Mr. Et Mme. Hebrard reviennent avec un plateau rempli de petits gâteaux et de trois tasses de thé.
- Morgan ? Est-ce que tout va bien ?
- Qui est cet homme, à côté de Mathieu sur la photo ?
- Ah, vous parlez de Tristan ! C’est le meilleur ami de Mathieu depuis toujours, ils sont comme c*l et chemise, inséparables ! Ils sont encore en contact aujourd’hui, me semble-t-il, malgré le fait qu’il soit allé s’installer à Washington il y a quelques années.
Je n’avais pas besoin de poser plus de questions pour avoir ma réponse. Ils n’étaient pas au courant que Tristan était revenu dans le Michigan, et encore moins que c’était le médecin chargé de Mr. Toller. Information que la police avait forcément en leur possession, et avait décidé de la garder pour eux, bien au chaud.
Ça ne me plaisait pas du tout. J’ai l’impression que tout me dépassait. Que Mr. Toller n’avait pas seulement un complice, mais toute une armée derrière lui prête à se sacrifier pour lui.
Un docteur-meilleur ami qui avait…orchestré une amputation afin d’alourdir la peine de mes clients ? Un chef de police corrompu pour je ne sais quel gain à l’arrivée ?
Ce n’était décidément pas l’argent qui intéressait Mr. Toller, s’il était prêt à perdre un membre et mentir sous serment par vengeance mal placée, Mr. Toller était tout simplement devenu fou.
Je remerciais mes clients pour le thé et décidais d’aller prendre l’air, étouffant dans mes pensées que je n’avais encore partagées avec personne, et dont la responsabilité alourdissait chaque jour un peu plus mes épaules déjà frêles.
Je devenais peut-être folle, moi aussi. Est-ce que mon histoire ne serait-ce que pourrait tenir la route ? Je n’avais aucune preuve de ce que j’avançais mais toutes ces cachotteries n’étaient pas banales. On essayait de nous mener en bateau, mes clients et moi. Et je ne pouvais même pas prévenir la police.
Je décidais donc d’aller courir, repassais chez moi enfiler un survêt, mis des baskets et prenais mes écouteurs.
J’allais comme toutes les semaines en direction du William G. Milliken State Park and Harbor, un parc longeant la rivière de détroit, mon endroit préféré pour aller faire mon footing. Après une bonne heure de course, je m’arrêtais à une fontaine d’eau potable afin de me rafraichir un peu.
On me tapotait dans le dos par surprise, je sursautais et me retournais face à un homme, -Wow- plutôt bel homme au passage, l’interrogeant du regard.
- « Ça fait maintenant une heure que j’attends que vous finissiez de courir ! Une vraie machine », il me sourit de ses belles dents.
- « Je vous connais ? », je répondais, intimidée.
- « Pas encore, malheureusement. Mais courir à une allure pareille, aussi longtemps sans remarquer tous les regards des hommes sur vous, peut vouloir dire deux choses. Soit que vous y êtes habitués, soit que quelque chose vous tracasse. Quoi de mieux que d’en parler à un inconnu autour d’un café gratuit ? », il me lançait de son regard hypnotisant.
Je ne voulais pas qu’il voit qu’il m’avait perturbé et lui répondais rapidement.
- « Un café avec une inconnue fatiguée et poisseuse, vous êtes sur de vous ? », je rigolais mi-gênée.
- « Vous l’aurez voulu. Je vous laisse le temps de prendre une douche et vous invite au restaurant ce soir. »
- « Ce n’est pas ce que je voulais dire ».
- « Vous avez mieux à faire ? », il me souriait de cette manière aussi provocante qu’attirante, me laissant sans mot, rouge comme une tomate. « C’est ce que je pensais, allez lâchez-vous. Ce n’est qu’un dîner, si ça se passe mal, vous ne me reverrez plus, d’accord ? »
Je me surpris à dire oui et lui donnais mon numéro, ainsi que mon adresse puisqu’il insistait pour venir me chercher. Mais qu’est-ce qui vient tout juste de se passer ? Donner mon numéro à un inconnu ET accepter un restaurant ?
Oh mon dieu, oh mon dieu. Je me rendais compte que je retenais mon souffle depuis maintenant une bonne minute, soufflais un bon coup et repartais en direction de chez moi, la panique et la curiosité grimpant en flèche.
Personne ne m’avait jamais décontenancé de la sorte ! Il était incroyable attirant, incroyablement beau dans son costard bleu foncé, épousant à la perfection la forme de ses muscles. Ce sourire plein de malice, ses yeux d’une profondeur horriblement envoutante… Stop. Morgan, reprends toi. Tu as plein de choses à penser, un deuxième tour à l’hôpital à organiser, ce n’est pas le moment de s’éparpiller.
Je passais la porte de chez moi, prenais une douche, m’enroulais une serviette autour de moi et décidais d’envoyer un message à… A qui d’ailleurs ? Je ne savais même pas son prénom ! Quelle erreur. J’envoyais donc un message à l’Inconnu. « Désolé, j’ai trop de choses à faire ces temps-ci. Une prochaine fois peut-être. A bientôt ! »
Une petite pointe de déception se dessinait doucement dans mon ventre, mais l’ignorais et enfilais un legging Nike, un gros pull et pris mon habituel verre de vin.
Une heure plus tard, j’entendais toquer à ma porte. Qui ça peut bien être ? La voisine, surement, venant pour la énième fois emprunter ma théière. Il allait vraiment falloir qu’elle finisse par s’en acheter une !
J’allais l’ouvrir prenant la théière au passage et tombais nez-à-nez avec l’Inconnu. QUOI ?
- « Je n’ai pas besoin de théière, merci pour le cadeau », il rigolait lorsque je me rendis compte que je la lui tendais bras tendu, étant persuadée de la venue de ma voisine.
- « Oups, pardon, je pensais que c’était la voisine. Je… Vous n’avez pas reçu mon message ? », je répondais extrêmement gênée, prise de panique la plus totale.
- « Oh si je l’ai bien reçu. Vous vous êtes dégonflée. Vous n’avez pas voulu aller au restaurant, alors le restaurant vient à vous ! », il répondait en sortant deux gros sacs de « Steak’n’Fries ».
- « Vous êtes complètement dingue ! »
- « C’est ce qu’elles disent toutes ! », il répondait en me faisant un clin d’œil. Rahhhhh, ce qu’il m’énerve.
Je le laissais alors passer, prise à mon propre piège. Ça annonçait une soirée loin d’être ennuyante…