Chapitre 7

3229 Words
Avait-elle beaucoup de charme ? était-elle belle ? y avait-il un portrait d’elle à l’abbaye ? et pourquoi sa prédilection pour ce sentier ? était-elle donc mélancolique ? » furent les questions précipitées de Catherine. Les trois premières reçurent une réponse affirmative. Les deux autres restèrent sans réponse. L’intérêt de Catherine pour la feue Mme Tilney croissait à chaque question, qu’on y répondît ou qu’on n’y répondît pas. Elle avait été malheureuse, Catherine en était sûre. Le général certainement avait été un désagréable mari. Il n’aimait pas la promenade favorite de sa femme. Pouvait-il, dès lors, l’avoir aimée, elle. Du reste, il y avait dans ses traits, malgré leur beauté, quelque chose qui disait qu’il n’avait pas été bon pour elle. – Je suppose que le portrait (et l’art consommé de sa question la faisait rougir) est dans la chambre de votre père… – Non, il était destiné au salon ; mais mon père était mécontent de l’œuvre du peintre, et l’on ne se pressa pas d’accrocher ce tableau. Peu après la mort de ma mère, j’obtins qu’il me fût donné. Il est maintenant dans ma chambre ; je serai heureuse de vous le montrer : il est très ressemblant. Argument nouveau : un mari ne pas attacher d’importance au portrait, très ressemblant, d’une épouse qui n’est plus ! Il avait dû pour elle être atrocement barbare. Catherine n’essaya plus de se dissimuler la nature des sentiments que lui inspirait le général. Ce qui d’abord n’avait été que prévention instinctive était devenu de l’aversion. Oui, de l’aversion ! Tant de cruauté envers une femme si charmante rendait cet homme odieux. Dans les livres, elle avait souvent rencontré des caractères de cette sorte, de ces caractères que M. Allen disait excessifs et invraisemblables, – à tort : elle en avait la preuve maintenant. Telles étaient les conclusions auxquelles Catherine venait d’aboutir, quand, à l’extrémité du sentier, les jeunes filles rejoignirent le général. En dépit de sa vertueuse indignation, elle fut obligée de marcher près de lui, de l’écouter et même de sourire quand il souriait. Inapte désormais à prendre plaisir à nul spectacle, elle marchait d’un pas languissant. Le général s’en aperçut. Plein d’une sollicitude qui semblait un reproche à l’opinion qu’elle avait de lui, il l’engagea à rentrer à la maison avec Éléonore : il les rejoindrait dans un quart d’heure. Comme elles s’éloignaient déjà, il rappela sa fille qui reçut l’ordre formel de ne pas commencer sans lui la visite de l’abbaye. Cette nouvelle marque du souci qu’il avait de différer le plus possible une exploration si désirée d’autre part impressionna profondément Catherine. Une heure s’écoula avant le retour du général. « Cette absence prolongée, ces promenades solitaires n’annonçaient pas un esprit en repos ni une conscience pure. » Il parut. Si mélancoliques qu’eussent été ses méditations, il eut la force de sourire. Mlle Tilney, qui comprenait le désir qu’avait son amie de visiter Northanger, manœuvra en conséquence. Enfin le général fut prêt à les accompagner, manquant sans doute d’un prétexte nouveau pour retarder encore l’expédition. Tout au plus sollicita-t-il, au dernier moment, un délai de cinq minutes. – le temps d’ordonner qu’on préparât des rafraîchissements pour le retour. Ils se mirent en route. D’une allure noble, qui frappa Catherine sans ébranler ses livresques soupçons, il les mena, par le vestibule, le salon et une antichambre désaffectée, dans une pièce dont étaient magnifiques les dimensions et les meubles. C’était le salon des grands jours, celui où l’on recevait les hôtes de marque. Qu’il fût très imposant, très vaste, très beau, était tout ce que Catherine trouvait à dire. La louange en sa particularité, la louange vraiment significative fut tout entière le fait du général. Catherine, la somptuosité ou l’élégance de nulle chambre ne lui importait : elle n’avait cure d’aucun mobilier qui fût d’une époque plus moderne que le XVe siècle. Le général ayant enfin satisfait sa propre curiosité à l’examen méticuleux des moindres choses, qu’il connaissait si bien, on se rendit dans la bibliothèque. Elle était par ses livres d’une opulence égale à celle du salon. Catherine écouta, admira, s’étonna plus sincèrement, et des connaissances accumulées là cueillit le plus qu’elle put, à parcourir les titres d’un demi-rayon de volumes. Le reste des appartements ne répondit pas à son désir. Et quand on lui dit que les six ou sept pièces qu’elle venait de visiter constituaient trois des côtés de la cour, elle eut peine à vaincre le soupçon qu’on lui eût caché l’existence de salles secrètes. Du moins, pour regagner les chambres d’usage quotidien, passa-t-on par une enfilade de petites pièces et par des couloirs qui mettaient en communication les différents points de la demeure. À ses yeux, le voyage alors se décora de quelque lustre. Elle traversait ce qui avait été le cloître. On lui fit constater les vestiges des cellules. Elle-même remarqua plusieurs portes qui lui restèrent closes et dont le rôle ne lui fut pas dit. Elle se trouva successivement dans une salle de billard et dans l’appartement privé du général, sans comprendre leur connexion et sans pouvoir s’orienter. Enfin elle passa par un réduit bien sombre dépendant des possessions de Henry et où gisaient en fouillis livres, armes et manteaux. Comme, avant de pénétrer dans la cuisine, on traversait la salle à manger, le général ne put se priver du plaisir de mesurer de ses propres pas la longueur de la pièce (vue déjà et que l’on devait revoir tous les jours à cinq heures), afin que Catherine constatât l’exactitude du renseignement qu’il lui avait donné. La cuisine – l’ancienne cuisine du couvent – recélait dans ses murs massifs et saurs tout un attirail moderne de fourneaux. Là s’était exaltée l’ardeur novatrice du général : tous les appareils qui facilitent l’œuvre des cuisiniers y avaient trouvé place, et quand l’industrie des inventeurs avait failli, la sienne s’était révélée en triomphe. À eux seuls, les perfectionnements dont il avait doté ces lieux l’eussent mis très haut parmi les bienfaiteurs de l’abbaye. Catherine avait vu maintenant tout ce qui subsistait d’ancien à Northanger, tout ce qui était vénérable. Le quatrième côté de la cour avait, à cause de sa décrépitude, été démoli par le père du général et, sur son emplacement, on avait réédifié. La construction neuve ne se contentait pas d’être neuve : elle se proclamait naïvement telle. Consacrée uniquement aux communs, il n’avait pas paru que le style du reste des bâtiments lui fût indispensable. Qu’on eût détruit la partie la plus précieuse évidemment de l’abbaye et dans un misérable but utilitaire, Catherine en eût crié. Elle eût voulu éviter la honte de visiter si solennellement une scène si déchue. Mais s’il était une chose dont le général tirât vanité, c’était l’aménagement de ses communs. Il ne s’excuserait pas de l’y conduire, sachant qu’elle serait touchée de voir combien était rendu facile le labeur des gens qui la servaient. Catherine fut surprise de la multiplicité des salles et de leur commodité. Tels travaux qui s’exécutaient à Fullerton, dans des officines mal agencées et un étroit lavoir avaient ici pour théâtre des locaux spécialisés et spacieux. Le nombre des domestiques, il en paraissait sans cesse de nouveaux, ne l’étonna pas moins. À chaque instant, une fille en patins s’arrêtait pour faire une révérence, quelque valet de pied en petite tenue s’escampait. Pourtant on était dans une abbaye ! Mais combien différente en son fonctionnement de celles dont lui avaient parlé les livres : abbayes et châteaux plus vastes certainement que Northanger et où les basses besognes étaient faites par deux paires de mains féminines ! Comment si peu de mains parvenaient à faire tout l’ouvrage, cela avait souvent étonné Mme Allen. À voir quel concours de monde on employait ici, Catherine sentit naître le même étonnement. Ils regagnèrent le vestibule : il importait, en effet, de monter par l’escalier d’honneur et d’admirer les sculptures de sa rampe. En haut, ils suivirent la galerie, mais à l’opposite de la chambre de Catherine, et s’engagèrent dans une autre galerie plus large et plus longue. Furent visitées trois vastes chambres à coucher avec leurs cabinets de toilette. Meublées ou aménagées depuis moins de cinq ans, ces pièces se paraient d’un luxe qui devait plaire à tout le monde, à Catherine non pas. Comme la visite touchait à sa fin, le général, après avoir cité négligemment quelques personnages de distinction qui avaient honoré de leur présence lesdits appartements, se tourna souriant vers Catherine et se hasarda à espérer que parmi les premiers hôtes de ces lieux pussent figurer « nos amis de Fullerton ». Elle fut touchée de ce souhait inattendu, et regretta cette impossibilité où elle était d’avoir une bonne opinion d’un homme si bienveillant pour elle et si plein d’amabilité pour sa famille. La galerie se terminait sur une porte à deux battants que Mlle Tilney, forçant un peu le pas, avait déjà ouverte et franchie. Elle était sur le point d’ouvrir une porte à gauche dans le couloir qui s’allongeait devant eux, quand le général la rappela vivement et, avec une certaine colère, crut remarquer Catherine, lui demanda où elle allait. Qu’y avait-il à voir encore ? Miss Morland n’avait-elle pas vu tout ce qui était digne de son attention ? Éléonore ne jugeait-elle pas son amie assez fatiguée ? Mlle Tilney rebroussa chemin. Les lourds vantaux se refermèrent devant Catherine mortifiée. Mais elle avait aperçu, d’un coup d’œil rapide, un passage plus étroit et l’amorce d’un escalier tortueux. Enfin, elle était sur la voie de quelque chose qui méritât son attention ! Combien n’eût-elle pas préféré, et elle revenait tristement sur ses pas, explorer cette région que d’être admise à contempler les somptuosités du reste de la demeure ! Le souci qu’avait manifesté le général d’empêcher cette exploration était un stimulant à sa curiosité. Son imagination avait pu l’égarer une fois ou deux, mais elle ne l’égarait pas, cette fois : il y avait quelque chose à cacher. Ce qu’était cette chose, une courte phrase de Mlle Tilney, tandis que les jeunes filles descendaient l’escalier derrière le général, sembla le préciser : – J’allais vous conduire dans la chambre qui fut la chambre de ma mère, la chambre où elle mourut. Pour laconiques que fussent ces paroles, elles étaient révélatrices. Le soin avec lequel le général fuyait cette chambre s’expliquait, – une chambre dans laquelle, selon toute probabilité, il n’était pas entré depuis la scène terrible qui délivra sa pitoyable femme et le livra en proie aux tourments de sa conscience. Seule avec Éléonore, elle se hasarda à exprimer son désir d’être autorisée à voir et cette chambre et ses alentours. Éléonore promit qu’elle l’accompagnerait, au premier moment favorable. Catherine comprit. Il fallait attendre que le général fût absent. – Elle est restée, je pense, dans l’état où elle était alors ? dit-elle avec sentiment. – Oui, absolument. – Et depuis combien de temps votre mère est-elle morte ? – Neuf ans. – Vous êtes restée auprès d’elle, je suppose, jusqu’à la fin ? – Non, dit Mlle Tilney avec un soupir ; j’étais malheureusement absente. La maladie fut soudaine et courte. Avant mon retour, tout était fini. Le sang de Catherine se figea aux horribles suggestions qui naissaient naturellement de ces mots. Était-ce possible ? Le père de Henry pouvait-il… ? Cependant les preuves abondaient, corroborant les plus noirs soupçons. Et le soir, tandis qu’elle travaillait avec son amie, elle vit le général arpenter lentement le salon, une heure durant, les yeux baissés, les sourcils froncés. C’était bien l’attitude d’un Montoni. Sans doute il n’avait pas encore dépouillé tout sentiment humain, et méditait-il au ressouvenir d’un crime. Malheureux homme ! Sous l’empire de ces spéculations, l’anxieuse Catherine leva si souvent les yeux vers lui, que Mlle Tilney s’en aperçut : – Mon père, dit-elle à mi-voix, souvent se promène ainsi de long en large. – Tant pis ! pensa tristement Catherine, à constater de quel mauvais augure était cette concordance entre un exercice si hors de propos et les inopportunes promenades du matin. Après une soirée dont la monotonie et la longueur lui rendirent particulièrement sensible l’absence de Henry, elle fut heureuse d’être délivrée. Sur un signe du général, Éléonore sonna. Le valet de chambre voulait allumer la lampe de son maître. Mais le général ne se retirait pas encore. – J’ai à lire plusieurs brochures, dit-il à Catherine, avant d’avoir le droit de me coucher. Peut-être mes yeux resteront-ils fixés sur les affaires du pays bien des heures encore après que vous serez endormie. Chacun ne sera-t-il pas dans son rôle ? Mes yeux s’abîmeront pour le bonheur d’autrui : pour son malheur, les vôtres rénoveront dans le sommeil leur vertu. Mais ce compliment magnifique n’empêcha pas Catherine de penser qu’une cause très différente de la cause alléguée décidait le général à surseoir au sommeil. Veiller plusieurs heures après que tout le monde fût couché, et sous le prétexte de vaines brochures à lire, n’était pas très vraisemblable. Il devait y avoir à cela une cause plus profonde : quelque chose à faire qui ne pouvait être fait qu’à la faveur du sommeil unanime. Peut-être Mme Tilney vivait-elle encore, peut-être recevait-elle nuitamment une nourriture grossière des dures mains de son maître. Si choquante que fût cette idée, croire à un trépas délibérément hâté était plus affreux encore. Cette maladie subite, l’absence d’Éléonore et, sans doute, des autres enfants, tout favorisait l’hypothèse d’un emprisonnement. Le motif ? – la jalousie peut-être, ou une gratuite cruauté : cela était à élucider. Tandis qu’elle ressassait en son esprit ces choses et se déshabillait, elle songea soudain qu’il était bien possible qu’elle eût, le matin même, passé près du lieu où cette femme infortunée était retenue prisonnière, passé à quelques pas de la cellule où la captive languissait ses jours. Quelle partie de l’abbaye était plus idoine à ces fins que celle où subsistaient les vestiges monastiques ? Dans le corridor dallé et haut voûté où elle avait éprouvé comme une douleur, il était des portes, elle s’en souvenait, dont le général ne lui avait point donné l’explication. Sur quoi ces portes étaient-elles closes ? La galerie interdite où étaient les appartements de l’infortunée Mme Tilney devait être, si Catherine s’orientait bien, exactement au-dessus de cette rangée de cellules suspectes, et l’escalier qu’elle avait entrevu et qui devait communiquer secrètement avec ces cellules avait pu faciliter l’œuvre barbare du général. Peut-être par cet escalier avait-on descendu la victime savamment insensibilisée. Catherine s’effrayait, par moments, de l’audace de ses conjectures, craignait ou espérait avoir été trop loin. Mais ne s’appuyaient-elles pas sur des indices qui les authentiquaient ? Le côté de la cour où elle supposait qu’avait dû se passer la scène du crime étant en face de celui qu’elle habitait, elle pensa qu’en faisant le guet elle pourrait apercevoir la lueur de la lampe du général à travers les fenêtres intérieures, alors qu’il se dirigerait vers la geôle de sa femme. Par deux fois, avant de se mettre au lit, elle se glissa furtive hors de sa chambre vers une fenêtre de la galerie. Mais autour d’elle tout était obscur. Il était trop tôt encore. Divers bruits qui montaient la convainquirent que les domestiques étaient encore debout. Elle supposa que jusqu’à minuit il était inutile de rester en alerte. Mais à ce moment-là, quand l’horloge aurait sonné douze et que tout serait silencieux, si elle n’était pas déconcertée par l’obscurité de la nuit, elle sortirait à pas de loup et regarderait encore. L’horloge sonna minuit. Catherine dormait depuis une demi-heure. Aucune occasion de visiter les appartements mystérieux ne s’offrit le lendemain. C’était un dimanche. Tout le temps qui s’écoula entre l’office du matin et celui de l’après-midi fut consacré, selon la volonté du général, à prendre de l’exercice au dehors et à manger des viandes froides à la maison. Or, Catherine, dont le courage n’égalait pas la curiosité, ne se souciait d’une exploration à la lumière périssante du soleil de sept heures ou à la clarté, plus forte, mais circonscrite d’une perfide lampe. Et rien, ce jour-là, ne frappa son imagination, sauf, à l’église, un monument érigé à la mémoire de Mme Tilney, en face du banc de la famille. Son regard s’y arrêta longtemps. La lecture de l’emphatique épitaphe, où toutes les vertus étaient attribuées à la morte par cet inconsolable mari qui pourtant avait dû être son bourreau, affecta Catherine aux larmes. Que le général, capable d’avoir élevé ce tombeau, fût en état de l’affronter un instant, n’était peut-être pas bien étrange. Mais qu’il pût s’asseoir, avec un si audacieux calme, à proximité de ce tombeau, conserver cette noble sérénité, regarder sans crainte l’assistance, – non, même qu’il entrât dans l’église… n’était-ce pas stupéfiant ? Mais que d’individus endurcis au crime ne pouvait-on citer : elle en savait par douzaines qui s’étaient complus dans les vices les plus divers, ajoutant sans remords le crime au crime, jusqu’à ce qu’un trépas sanglant ou le cloître interrompît leur destin. Même la réalité du monument ne persuadait pas Catherine de la mort de Mme Tilney. Descendît-elle dans le caveau où les cendres, croyait-on, reposaient, contemplât-elle le cercueil où elles étaient prétendûment closes, cela prouverait-il rien ? Elle avait assez lu pour savoir qu’une figure de cire est docile à jouer un rôle et qu’une inhumation est souvent illusoire. Le jour suivant serait plus fertile. La promenade matinale de M. Tilney, si inopportune en soi, allait donner plus de liberté aux jeunes filles. Catherine, dès qu’elle le sut parti, rappela à Mlle Tilney leur projet de l’avant-veille. Éléonore était prête. La première visite fut pour le portrait de Mme Tilney, dans la chambre d’Éléonore. C’était, – réalisant les prévisions de Catherine, – l’effigie d’une jolie femme au visage doux et pensif. Mais elle aurait cru que ce portrait restituât les traits, le teint, l’air même, sinon de Henry, d’Éléonore. Une ressemblance absolue entre la mère et l’enfant n’était-elle pas de rigueur dans les histoires tragiques ? Un masque une fois moulé était moulé pour des générations. Et voilà qu’ici elle était obligée d’étudier laborieusement l’image pour discerner une analogie indécise ! Malgré ce mécompte, elle ressentait une émotion profonde, et c’est à regret qu’elle eût quitté la place, si son âme n’eût été dominée par un intérêt plus puissant. Quittant la chambre, les jeunes filles s’engagèrent dans la grande galerie. Catherine, trop agitée pour parler, regardait sa compagne. Éléonore était mélancolique et pourtant calme : évidemment aguerrie aux tristes choses vers lesquelles elles allaient. Derechef, la porte à double battant fut franchie, et Éléonore s’apprêtait à ouvrir la chambre mortuaire, tandis que Catherine se retournait pour fermer, par précaution, la première porte, quand, à l’autre extrémité du couloir, surgit le général luimême. – Éléonore ! L’édifice résonna de cet appel. Instinctivement, Catherine terrorisée essaya de se dissimuler. Quand son amie, qui, d’un regard s’était excusée, eût rejoint le général et eût disparu avec lui, Catherine courut se réfugier dans sa chambre, où elle s’enferma à clef. Elle y resta au moins une heure, en grand émoi, s’apitoyant sur sa pauvre amie. Elle s’attendait elle-même à ce que d’un moment à l’autre le général lui fît sommation de se rendre dans ses appartements particuliers. Aucune sommation ne lui fut adressée. Enfin, voyant un équipage se diriger vers l’abbaye, elle s’enhardit à descendre, afin de ne se retrouver en face de M. Tilney que sous la protection des visiteurs.
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