TWO

2675 Words
Laulanne arriva enfin chez sa meilleure amie, Pamela, pour récupérer son petit frère, Yohan, qui s'était endormi après l'avoir attendu plus d'une heure. — C'est maintenant que tu te pointes ? lança Pamela, les bras croisés, visiblement agacée. — Le petit n'a fait que t'attendre, Laulanne. Tu es irresponsable ! Laulanne roula des yeux, exaspérée par le ton moralisateur de son amie. — J'avais beaucoup de travail, Pam. Et ma vie ne se résume pas à lui, tu sais. — Tu aurais dû prévenir quelqu'un de venir le chercher ! répliqua Pamela. — Ta servante, par exemple, ou moi. J'aurais pu le déposer si tu m'avais dit que tu rentrerais si tard. — Ok, ça va. J'ai compris, coupa Laulanne, l'air agacé. — Tu commences à me soûler, Pamela. Je suis là maintenant, je vais le ramener. Il n'y a pas le feu. Pamela souffla, excédée par l'irresponsabilité de sa meilleure amie, mais ne dit rien de plus. Elle alla chercher Yohan, profondément endormi, et le remit à Laulanne, qui l'allongea doucement sur la banquette arrière de la voiture. — Bon, à demain, 10h au café, dit Laulanne en refermant la portière. — Oui, mais sois à l'heure, s'il te plaît, répondit Pamela. — Comme si j'étais toujours en retard ! — Bien sûr que tu l'es ! lança Pamela en riant. — Allez, rentre bien. On se voit demain. Après un bref au revoir, Laulanne monta dans la voiture. Le chauffeur démarra et les conduisit jusqu'à la maison. Une fois arrivée, elle porta Yohan jusqu'à sa chambre. Heureusement, Pamela lui avait déjà fait prendre sa douche, alors il ne lui restait plus qu'à l'habiller pour la nuit. Elle enfila rapidement un pyjama au petit garçon, qui ne se réveilla pas durant l'opération. Alors qu'elle allait quitter la pièce, une petite voix l'interpella. — Laulanne ? Elle se retourna, le regard un peu las. — Tu ne dormais pas, toi ? — Plus maintenant, répondit Yohan en se frottant les yeux. — Je veux dormir avec papa. Laulanne soupira, passant une main dans ses cheveux. — Yohan, je suis épuisée. Ce n'est pas le moment pour tes caprices... Bien que souvent dure avec lui, Yohan adorait sa grande sœur et cherchait toujours son attention. — S'il te plaît... murmura-t-il avec des yeux suppliants. — Papa est fatigué lui aussi, dit-elle en croisant les bras. — Il doit déjà être en train de dormir. Tu veux le réveiller ? Yohan secoua la tête, déçu. — C'est bien ce que je pensais. Tu es un gentil garçon... Mais Yohan n'avait pas dit son dernier mot. — Puisque je ne peux pas dormir avec papa, je peux dormir avec toi ? S'il te plaît ? — Oh, que non. Pas question, répondit-elle fermement. — Pourquoi ? S'il te plaît... Laulanne ferma les yeux un instant, cherchant de la patience. — Tu sais quoi ? Viens, on va aller chez papa. Yohan cligna des yeux, surpris. — Mais tu as dit qu'il dormait ! — J'avais oublié qu'il s'était réveillé, répondit-elle rapidement, se rattrapant. — Au fait, dis-moi, petit extraterrestre, Pamela t'a donné tes médicaments ? — Je ne suis pas un extraterrestre ! C'est toi ! Et oui, elle me les a donnés, c'est pour ça que je suis fort maintenant. Laulanne ne put s'empêcher de sourire en coin devant son attitude. Elle avait beau ne pas vouloir l'admettre, elle tenait beaucoup à ce petit garçon. Ils discutèrent encore quelques minutes, jusqu'à ce que Yohan s'endorme finalement, épuisé. Fidèle à sa promesse, elle le porta dans la chambre de son père. David, qui était encore éveillé, la regarda avec curiosité. — Tu ne dors pas encore ? — Non, à cause de ton fils adoré, qui voulait absolument dormir avec toi, répondit-elle, un peu sèchement. — C'est ton frère, Vanille. Arrête de dire "ton fils", même si c'est vrai. — Adoptif, je te signale. David poussa un soupir, visiblement fatigué de ce débat. — Tu es vraiment têtue. Je t'ai pourtant dit de faire des efforts avec lui. Et si j'ai pris la décision de l'adopter, c'était pour toi. Pour que tu ne te sentes pas seule avec mes voyages incessants. Laulanne haussa les épaules, croisant les bras avec un air de défi. — Oui, je suis têtue, comme toi. J'ai dit que je ferais des efforts, pas que je l'accepterais. Je ne t'ai jamais demandé d'adopter qui que ce soit. Tu ne m'as même pas demandé mon avis. Tu me l'as imposé ! Sur ce, bonne nuit, père. Elle quitta la pièce en claquant la porte, le cœur lourd. Depuis l'adoption de Yohan, Laulanne ressentait un mélange de colère et de jalousie. Elle, qui avait toujours été enfant unique, voyait en ce petit garçon un symbole de son isolement et de la distance croissante entre elle et son père. La perte de sa mère, Danya Tallulah, dans un accident de voiture, avait déjà laissé un vide immense dans sa vie. Maintenant, elle se sentait plus délaissée que jamais, et cette situation ne faisait qu'exacerber sa douleur. Cinq ans plus tôt Dans le salon, Laulanne discutait avec sa mère, Danya, qui se trouvait dans la cuisine. Entendant sa voix, Danya l'interpela par son deuxième prénom. — Maman ! — Oui, chérie ? Qu'est-ce que tu veux, Vanille ? répondit Danya, sans détourner son attention de ce qu'elle préparait. — Papa rentre ce soir ? — Oui, pourquoi ? — Eh bien, je me disais qu'on pourrait lui faire une surprise en l'attendant à l'aéroport. Qu'en penses-tu ? Danya, un sourire aux lèvres, s'arrêta un instant dans sa tâche. Elle se tourna vers sa fille, un regard amusé. — Tu sais bien que ton père n'aime pas trop les surprises, et encore moins qu'on l'attende à l'aéroport. Il préfère gérer tout ça seul. — Je sais, mais... aujourd'hui, c'est la veille de son anniversaire. On pourrait faire une exception, non ? Et puis, ce n'est pas comme si tu ne l'avais jamais fait en cachette et qu'il avait apprécié... Lui qui dit détester les surprises. La mère se rendit alors dans le salon, où Laulanne éclata de rire. — Comment tu sais ça, toi ? — Je t'espionne, répondit Laulanne en rigolant. Danya fit semblant de la frapper avec le torchon qu'elle tenait, ce qui fit encore plus rire sa fille. — Bon, c'est d'accord. On ira le chercher. Commence par te préparer pendant que je finis de cuisiner, faut pas que tu me retardes ensuite. — T'es la meilleure, tu sais ? — Je sais, je sais. C'est pour ça que ton père m'aime. Elle déposa un bisou sur la joue de sa fille avant de monter les escaliers, laissant Laulanne s'atteler à sa préparation. Quelques minutes plus tard, Danya appela Laulanne pour lui dire que le repas était prêt. — Tu es toute belle, chérie. — Merci, maman, et je tiens ça de toi. — Oh, tu me flattes, ma chérie. Le dîner se déroula dans la bonne humeur, et après avoir mangé, Danya se rendit à son tour se préparer. Elle se dépêcha, puis elles prirent place dans la voiture, prêtes à accueillir le père de famille. Le trajet se faisait dans la joie et la bonne humeur, les rires se mêlant aux taquineries, jusqu'à ce que Danya aperçoive un accident sur la route. Une route habituellement déserte, où il était rare de voir d'autres véhicules. Un accident ici était étrange. Laulanne tourna la tête vers sa mère. — Maman, tu aurais dû laisser le chauffeur nous y emmener. Papa n'aime pas te voir conduire. Danya lui répondit en souriant. — Tu insinuerais que je suis une mauvaise conductrice ? Moi, ta maman ? Laulanne secoua la tête, amusée mais sérieuse. — Non, mais... tu as de petites dérives, on va dire. Danya feignit une offense, ce qui fit rire Laulanne. Mais leur humeur se refroidit lorsque Danya aperçut l'accident. Un doute grandit en elle. Cette situation n'était pas normale. Elle tourna soudainement le volant. — On se retourne, Laulanne. Ce n'est pas normal, ça. Laulanne, confuse, lui lança un regard inquiet. — Maman, qu'est-ce que tu fais ? Danya, les yeux fixés sur la route, répondit d'une voix plus grave. — C'est un piège. Tu es bien trop naïve pour comprendre. La voiture ralentit, et Laulanne allait répliquer lorsque la voiture s'arrêta brusquement. Danya, comme figée, regardait devant elle, son regard dur. Maman ! Qu'est-ce que vous avez fait ? s'écria Laulanne. Avant qu'elle ait pu dire quoi que ce soit, un bruit v*****t fit écho dans l'air : la vitre éclata sous un coup sec. Un homme entra en un instant, brisant la vitre et frappant Danya à la tête avec une arme. Le choc était v*****t, et Danya s'effondra, perdant connaissance. Laulanne, paniquée, se débattit pour se libérer. Un autre homme, le complice, la saisit par les cheveux et la traîna hors de la voiture. Elle atterrit brutalement sur le sol glacé. Elle tenta de se défendre, se rappelant les cours de survie qu'elle avait suivis. Mais la peur grandissait en elle. Un autre homme attrapa Laulanne, l'empêchant de se débattre davantage. Les cris de Laulanne réveillèrent Danya, qui, avec difficulté, reprit conscience. Elle attrapa son téléphone, appelant Georges. — Il faut que... nous sommes en danger. — Madame, calmez-vous, où êtes-vous ? Je viens tout de suite. Elle donna rapidement sa localisation, mais la communication se coupa brusquement. Danya avait à peine eu le temps de réagir avant que l'homme ne la tire violemment du véhicule. Dans un instinct de survie, Laulanne frappa son agresseur là où cela faisait le plus mal, entre ses jambes. L'homme tomba en arrière sous l'impact, grognant de douleur. Mais alors qu'elle pensait avoir gagné un instant de répit, l'autre homme se rapprocha de Laulanne, un sourire pervers sur les lèvres, ses mains se posant sur elle de manière menaçante. — Ne touche pas ma fille ! s'écria Danya, en se jetant sur l'agresseur et en le repoussant de toutes ses forces. Elle aida Laulanne à se relever, le visage marqué par la terreur. Elles commencèrent à courir, aussi vite que possible. Laulanne, bien que sportive, peinait à garder le rythme. L'asthme, qu'elle avait toujours eu du mal à contrôler, l'entravait à chaque foulée. Le souffle court, elle s'efforçait de ne pas céder à la panique, mais son corps lui faisait défaut. — Maman, va t'en... trouve de l'aide... soufflant s'étrangla-t-elle, à bout de souffle. Danya, les yeux pleins de détermination, refusa de la laisser derrière. Elle la prit dans ses bras, bras dessus bras dessous, pour continuer à avancer. Mais la douleur de Laulanne était trop grande. Elles étaient trop lentes, et les hommes les rattrapèrent rapidement. Le premier frappa Danya avec une barre en bois, la faisant tomber avec sa fille qu'elle tenait encore. L'un des agresseurs se pencha au-dessus de Danya, un sourire cruel sur les lèvres. — Vous pensiez vraiment pouvoir vous en sortir ? Danya, tordue de douleur, se serra le ventre en pleurant. L'homme s'approcha ensuite de Laulanne, et commença à lui déchirer ses vêtements. De l'autre côté, Georges, après avoir reçu l'appel, s'était précipité sur la route menant à l'aéroport. Il roulait à toute vitesse, brûlant les feux rouges, son cœur battant la chamade. Lorsqu'il arriva, il ne vit personne. Son regard se porta sur le sol, où une tache rouge attirait son attention. Le sang de Laulanne. Lorsqu'elle avait été jetée au sol, elle s'était blessée au coude droit. Georges chercha frénétiquement d'autres traces, mais il n'y en avait plus. Il hurla leur nom, espérant entendre une réponse. Un faible cri perça l'air, une voix tremblante, remplie de terreur. La voix de Laulanne. Il se précipita dans la direction du cri. Elle était là, allongée sur le sol, son corps inerte, ses vêtements déchirés. Le sang imprégnait sa jupe, et ses cheveux étaient éparpillés dans la boue. Ses yeux étaient fixés sur le corps sans vie de sa mère, poignardée par l'un des agresseurs. Georges s'accroupit près d'elle, son cœur serré par la douleur. — Laulanne... regarde-moi... est-ce que tu m'entends ? demanda-t-il, sa voix douce mais tremblante. Laulanne ne répondit pas. Ses yeux restaient rivés sur sa mère, le visage déformé par la douleur, les larmes coulant silencieusement. Georges tenta de la toucher, mais son corps se mit à trembler violemment. Elle hurla, un cri déchirant, un cri de désespoir. — C'est moi, Laulanne. C'est Georges, ton garde du corps. S'il te plaît, calme-toi. Elle continuait de crier, appelant sa mère dans une terreur absolue. — Maman ! Maman... Georges ferma les yeux, ne sachant que dire. — Je suis désolé... murmura-t-il, son cœur brisé. À ce moment, une voiture s'arrêta brusquement près de lui. Le bruit de la portière qui s'ouvrait fit écho dans le silence lourd de l'air. Georges tourna la tête. Il aperçut son patron, David, qui s'avançait, hésitant, son visage marqué par une peur qu'il n'avait jamais montrée auparavant. — Non... non... Danya... ma chérie... murmurait David en découvrant le corps de sa femme. Il la secouait, dans l'espoir vain de la réveiller, de la ramener à la vie, mais il savait, au fond de lui, que c'était impossible. — Pourquoi ? Pourquoi toi... mon amour ? cria-t-il, la voix brisée, la rage montant en lui. Ils paieront pour ce qu'ils t'ont fait. Il resta là, longtemps, ne pouvant se résoudre à la laisser, à accepter la réalité. Mais son regard se tourna soudainement vers Georges, qui tenait Laulanne dans ses bras, la jeune fille tremblante, l'esprit complètement absent. David se précipita vers eux. — Vanille... qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? Georges baissa la tête, le cœur lourd. — Monsieur... je... David l'interrompit. — Dites-moi, Georges. J'ai besoin de l'entendre. Laulanne ne faisait que pleurer, sans pouvoir répondre. Les larmes coulaient à flots. — Je suis désolé, Monsieur. Ils... ils ont abusé de votre fille... David, frappé de plein fouet par la révélation, resta figé, les yeux écarquillés. Un cri de douleur s'échappa de lui alors qu'il trébuchait, se prenant la tête dans les mains. Il frappait son crâne, hurlant que ce n'était pas possible, que cela ne pouvait être vrai. Georges se tourna vers David, son visage marqué par l'inquiétude. —Monsieur, calmez-vous. Vous empirez non seulement votre état, mais aussi celui de votre fille. David, en proie à une rage incontrôlable, serra les poings. —Ils lui ont pris sa dignité ! Georges, d'un ton calme mais ferme, tenta de raisonner David. —Je sais, monsieur, mais vous énerver n'arrangera rien. Gardez votre calme. Peu à peu, les paroles de Georges réussirent à apaiser David. Il prit sa fille dans ses bras, cherchant à la réconforter. —C'est fini, ma puce. Je suis là. Ton père est là. La police arriva vingt minutes plus tard. Laulanne fut prise en charge, son père restant à ses côtés, car elle refusait tout contact. Dans le présent : C'est ainsi que Laulanne perdit sa mère, sa dignité, et peut-être son frère ou sa sœur, si le bébé avait survécu, puisque sa mère était enceinte à ce moment-là. Malheureusement, d'après les médecins, la grossesse n'aurait pas pu aller à terme. Ce qu'elle ignorait, c'était que Yohan n'était pas vraiment son frère adoptif, mais son frère légitime. Danya était tombée enceinte, un rêve que Laulanne nourrissait depuis longtemps. Danya et David désiraient un second enfant et avaient choisi de recourir à une mère porteuse, ce qui expliquait la naissance de Yohan après la mort de Danya. David, voulant éviter de brusquer sa fille après la perte de sa mère et de son bébé, lui avait expliqué que Yohan était son frère adoptif. Mais Laulanne ne l'avait pas bien accepté. Elle avait eu l'impression que son père cherchait à remplacer le bébé qu'il avait perdu. Le soir, après une journée éreintante, Laulanne décida d'appeler sa meilleure amie, mais personne ne décrocha. Elle posa finalement son téléphone et se laissa envahir par la fatigue. Une longue journée l'attendait le lendemain. Elle s'endormit lentement, son esprit rempli de pensées confuses.
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