Chapitre 8

1009 Words
Chapitre 8 : « Collin… » murmura Patricia, sa voix tremblante cherchant un écho dans le vide. Mais l’homme ne se retournait pas. Il demeurait impassible, perdu dans ses pensées ou dans sa colère, et elle ne pouvait que l’observer de loin, désireuse de se faire comprendre. Elle savait que n’importe qui à sa place aurait réagi comme lui, sinon pire. Son espoir se réduisait à une seule chose : obtenir ne serait-ce qu’un moment pour parler. C’est alors que Kay fit son apparition, glissant à l’oreille de Roman quelques mots inaudibles mais suffisants pour qu’il s’éloigne de Patricia. L’assistante lui jeta un regard à la fois protecteur et pressé. — Mademoiselle, votre amie vous attend dehors, murmura Kay. Elle ne cessera de crier tant que vous ne serez pas là. Un frisson parcourut Patricia. La voix de Zara n’annonçait jamais de problèmes légers. Quelque chose avait éclaté, et la tension qui montait en elle était liée à ses propres racines, à sa famille. Elle jeta un dernier regard à Collin, le dos tourné, son expression fermée. Son absence de réaction lui déchirait le cœur. Partir sans clarifier la situation risquait d’aggraver les malentendus, mais affronter la tempête familiale en compagnie d’un regard hostile aurait été encore plus périlleux. — Collin, je dois voir mon amie. Je vous expliquerai tout dès que possible, lança-t-elle, la gorge serrée. Il la regarda, un sourire amer étirant ses lèvres, avant de tourner les talons et de quitter la maison. — Collin ! s’exclama Patricia, se précipitant pour le suivre, mais Kay se plaça entre eux. — D’abord votre amie, mademoiselle. Ensuite vous gérerez tout le reste, dit-elle calmement. Reluctante mais consciente de la nécessité, Patricia soupira et hocha la tête. Elle se dirigea vers la sortie, laissant derrière elle Collin, et bientôt apparut Zara, son visage marqué par l’inquiétude. — Patricia ! s’exclama Zara en courant à sa rencontre. Tu dois rentrer immédiatement. La vieille femme sait tout. Les jambes de Patricia fléchirent sous l’effet du choc, et Zara la soutint, la guidant jusqu’à la voiture. Une fois à l’intérieur, elle lui tendit le téléphone. Patricia baissa les yeux : quarante appels manqués. Sa mère. La colère de la matriarche se profilait, massive et inévitable. Comment sa mère avait-elle pu apprendre si vite ? L’idée que sa belle-mère l’espionnait traversa son esprit. Il n’y avait aucun doute : elle avait laissé tomber sa vigilance. La frénésie du mariage simulé l’avait distraite, et maintenant elle payait le prix de sa négligence. À la maison familiale, Zara proposa de l’accompagner pour tempérer la situation. Patricia refusa, préférant affronter seule le cyclone. Inutile d’entraîner quelqu’un d’autre dans ce chaos. Une fois convaincue, elle fit attendre Zara dehors et franchit le seuil de la maison. La cohue familiale l’attendait. Sa mère surgit, mains tendues, inquiète, presque hystérique. — Où étais-tu ?! Vous nous avez tous inquiétés ! Patricia se figea, un rire amer prêt à éclater. — « Nous » ? Pas toi ? lança-t-elle, le ton froid, impassible. Pour la première fois, elle affrontait sa mère sans craindre le jugement. La crainte avait été remplacée par une étrange forme de liberté. La menace de reniement, attendue depuis des années, la libérait plutôt qu’elle ne l’oppressait. Sa mère resta bouche bée, incapable de répondre à ce défi direct. Patricia se détacha de son emprise et passa devant elle, ignorant les murmures des servantes qui scrutaient chacun de ses gestes. Après tant d’années à être jugée, elle ne céderait plus. À la porte de la chambre de sa mère, elle inspira profondément avant de frapper. — Entrez, dit une voix glaciale depuis l’intérieur. Patricia entra, découvrant un tribunal silencieux. La vieille femme trônait, imposante, entourée de son mari, de sa belle-mère, de sa demi-sœur et d’autres membres de la famille. Chacun, immobile, semblait prêt à condamner d’un simple regard. — Tu as enfin daigné revenir, ricana sa belle-mère. Patricia détourna son attention et fixa la matriarche. Aucun mot pour distraire la foule. Le jugement était déjà rendu dans l’ombre, orchestré par sa belle-mère et sa demi-sœur. La vieille femme laissa tomber un papier devant elle. — Est-ce vrai ? demanda-t-elle, le ton mesuré mais pénétrant. Patricia reconnut le certificat de mariage sans même regarder. — Oui, répondit-elle calmement. Un silence stupéfait suivit sa réponse. Pas de tremblements, pas d’excuses. Juste la vérité, prononcée avec fermeté. Pour la première fois, elle se tenait droite face à sa famille. — Mesurez-vous seulement la portée de vos actes ? s’exclama sa belle-mère, incrédule. Vous avez agi contre votre famille pour épouser… l’homme le plus riche après le premier de la ville ! Étiez-vous enceinte pour oser cela ? Patricia faillit sourire face à cette hystérie. La scène avait quelque chose d’absurde, presque théâtral. — Ne devrais-tu pas savoir mieux que moi ? répliqua-t-elle, le menton haut. C’est vous qui avez orchestré ce mariage… Mère. Tous les regards se tournèrent vers Lisa. — C’est vous qui avez agi ? demanda son père, hésitant. — Évidemment, elle cherchait à me piéger pour mon bien ! s’emporta Lisa, sa voix tranchante comme un rasoir. Pourquoi choisir un époux pour elle alors que je ne peux même pas décider du mariage de Clara ? Son père détourna les yeux, soumis. Lisa détenait sur lui un pouvoir absolu. — Assez ! tonna la vieille femme, la voix résonnant comme un marteau. Chacun se recula, impressionné par l’autorité qui émanait d’elle. — Alors explique-moi… Comment as-tu pu passer la nuit chez lui si tu n’avais aucun lien avec ce mariage ? demanda-t-elle à Patricia, les yeux plissés, perçants. — J’essayais d’annuler le certificat, répondit Patricia, d’une voix ferme mais calme. Je n’ai joué aucun rôle dans l’organisation de ce mariage et je n’ai aucun sentiment pour M. Roman. Aidez-moi à le faire annuler. Elle inclina la tête, portant le poids de chaque moment, de chaque décision. La fatigue et la tension étaient là, mais la vérité devait être dite. Sa voix tremblait à peine, et sa détermination résistait encore, prête à affronter tout ce qui suivrait.
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