé. — Alors, tu veux reconstruire la France ! — Je veux faire ce que je peux. — Au fond, tu ne sais pas très bien ce que tu veux faire. — Tu as peut-être raison… — Mais il y a une chose que tu sais, c’est que tu veux quitter la France. — Non. — Tu viens de le dire toi-même. — Je viens de dire que je voulais servir mon pays. Basson tenait un porte-mine entre ses doigts. Il dessinait des majuscules sur une enveloppe. Et tout en parlant, il paraissait profondément absorbé par cette occupation. — Tu veux vraiment servir ton pays ? — Naturellement. Si je ne le voulais pas, je ne serais pas venu te trouver. J’aurais été tranquillement vivre dans le Berry, chez ma mère. Basson parut frappé par cet argument. — Alors, tu veux partir ! dit-il. — Je crois qu’il est de l’intérêt du gouvernement d’envoyer des gens sûrs aux colonies. Basson dessinait toujours. — Et Yolande ? — Elle est à Lyon. Nous sommes tous les deux à Lyon. Je te l’ai déjà dit. — Elle te suivrait ? — Oh, je ne le crois pas. Tu sais qu’elle a un magasin. Elle veut rentrer à Paris. — Et toi, tu ne veux pas ? Bridet se rendit compte qu’il devait mentir à nouveau. — C’est ce que je ferai peut-être si je m’ennuie chez ma mère et si je ne pars pas. — Ce que je ne comprends pas c’est pourquoi tu ne collabores pas aux journaux. Ils sont justement tous à Lyon. En prononçant ces mots, Basson ferma les yeux à plusieurs reprises, comme s’ils lui faisaient mal. — Ça me dégoûte un peu, dit Bridet. Tous ces journaux jouent un double jeu. Basson releva la tête pour la première fois. — Qu’est-ce que tu veux dire ? demanda-t-il. Bridet n’osa pas parler du Maréchal. — Ils ne sont pas sincères, répondit-il. — Tu veux dire qu’ils font semblant d’être avec nous et qu’ils ne le sont pas. — C’est ça. — Et ça te dégoûte ? — Naturellement. Je ne serais pas dans ton bureau sans cela. — Ça te dégoûte vraiment ? — Je viens de te le dire. — Oui, je sais, on peut le dire. Bridet éprouva un malaise. Il regarda autour de lui. Pourrait-il sortir tout à l’heure ? Ce bureau n’était-il pas celui d’un des chefs de la police ? Basson était-il vraiment un ami ? — Alors c’est au Maroc que tu veux aller ? demanda ce dernier. — Oui, je veux aller au Maroc, répondit Bridet, sans penser à ce qu’il disait. N’aurait-il pas dû dire plus nettement, tout à l’heure, qu’il était pour Pétain ? La remarque de Basson l’avait arrêté. Il sentait qu’ici les paroles n’avaient aucune valeur. C’était un peu comme dans un tribunal. Il fallait pourtant mettre les choses au point. — Tu m’as dit tout à l’heure, continua Bridet, que cela t’était désagréable que je parle de Pétain. Mais tu oublies qu’il y a longtemps que nous nous sommes vus. Tu ne sais pas ce que je pense. Et je veux que tu le saches. Basson sourit. — Je constate que tu es nerveux. — Il y a de quoi. Tu as l’air de douter de moi. — Moi ? Douter de toi ? Tu te l’es imaginé. Tu penses bien que si j’avais le moindre soupçon sur ta sincérité, tu ne serais pas ici dans mon bureau. Bridet sentit une contraction au creux de l’estomac. Par réaction instinctive il sourit à son tour. — Tu as raison. Je suis nerveux. J’ai eu tellement d’ennuis… — Oui, et quels ennuis ! Je sais ce que c’est. Basson se leva. Comme s’il s’apprêtait à sortir, il mit ses cigarettes et son briquet dans sa poche. Puis il se rassit. Bridet se leva à son tour. — Ne t’en va pas déjà, dit Basson. J’ai quelque chose d’important à te dire. Bridet se rassit ! Il regarda son ami avec une légère inquiétude. — Quelque chose de très important, continua Basson. — Quelle chose ? demanda Bridet. — Je veux te donner un conseil, un conseil d’ami. — Tu veux me donner un conseil ? — Oui. Et ce conseil, c’est : fais attention. Bridet sentit sa salive devenir amère. — Pourquoi ? demanda-t-il en feignant un profond étonnement. — Je te le répète : fais attention. — Mais pourquoi ? — Fais attention et ne fais pas l’imbécile. — Il y a un danger ? — Il va t’arriver une histoire. — À moi ? — Oui, à toi. — Quelle histoire ? Pourquoi ? — Tu es assez intelligent pour me comprendre. Maintenant parlons d’autre chose. Est-ce que Yolande ne va pas venir te rejoindre ici ? — Quelle histoire ? Il faut que tu me dises de quoi il s’agit. — Non, non, parlons de Yolande. À ce moment, la petite sonnerie sourde du téléphone intérieur retentit. Basson parla quelques instants et comme si Bridet l’interrompait, il lui fit signe à plusieurs reprises qu’il ne fallait pas insister, qu’il ne lui dirait rien. — Faites entrer, dit-il enfin avant de raccrocher. Puis s’adressant à Bridet il continua : — J’ai quelqu’un à recevoir. Veux-tu sortir et attendre un instant au salon. Je te ferai appeler dès que je serai libre. — Tu m’expliqueras ce que tu as voulu dire. — Non, non, je te l’ai déjà dit, nous parlerons de Yolande, de nos amis, de tout, mais pas de politique. — C’est à cause de la politique ? — Ne me pose pas de questions, je ne veux pas te répondre. * * * Bridet s’assit dans le salon où déjà quatre ou cinq personnes attendaient. Il avait le front couvert de sueur. Ses mains tremblaient légèrement. Il les posa sur ses jambes pour qu’on ne le remarquât pas. Elles continuèrent à trembler. Il les cacha sous son chapeau. Qu’avait voulu dire Basson ? Il se le demandait sans arrêt. « Je n’ai rien fait, pensait-il. Évidemment, j’ai laissé entendre à beaucoup de gens que je voulais aller en Angleterre, mais ces gens voulaient y aller également. Et puis, ils ne sont pas si nombreux. Ils sont peut-être une dizaine. En admettant qu’il y ait eu des racontars, qu’un dossier existe sur moi, Basson, qui ne s’attendait pas à ma visite, n’avait aucune raison de demander à le voir. On lui a peut-être dit que j’étais gaulliste. Mais personne n’a pu lui en donner la preuve. Moi-même, je n’ai jamais dit nettement que j’étais gaulliste. J’ai dit que j’allais en Angleterre pour rejoindre les Forces françaises libres. C’est tout. Basson a plutôt senti que je n’étais pas pour le Maréchal. Quand il m’a dit qu’il allait m’arriver une histoire, il a sans doute voulu dire que je perdais mon temps à vouloir me faire passer pour ce que je n’étais pas, que cela ne prenait pas et que finalement cette comédie me jouerait un sale tour. Il croit peut-être que je viens espionner Vichy. Ou alors, et ça, ce serait beaucoup plus grave. Lui, Basson, serait gaulliste au fond de son cœur. Il aurait voulu me faire comprendre que mon admiration de la Révolution nationale pourrait, un jour, me coûter cher. » Bridet avait beau se creuser la tête, il n’arrivait pas à comprendre à quelle histoire Basson avait fait allusion. « Je lui demanderai tout à l’heure et j’insisterai jusqu’à ce qu’il me réponde et s’il ne veut pas me répondre, eh bien, ce sera fini entre nous. Je trouverai bien à partir d’une autre façon. Personne n’est indispensable. » Bridet était en train de réfléchir lorsqu’un homme nu-tête, assez jeune, entra dans le salon. — Monsieur Bridet ? demanda-t-il. — C’est moi, c’est moi, dit Bridet en dressant le torse. — Voulez-vous être assez aimable de me suivre, continua le jeune homme. — Certainement, dit Bridet assez fier vis-à-vis des personnes qui attendaient et qui étaient arrivées avant lui, de passer le premier. — M. Basson a terminé ? demanda Bridet dans le couloir. — Je ne l’ai pas vu. — Comment ! ce n’est pas lui qui vous envoie ? demanda Bridet pris soudain d’un tremblement. — Je ne sais pas. — Mais où allons-nous ? Je ne peux pas m’éloigner. M. Basson m’attend. — Nous allons tout près, aux Affaires algériennes. — Ah ! bon, dit Bridet en poussant malgré lui un profond soupir. Maintenant tout s’expliquait. Basson était quand même un véritable ami. Il l’avait un peu inquiété, sans raison, pour s’amuser, par caprice. Bridet se rappela à ce moment que Basson avait toujours agi de cette façon. Il aimait à refuser ce qu’on lui demandait, à paraître plein de réticences et de mystère et puis, quand on ne comptait plus sur lui, on s’apercevait qu’il avait fait au-delà de ce qu’on attendait de lui. Décidément, il n’avait pas changé. « Fais attention, il va t’arriver une histoire, attends-moi dans le salon… » Et puis, il faisait le nécessaire. Bridet et l’employé suivirent un long couloir, coupé de portes sur lesquelles il y avait des numéros en émail. Quand l’une d’elles s’ouvrait, on apercevait des fonctionnaires, des machines à écrire et, le long des murs, des piles énormes de paperasses et de dossiers qui avaient fait toute la retraite et auxquels devaient certainement manquer des pièces importantes. — Entrez, Monsieur, dit l’employé en ouvrant une porte et en s’effaçant avec une politesse un peu machinale. Bridet se trouva alors dans une pièce, couverte d’un tapis beige cloué. Il y avait juste une table et une chaise. — Asseyez-vous, Monsieur, je vais voir si le directeur peut vous recevoir. — Quel directeur ? demanda Bridet. — M. de Vauvray, le directeur. — Ah ! bon, eh bien, je vais m’asseoir, dit Bridet qui éprouvait de nouveau un malaise. Quelques minutes s’écoulèrent. « Il y a tout de même quelque chose que je ne comprends pas très bien, pensa Bridet. Basson m’a prié d’aller l’attendre au salon pendant qu’il recevait un visiteur. Où a-t-il pris le temps de parler à ce M. de Vauvray ? Tout cela est un peu rapide, je trouve. » Une porte de communication avec la pièce voisine s’ouvrit et l’employé sans s’avancer fit signe à Bridet de venir. Cette autre pièce était beaucoup plus grande et avait un aspect de bureau particulier. M. de Vauvray, car c’était lui certainement, tournait le dos à la porte. Il avait les mains dans ses poches. Il regardait par la fenêtre, comme si, par timidité ou par crainte de paraître embarrassé, il aimait mieux ne voir ses visiteurs que lorsqu’ils s’étaient avancés vers son bureau. — Monsieur le directeur, voici M. Bridet, dit l’employé. Il se retourna, eut un petit air surpris de personne qui n’avait entendu aucun bruit, tira les mains de ses poches et alla à la rencontre du visiteur avec un sourire. — Ah ! vous voilà, dit-il. Je suis enchanté de faire votre connaissance. Asseyez-vous, allumez une cigarette. Puis, se tournant vers l’employé, il ajouta : — Vous pouvez vous retirer. Le directeur était un homme jeune, 25 ans au plus, mais, contrairement aux fonctionnaires de cet âge, il n’avait pas apparemment trop l’air de se prendre au sérieux. Il était familier, bon enfant, on sentait qu’il devait passer pour un original dans son entourage. C’était rassurant. — Je suis heureux, Monsieur, de vous connaître, répéta-t-il, mais en scandant cette fois ces mots de gestes destinés à en souligner la valeur. — Moi aussi, Monsieur, dit Bridet. — Notre ami Basson m’a longuement parlé de vous. (Quand ? se demanda encore Bridet.) Inutile de vous dire que je suis à votre entière disposition, mais il faut que vous sachiez tout de suite que le Maroc ne dépend pas de l’intérieur. Il dépend des Affaires étrangères. Si vous tenez à aller en Algérie, c’est à moi qu’il faut vous adresser. Et, dans ce cas, je vous le répète, je suis à votre entière disposition. — Vous êtes trop aimable, dit Bridet. — C’est naturel. Vous êtes un ami de M. Basson. Moi-même, je suis son ami. Si nous pouvons vous être utile, nous en serons très heureux. Quand voulez-vous partir ? — Dans une quinzaine de jours. Je ne suis pas tellement pressé… — Tiens, je croyais au contraire que vous étiez très pressé, il me semble que M. Basson m’a dit que… — Non, justement pas. Je ne suis pas pressé du tout. Je ne partirai d’ailleurs que si j’ai là-bas la possibilité de faire quelque chose. Justement, je dois reparler de cela à Basson. — Dans ces conditions, rien ne presse. — Non, rien ne presse. — Eh bien, savez-vous ce que nous allons faire ? Puisque vous êtes là, vous allez passer dans la pièce à côté, vous allez donner au jeune homme que vous avez vu tout à l’heure tous les renseignements qui nous sont nécessaires, oh ! il ne s’agit pas de grand-chose, ce sont de simples formalités, ensuite nous ferons tout ce qui doit être fait et vous n’aurez qu’à venir quand vous voudrez chercher votre sauf-conduit. Vous voyez, rien n’est plus simple. En quittant le bureau de l’employé, M. Bridet demanda à l’appariteur de l’annoncer à M. Basson. Il remplit une fiche et attendit. L’appariteur revint peu après. Il avait la fiche à la main. — M. Basson est sorti, dit-il. * * * Bridet alla s’asseoir au bord de l’Allier. La journée était magnifique. Les arbres commençaient à roussir. Le ciel était d’un bleu dense, lourd, et le soleil dans ce bleu avait un éclat plus grand. « Au fond, j’ai obtenu ce que je voulais », pensait Bridet. Mais il ne se réjouissait pas. Il avait le sentiment d’une menace pesant sur lui, une menace à laquelle il ne pouvait se soustraire, car il était en quelque sorte prisonnier de la démarche qu’il venait de faire. Il ne pouvait pas partir. Il fallait qu’il attendît les papiers qu’on était en train d’établir, sans quoi sa conduite paraîtrait bizarre. Mais pendant qu’il attendait, on savait où il était, on pouvait venir le chercher, il était à la discrétion de la police. Et le plus pénible était qu’il fallait avoir l’air de ne pas s’en apercevoir, qu’il fallait avoir l’air de jouer la comédie de la conscience tranquille, de ne pas se trahir, de paraître se réjouir de ces quelques jours d’attente comme de vacances… « Et quand je pense que j’ai été assez bête pour dire que je n’étais pas pressé. » Il songea un instant à retourner au ministère. Mais rien n’est plus gênant que de changer d’avis vis-à-vis de gens qui nous ont fait une gentillesse. « Et si je partais quand même, et si je laissais tout tomber ! » murmura-t-il soudain. Non, ce serait vraiment trop enfantin, au moment où il allait réussir, de s’abandonner à des craintes imaginaires. Il n’arriverait jamais à rien. D’ailleurs, bientôt, il n’aurait plus d’argent. Il y avait déjà trois mois que cette vie durait parce que, chaque fois qu’une occasion s’était présentée, il avait été pris de peur. Le plus dur était fait à présent. Il était venu à Vichy. On lui avait accordé ce qu’il demandait, il n’avait qu’à attendre. Il rentra à son hôtel. Mais à la vue d’une lettre dans sa case, il se troubla. En dehors des gens du ministère, il n’avait vu personne et personne ne savait qu’il habitait là. Qui pouvait lui avoir écrit si vite ? Ce ne pouvait être une lettre venue par la poste. Quelqu’un avait porté cette lettre. Mais qui et pourquoi ? Il prit la lettre. Tout à coup, il sentit un immense soulagement. Elle ne lui était pas adressée. La propriétaire de l’hôtel avait dû se tromper de case. — Vous m’avez mis une lettre qui n’est pas pour moi, dit Bridet sur un ton désagréable. La propriétaire regarda l’enveloppe. Il était si nerveux que, pendant un instant, il craignit qu’elle ne lui affirmât qu’elle ne s’était pas du tout trompée, que cette lettre lui était bien destinée. Et quand enfin elle s’excusa, il ressentit de nouveau un profond soulagement.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD