02

2542 Words
Il est quinze heures quarante et une quand j’attrape mon téléphone sur le matelas. J’ai dormi toute la journée, c’est…. Bon, il faut dire que je n’avais pas dormi depuis sept heures du matin hier… Je pense que je suis pardonnée. J’ouvre une application de partage de photos quand je vois que j’ai reçu une demande de message de Jules. Jules_official – Je me permets de t’envoyer un message parce que j’ai vraiment apprécié de passer la nuit à discuter avec toi. J’espère que l’on se reverra, pourquoi pas. Je pars pour Ibiza et je ne reviens pas en France avant fin d’année. Chao, bella. Emma_Simone – Bonjour, je me réveille seulement. J’ai également aimé passer du temps avec toi et j’espère que l’on aura l’occasion de se revoir. Passe du bon temps à Ibiza, je t’envie. Bisou, Julius. Julius ? Pourquoi Julius ? Il s’appelle Jules, non ? Pourquoi j’ai dit ça, bordel… Brr. Nouveau message. Cette fois, c’est une photo. Je souris doucement. Il n’a pas relevé ma boulette, c’est très bien. Le paysage est beau. Il est sur la plage, sur scène, à sûrement se préparer à entrer en jeu pour ce soir ou que sais-je. Jules_official – Tu peux venir, si tu veux. Emma_Simone – Trop occupée à me cacher. Jules_official – Quand tu auras envie de vivre, alors. Je regarde mon écran plusieurs minutes puis, je vais sur google. Je cherche des vols, mais me rendant compte que je n’y comprends rien, je préfère abandonner l’idée de cette pulsion soudaine. Je précise à Jules que j’ai cherché des vols, mais que je n’ai rien compris. Jules_official – Je t’envoie mon jet, lol. Je ris nerveusement. Jules_official – Je doute que tu trouves un vol direct pour ce soir. J’en doute aussi, je n’y comprends rien. Air France propose des escales, faisant durer le vol presque cinq heures… le reste, je n’ai pas vraiment regardé, mais j’ai vu qu’une compagnie proposait un vol direct pour une durée de deux heures trente, seulement j’ignore s’il y a des vols de prévus aujourd’hui. Jules_official – Départ 19h, tu arriveras à 21h30 si tout se passe bien, mon set, c'est à 23h, on est large lol. Emma_Simone – Si tu le dis. Comment on réserve ? Jules_official – Je m’en occupe, prend ce qu’il faut et cours à l’aéroport d’Orly en attendant. Ne te charge pas trop, on avisera sur place. Je ris doucement. Il est sérieux ? Emma_Simone – Tu es sérieux ? Jules_official – Toujours. Il me faut au moins dix minutes avant de daigner me rendre compte de la situation et de bouger du lit. C’est fou, mais on a qu’une vie ! J’ai tellement adoré être avec lui cette nuit que je me fiche du risque que ça engage. Tant pis. Je n’ai plus le temps de rester cachée et d’attendre que la vie passe, sans que je puisse en profiter. Je me douche, je m’habille, je fais un sac et je m’en vais. L’aéroport n’est pas si loin, mais la circulation fait que ça me parait une éternité avant de daigner y mettre les pieds. Je regarde les billets que Jules m’a envoyés et je me présente à l’accueil pour divers contrôles. Mon sac pesé et enregistré, je m’en vais attendre sur les sièges comme tout le monde. Ça va être long jusqu'à dix-neuf heures… J’écoute de la musique, je discute avec Jules quand il est disponible à me répondre, puis me voilà dans l’avion direction l’Espagne. Je dors pendant le vol, je ne me rends même pas compte qu’il passe. Je sors de l’engin et là, je suis les instructions de Jules. Il m’a précisé que quelqu’un m’attendrait dans le hall avec mon prénom sur une pancarte, que je n’ai qu’à le suivre pour qu’il m’amène à lui. Quand je vois l’individu, il se présente comme le frère de Julius. Il me dit qu’il ne pouvait pas venir de lui-même, qu’il en est désolé, mais qu’il se rattrapera sûrement à l’occasion. Intimidée face à tout ce que je fais, je ne lui réponds pas. Je me sens soudainement anxieuse. Pas parce que je fais face à un homme que je ne connais pas, finalement, mais plus, car je me rends compte de ce que je suis en train de faire. Je viens vraiment de prendre un vol sur un coup de tête. Me voilà en Espagne prête à revoir un homme à qui j’ai parlé la nuit dernière et sous ce seul prétexte. Bordel… quelle débile je fais parfois. J’inspire intensément. Je pense que je le saurai déjà, si Jules me voulait du mal. Il aurait forcé, ce matin, quand je lui ai dit que je préférais rentrer seule plutôt que le laisser venir chez moi. Je pense même qu’il aurait été plus insistant. – Tu peux monter devant, me dit Romero. Je me doute. Je monte devant, du coup. J’attache ma ceinture, passant le trajet à me torturer l’esprit. Il n’y a vraiment aucune raison que je sois inquiète face à cette démarche. C’est juste l’idée de faire ça avec une nuit pour prétexte. Je ne le connais pas, je ne… je ne sais pas, mais je suis là, dans la voiture avec son frère, prête à le rejoindre. D’ailleurs son frère, il a l’air à peine plus âgé que moi. Je n’ose pas faire la conversation avec lui et il ne m’oblige pas à parler non plus. Il pourrait le faire, face à cette gêne qu’occasionne la situation, et pourtant, il ne force rien. Il me laisse le droit à mon silence et c’est très bien. À l’hôtel, puisque c’est là que nous arrête Romero, je marche derrière lui qui tient mon sac sur son épaule. Nous prenons l’ascenseur et sortons une fois à l’étage qu’il avait demandé. Nous marchons dans les couloirs luxueux de l’hôtel, puis nous nous arrêtons à une porte sur laquelle Romero cogne doucement son poing. Elle s’ouvre et Monsieur donne mon sac à son frère. – Le colis est livré, il dit. Je n’entends pas ce que lui répond Jules, mais en tout cas, ça les fait rire tous les deux. Son petit frère s’éloigne de la porte pour me laisser la place. Je le regarde marcher dans le couloir, puis je regarde Jules. – Bonsoir Madame, il dit. – Tu n’es pas censé être sur scène à vingt-trois heures ? Je demande. – Si, il répond. La scène est à cinq cents mètres, je devrais y arriver à l’heure, il souffle. Il me fait rentrer dans sa suite. Il ferme la porte derrière nous, posant mon sac sur l’un des fauteuils de sa majestueuse chambre. Je le regarde s’approcher des fenêtres, il me précise que c’est en bas que ça se passe, alors je m’approche de celle à côté et je regarde la plage. Effectivement, en bas, sur la plage, il y a foule et des jeux de lumières à gogo. Jules ouvre la fenêtre, laissant rentrer le son avant de la refermer. Je suis tellement stressée que je n’ai rien entendu en arrivant ici. Maintenant qu’il me le dit, je me souviens que mon cerveau avait percuté le bruit sourd du bordel que fait un dj quand il est derrière ses platines, mais bon. – Tu vas descendre à l’heure pile ? Je questionne. Il est vingt-deux heures trente. – Je vais y aller, là, il dit. Je devrais déjà y être, mais je voulais au moins t’accueillir. Je souris gentiment de l’idée. – Je peux venir avec toi ? Je demande. – Tu devras rester en retrait, il dit. Tu peux rester avec l’équipe cela-dit, il précise. Avec mon frère, par exemple. Monsieur s’approche de moi en regardant son Apple Watch. – Tu restes combien de temps, ici ? Je demande. – Trois jours, il dit. Après, je vais à Miami. Je vois. – Je dois y aller, il précise. Il place sa main sur mon cou, venant me faire une bise. – Je vais t’amener à mon frère. J’accepte l’idée, puisqu’il tire ma main derrière lui, pendant qu’il fait ça, je fronce les sourcils, les yeux fixés sur nos mains. Nous sortons de la chambre, là, il me lâche. Il appelle son frère qu’il voit devant les ascenseurs et il lui demande de jouer les nourrices en attendant qu’il soit de nouveau libre. Romero accepte. Il me présente à sa petite amie, là, je me confirme l’idée qu’il a sûrement mon âge. La fille vient de dire qu’elle compte fêter ses vingt-cinq ans. Elle s’appelle Marine. – J’ai trop hâte d’être à l’Ultra, j’entends Romero. – Je serais peut-être mort, d’ici là, lui dit Jules en avalant des comprimés. Pendant qu’il avale son eau, il me regarde. Il referme la bouteille et il la donne à l’un de ses acolytes. L’ascenseur ouvre enfin ses portes, tout le monde y grimpe sauf Jules et moi. Je vois que Romero empêche les portes de se refermer. Est-ce que Jules est malade ? Ce ne sont pas des choses que l’on dit lors d’une nuit blanche, mais si c’est le cas, est-ce que c’est grave ? Je rentre dans l’ascenseur, n’osant pas lui poser la question maintenant. Il me suit pendant que les portes se referment dans son dos. – Tu devrais… Romero passe un badge autour de mon cou. Je regarde le détail de ce dernier, il s’agit d’un passe libre. Je me retourne pour le remercier d’un sourire, puisque je n’ose toujours pas l’ouvrir. Ils sont nombreux, tous plus imposants les uns que les autres, et entre ces hommes, il n’y a que deux femmes qui ne sont autres que Marine et moi. Jules attrape les cheveux dans ma nuque pour les sortir du collier du badge. Il ne fait rien de plus. J’ai l’impression qu’il se rend compte de son geste et qu’il se met soudainement à penser qu’il en fait déjà trop sous les yeux de son entourage. Les portes de l’ascenseur s’ouvrent. Il est le premier à partir et tout le monde s’élance derrière. Marine, la petite amie de Romero, attrape ma main sûrement pour que je me détende un peu et pour que je me sente plus en confiance avec ce qu’il se passe. Les hommes s’éloignent, mais ça n’a pas l’air de la déranger plus que ça, marchant à bonne distance, ma main toujours dans la sienne. – Romero a fait pareil pour moi, elle me dit. Une décision prise sur un coup de tête et ça fait un an que je le suis à l’autre bout du monde… Je doute faire ça pour Jules, d’autant plus que nous n’avons rien partagés pour le moment. Ça voudrait dire que je mets entre parenthèse ma carrière de mannequin et… trop de choses à la fois. – Cela-étant, Jules est plus sélectif que son frère ! Je fronce doucement les sourcils alors qu’elle rit de ce qu’elle raconte. – Je me demande juste ce que Rome me trouve d’aussi exceptionnel… Sûrement le fait qu’elle soit aussi ouverte alors que je ne la connais pas. Le fait qu’elle mette à l’aise sans efforts. Le fait qu’elle soit souriante et qu’elle possède une énergie communicative, peut-être… – Tu as quel âge ? Je demande. – Vingt-quatre, elle répond. Et toi ? – Vingt-six, je dis presque honteuse. – Il le sait ? Elle demande. Je ne suis pas sûre. Moi, je sais qu’il a trente-huit ans parce que je lui ai demandé. Sans ça, je serais dans l’ignorance totale. Il ne m’avait pas retourné la question, mais j’imagine qu’il a dû remarquer que je n’étais pas de sa génération. – C’est mal ? Je questionne. – Non ! Lance Marine. Du tout ! C’est juste que ça m’étonne, elle dit. Il s’est toujours plaint des femmes dans la vingtaine qui l’approchaient ! Je ne dis rien. Nous traversons la route et se retrouvons à devoir montrer nos badges alors que les hommes sont déjà à leurs occupations. La miss me propose un verre à boire que j’accepte. Nous nous baladons sans les garçons. C’est un truc qu’elle a l’air d’avoir l’habitude de faire. Cette balade me permet d’en apprendre un peu plus sur elle, tout comme elle sur moi, même si je reste très évasive à mon sujet, puisque je n’ai rien à raconter, faute d’avoir des souvenirs de ma vie passée. Nous finissons par rejoindre les hommes. Tous se mettent en cercle, bras dessus, bras dessous, là à écouter Julius pour son discours d’avant-scène. Marine nous intègre à la mêlée. J’accroche mon bras dans son dos, n’osant même pas toucher Julius à côté de moi, alors que lui, il pose son bras sur mon épaule. Son discours est vraiment terre à terre et quand il en a terminé, la ronde se met à hurler un cri de guerre que je ne connais pas. Je les regarde tous se motiver les uns et les autres, puis je vois Julius parler à l’oreille de son frère tout en me reluquant. Ça, il le fait avant d’être appelé à prendre la scène. Romero s’approche de moi pour qu’avec sa petite amie, ils m’invitent à les suivre. Si moi, je reste en retrait pour ne pas être remarquée, eux, ils ne se cachent pas vraiment d’être vus. Ils s’en fichent. Accroupit derrière sa platine, Julius se chauffe doucement à se montrer. Je ne connaissais pas cette facette du métier. Pour dire vrai, je ne sais même pas ce que font les dj. J’ai toujours eu tendance à croire qu’ils branchaient une clef USB et qu’ils faisaient semblant de mixer pour plaire, mais on dirait que j’ai tort. Julius se montre et les gens sur la plage se mettent à hurler à tout rompre. Cela me fait doucement sourire, même que ça m’impressionne de l’entendre. Je n’imaginais pas ça comme ça. Il faut dire que ça fait cinq minutes qui les chauffe à son arrivée imminente. Caché derrière son outil de travail, il avait réussi à les faire interagir avec lui, sans ouvrir la bouche, juste avec une intro bien ficelée. J’hallucine. Je suis en plein rêve, ce n’est pas possible autrement. J’ai fait un tas de concerts, mais un comme ça… Ouah. C’est incroyable. Les gens sautent et dansent comme si leur vie en dépendait. Si je ne connaissais rien à ce monde ce matin encore, j’ai envie de le voir sous toutes les coutures, désormais. C’est quelque chose. Lui est possédé, les gens en face le sont davantage et c’est sans parler de son entourage qui danse et réagit comme s’ils étaient dans le public. Sans parler de Romero qui filme ce qu’il peut, sûrement pour les réseaux sociaux, mais qui le fait avec une fierté absolue sur le visage. Julius se tourne d’ailleurs vers son frère qu’il sait dans son dos. Ils sourient tous les deux de manière automatique, Jules s’ambiançant sur sa propre musique, Romero toujours le téléphone à la main à immortaliser ce qu’il voit. L’image est jolie. Je remarque d’ailleurs que Marine sourit doucement d’y assister. Ils l’ont l’air d’avoir une relation très complice entre frères. Ils semblent vraiment très proches et tout le monde ici, a l’air de savoir qu’ils ont besoins de se retrouver de temps à autre. C’est joli.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD