Chapitre 3 :
**Résidence Hyatt**
Dans l’eau brûlante qui débordait presque du large bassin, Ashley s’enfonçait, la nuque appuyée contre le rebord. Ses paupières closes laissaient deviner la fatigue, mais son esprit, lui, refusait de se taire.
Les courbatures lancinaient encore, traces évidentes d’une nuit qu’elle n’avait jamais osé imaginer aussi brutale qu’enivrante. Chaque souvenir revenait par éclats : le poids de ce corps puissant, ses gémissements brisés par l’intensité de ses mouvements, et cette chaleur insoutenable qu’il lui avait imposée, puis arrachée à elle.
Au début, la douleur lui avait semblé insupportable. Puis, presque insidieusement, elle s’était transformée en une fièvre dont elle s’était surprise à demander davantage. Ses doigts glissèrent inconsciemment le long de ses cuisses, comme pour retrouver une caresse absente. L’image du visage de l’homme s’imposa brusquement.
Ses yeux s’ouvrirent d’un coup.
— Tristen Knight !
Haletante, elle se redressa, encore prisonnière de ce nom découvert sur une simple carte de visite. Son cerveau se bloqua net lorsqu’elle comprit où elle l’avait déjà entendu.
— Non… impossible… Ce serait donc **lui** ? L’insaisissable Tristen Knight, celui dont personne n’a jamais réussi à capturer le visage ?
Une sueur glacée lui parcourut le dos. Bondissant hors de l’eau, elle attrapa une serviette qu’elle serra autour de sa poitrine et sortit de la salle de bain presque en courant.
— Miley ! Où est mon téléphone ?!
Le ton paniqué glaça sa manageuse, qui se leva aussitôt pour lui tendre l’appareil. Ashley, fébrile, tapa son nom sur le moteur de recherche. Rien. Pas une seule photographie. Le néant. Comme si l’homme n’était qu’un spectre tapi dans l’ombre.
Elle s’effondra sur le canapé, le souffle court. Tout ce qu’elle avait entendu sur lui lui revint : son opiniâtreté, sa manière d’obtenir systématiquement ce qu’il voulait, en affaires comme dans la vie privée. Rien ni personne n’arrêtait Tristen Knight.
Ses mains tremblaient quand elle souffla :
— Miley… est-ce qu’on peut ressortir vivante d’une cage remplie de lions ?
La jeune femme la fixa, désemparée par cette étrange question. Après un silence gêné, elle murmura :
— Seulement si les lions dorment.
Ces mots plantèrent une angoisse plus profonde dans la poitrine d’Ashley. Comment s’enfuir, quand le lion sommeillait déjà à ses côtés ? Elle avait foncé d’elle-même dans la gueule de la bête. Et maintenant, il exigeait d’elle une réponse.
Elle se rappela les paroles menaçantes qu’il avait prononcées la veille, comme une promesse impossible à esquiver. Dans tous les cas, il ne lui laissait aucune échappatoire : consentir de son plein gré, ou céder sous pression.
Son esprit tourmenté fut interrompu par la sonnerie brutale du portable de Miley. Ashley ne releva pas la tête. Peu importait ce que contenait cet appel : la partie était déjà lancée. Le fauve l’attendait.
Sur la table basse, la carte noire luisait comme une condamnation. Elle compta mentalement : déjà quatre heures écoulées sur les vingt-quatre qu’il lui avait accordées. Son estomac se noua. Si Tristen décidait d’exposer publiquement leur nuit, le scandale éclaterait comme une bombe. Elle avait l’habitude des rumeurs dans le milieu du mannequinat, mais si son père apprenait que, tout juste séparée de Greg, elle s’était abandonnée à un inconnu rencontré dans un club…
Les larmes lui montèrent aux yeux. Elle revoyait son père l’avertir à propos de Greg, et sa propre arrogance qui l’avait poussée à ignorer ces conseils. Aujourd’hui, elle payait le prix fort.
Ashley inspira profondément, reprit contenance, et observa de nouveau la carte. Cette fois, elle avait pris une décision : elle allait l’appeler. Non pour céder, mais pour lui dire non.
Après tout, elle était ivre cette nuit-là. Rien ne comptait. Pas même la perte de sa virginité. Ce qui avait eu lieu n’était qu’une erreur provoquée par l’alcool. Il n’était pas question qu’elle assume une quelconque responsabilité.
Ses doigts composèrent le numéro. Deux sonneries, puis la voix grave résonna :
— Déjà ?
Il riait presque. L’idée qu’elle l’appelle si tôt semblait le réjouir.
— Fixez un lieu, dit-elle d’un ton tranchant. Je viendrai vous donner ma réponse.
Elle coupa net avant qu’il ne réplique. De l’autre côté du combiné, Tristen éclata d’un rire franc.
— Audacieuse, pensa-t-il. Très bien.
Sans attendre, il ordonna à Karl d’annuler la réunion prévue cet après-midi.
Pendant ce temps, Ashley, recluse dans sa chambre, faisait défiler les articles concernant sa rupture avec Greg. Les premières rumeurs commençaient déjà à circuler, confirmant ce qu’elle avait pressenti. Elle ne s’en troubla pas : qu’ils en parlent, cela lui importait peu.
Miley, carnet à la main, lui énumérait l’agenda du lendemain : séances photo, rendez-vous avec des marques de luxe, obligations mondaines. Ashley écoutait distraitement, les yeux fixés sur les commentaires de ses abonnés.
*« Ashley et Greg, vraiment finis ? »*
*« Ils étaient parfaits ensemble… »*
*« J’espère qu’elle trouvera mieux. »*
*« Pourquoi rompre un couple si magnifique ? »*
Une avalanche de supplications virtuelles, sans qu’aucun de ces inconnus ne sache la vérité.
Soudain, une notification attira son regard. Ses traits se durcirent. Elle se leva brusquement.
— Miley, annule tout pour aujourd’hui. Dis au chauffeur de préparer la voiture. Je dois aller quelque part. Et je ne veux être dérangée sous aucun prétexte.
Miley obtempéra sans discuter. Depuis des années, elle connaissait l’instabilité de sa patronne : Ashley changeait d’humeur comme de robe. Mais cette fois, l’urgence qu’elle percevait derrière ses ordres laissait présager quelque chose de bien plus sérieux.
Peu après, la voiture s’arrêta devant un restaurant luxueux. Ashley, dissimulée derrière un masque, descendit. Les photographes rôdaient, mais elle s’engouffra rapidement à l’intérieur.
Un homme s’approcha aussitôt, courtois et élégant.
— Mademoiselle Brown ? Je suis Karl, l’assistant de M. Knight. Je vous conduis à lui.
Elle acquiesça en silence et le suivit à travers les couloirs jusqu’à une pièce privée. Karl ouvrit la porte en s’inclinant légèrement.
Ashley retira son masque et entra.
Là, assis, l’attendait Tristen. Son aura à la fois dangereuse et étrangement apaisante emplissait la pièce. Elle se souvenait, malgré elle, de la façon dont il l’avait serrée contre lui quand elle avait éclaté en sanglots la nuit précédente.
« Je l’aimais », avait-elle murmuré en parlant de Greg, avant de s’évanouir dans ses bras.