VII. Plan de non-action

1621 Words
Tandis que je commençais à manger, il se présenta à moi : - On a pas trop eu le temps de se parler alors on ne sait rien l'un sur l'autre. Je m'appelle Jonathan, Jonathan Crawford. Je suis l'Alpha de ma meute. Et ici on est en Pennsylvanie. Je manquais de m'étouffer : la Pennsylvanie, c'était super loin du Nevada. Comme je mangeais je ne pus lui répondre quand il me dit "et toi ?". Ce qui l'agaça au plus haut point. Une idée jaillit dans mon esprit : j'avais trouvé un plan d'action ou plutôt un plan de non-action. J'allais être totalement indifférente, je n'allais pas lui parler. Comme ça il se lasserait, il me relâcherait et je retournerais chez moi. Cela faisait à peine deux jours que j'avais commencé et mon plan semblait marcher à merveille. Jonathan perdait son calme, je le voyais : quand il me posait une question et que je restais silencieuse, ses poings se serraient comme s'il voulait frapper quelqu'un. Seulement si jamais il osait lever la main sur moi, il le regretterait amèrement et ça je pense qu'il l'avait comprit. Dire que ses réactions me faisaient rire, serait un doux euphémisme, je jubilais intérieurement. Je ne laissais pourtant rien paraître, il devait croire que je m'en fichais complètement. J'évitais aussi soigneusement son regard, car le lien se renforçant à chaque coup d'œil, j'avais du mal à continuer. De temps en temps je sentais des émotions qui ne m'appartenaient pas, je savais pertinemment que c'étaient les siennes. Mais je continuais de l'ignorer, même quand je percevais une profonde tristesse s'ancrer en lui. Et je commençais à me demander qui était vraiment le monstre entre nous deux. Mais malgré ça je continuais, quoique ça m'en coûte. J'allais me coucher quand je le vis, dans la chambre que je considérais comme mienne à présent. Il me regarda et s'allongea sur le lit en me demandant si cela me dérangeait. Je faillis lui répondre que oui, puis me rendis compte que c'était simplement une ruse pour me faire parler, alors je m'assis pas terre contre le mur et restai ainsi toute la nuit m'endormant par moments. Ce n'était pas la première fois qu'il faisait ça : il me posait des questions auxquelles j'étais vraiment tentée de lui répondre, il me poussait à bout pour que j'arrête de l'ignorer mais je tenais, tant bien que mal je tenais. Le lendemain soir quand il se coucha, qu'il me vit m'asseoir par terre comme la veille, avec de grosses cernes sous les yeux, dues au manque de sommeil de la veille. Il prit pitié et repartit dans sa chambre. Je me couchai dans le lit, et me rendis compte que je ne lui avais jamais laissé aucune chance. Je l'avais tout de suite mis dans la catégorie "monstre", dans laquelle se trouvaient tous les Loups-garous que je croisais. Mais il n'était peut-être pas comme ça après tout, il méritait une chance. Prise de remords, je faillis aller le voir et m'excuser mais me dit que ça pourrait attendre le lendemain. *** Cela faisait une semaine que je n'avais pas parlé. Il en souffrait et la vérité c'est que j'en souffrais aussi. Mais je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même. Je faisais l'indifférente mais au fond de moi je savais que ce n'était qu'une façade et que ma carapace commençait à se fissurer. J'étais dans le canapé, mon livre à la main lorsque l'on toqua. Je refermai le livre que je tenais : "Orgueil et Préjugés" de Jane Austen. Ce livre était sorti il y a trois siècles déjà et pourtant il restait mon livre préféré. Tout droit sorti de la bibliothèque de mon père, ses pages étaient jaunies et cornées par les nombreuses lectures. Avant mon départ je l'avais glissé dans mon sac à dos et je l'avais retrouvé lorsqu'un matin j'avais trouvé au pied de mon lit mon sac. J'avais donc retrouvé la montre et les autres affaires qui comptaient pour moi. Je vis Jonathan aller ouvrir et dire à la personne de partir et vite, je me levais et allai voir ce qu'il se passait. Ma curiosité me perdra. Je vis un homme grand et assez costaud faire face à mon âme-sœur. Il était brun et je remarquais tout de suite une ressemblance entre les deux hommes. Il était beaucoup plus âgé. L'homme ne tint pas compte de la requête de Jonathan et entra le poussant légèrement. Il arriva jusqu'au salon que j'avais rejoint quelques instants plutôt ne voulant pas qu'on me surprenne en pleine séance d'espionnage. Jonathan nous rejoignit et se positionna devant moi, me protégeant. L'homme sourit de toutes ses dents et demanda : - Tu ne nous présentes pas ? Je serais ravie de connaître ton âme-sœur, mon fils. C'est vrai que leur ressemblance était marquante mais je fus quand même surprise. Il continua : - Il paraît qu'elle n'a jamais daigné te parler, c'est vrai ? Il ricana d'un rire mauvais. Je ne sais pas pourquoi mais je m'avançai, pris la main de Jonathan, et souris à son père avant de lui dire : - Qui a dit ça ? C'est absurde. Il serait stupide d'avoir un tel comportement avec mon âme-sœur. Jonathan me regarda surpris mais ne dit rien. Son père arrêta instantanément de sourire. Jonathan lui demanda ce qu'il faisait là et je les écoutais pendant une bonne demi-heure parler de meutes et de loups solitaires. Je ne savais pas ce qui m'avait pris : jamais je n'aurais du faire ça ! En même temps je ne pouvais pas le laisser se faire humilier par son propre père, qui semblait rire de son malheur, par ma faute. J'avais le droit de le faire souffrir mais personne d'autre n'avait ce droit. Cette phrase me rappelait une b***e dessinée datant de l'ancien monde, Garfol … non Garfil … ça y est c'était Garfield. Dès que celui-ci serait parti, je reprendrais comme avant. Je me le disais, j'essayais de m'en convaincre mais au fond je savais que je n'y arriverais plus. Point de vue de Jonathan Tandis que je raccompagnais cet homme qui se disait être mon père à la porte, je repensais à elle. Elle avait été exécrable depuis le début , en commençant par fuir une première fois, puis une deuxième fois et encore une troisième fois avant que je ne me décide à agir comme un kidnappeur en l'endormant. Elle avait été inconsciente de mettre sa vie en danger en sautant de cette falaise, puis en sautant de la voiture. Elle avait tout fait pour me pourrir la vie en ne daignant pas m'accorder ne serait-ce qu'un seul regard. Et pourtant aujourd'hui elle m'avait défendu. Elle m'avait défendu devant cet homme qui riait de mon malheur. Et cela excusait tous ses autres comportements, enfin pour l'instant. Je pardonnais mais je n'oubliais pas. Dès que j'eus fermer la porte, je la rejoignis et la vis fuir mon regard comme tous les jours depuis une semaine. Mais aujourd'hui après son intervention, je ne pouvais plus me contenter de sa présence. En intervenant, elle m'avait montré qu'elle n'était pas totalement indifférente. Et j'étais bien décidé à casser ce mur qu'elle s'obstinait à construire entre nous. Je m'approchai d'elle, elle recula, le regard toujours au sol. Je relevai son visage vers moi, d'une main sur son menton. Ses yeux croisèrent les miens l'espace d'un instant et je sentais mon loup s'agiter en moi. Lui aussi en avait marre d'attendre. Point de vue de Allison Je n'en pouvais plus, je n'y arrivais plus. Un mot m'échappa alors en chuchotant : - Allison. Il me regarda intensément, ne semblant pas comprendre, puis une étincelle scintilla dans ses yeux. Il avait compris, et je ne parle pas de mon nom : il avait compris que je ne résistais plus. - Merci Allison. me dit il simplement. Devant mon air interrogateur il ajouta : - D'être intervenue toute à l'heure. En terminant sa phrase, il s'était considérablement rapproché, il s'avança encore, et se pencha vers moi. Il allait m'embrasser, je fis un bond en arrière : ce n'est pas parce que j'avais laissé échappé un pauvre petit mot qu'il avait le droit de se jeter sur moi. S'il fut vexé il n'en laissa rien paraître, au lieu de ça, il me prit la main et m'amena dans la cuisine où il me tira une chaise tel un gentleman. Je ne me laissai pas amadouer et le regardai s'asseoir en face de moi. J'attendais et il attendait aussi, je le scrutais et il me scrutait aussi. Je refuse d'utiliser "nous" cela soutiendrait qu'il y ait une quelconque forme de familiarité et ce n'est pas le cas. Finalement n'y tenant plus je lâchais un mot : - Merci. Il haussa un sourcil, surpris que je le remercie. Après tout il n'y avait pas de raisons, il m'avait kidnappé comme une proie avec du chloroforme. Je lui montrais le sac qui gisait désormais au pied de l'escalier. Il hocha la tête et voyant que je n'ajoutais rien il demanda. - Quand comptes tu prononcer plus d'un mot à la fois ? Joueuse je lui répondis en choisissant minutieusement le seul mot que je prononcerais : - Jamais. Un léger sourire se forma sur mes lèvres et quand je vis que ça ne le fit pas rire j'ajoutai. - Désolée. Je baissais les yeux tandis qu'il relevait les siens. Je ne savais pas pourquoi je faisais ça. Je ne savais pas pourquoi je lui parlais. Peut-être que je voulais lui laisser une chance. Peut-être que je voulais me laisser une chance. Une chance d'avoir quelques petits moments de bonheur, ceux-ci ayant disparus il y a trois ans.
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