Chapitre 7

1840 Words
Cet après-midi, les copains de Tom reviennent, je vais en profiter pour retourner au cimetière. J'ai décidé de mettre une robe avec un gilet. Je garde quand même le noir pour couleur de la tête aux pieds. Et je m'attache les cheveux. Je descends dans le salon pour prévenir Tom, mais les quatre garçons sont déjà là. Je stoppe net. - Oh. Désolée, je ne savais pas que vous étiez déjà là. Je ne les ai pas entendus arriver. Du coup, je pars comme une sauvage, sans dire à Tom où je vais. Je passe chez le fleuriste et j'achète quelques fleurs colorées pour Benoît et des marguerites pour Mme Zerne. Je reste un long moment a espéré un signe de Benoît, mais rien. Je jette les roses fanées et dépose les nouvelles fleurs. J'ai l'impression que les parents de Benoît ne viennent plus. D'ailleurs, je ne les ai pas croisés depuis plusieurs mois et la maison est fermée. Je me demande s'ils ne sont pas partis, et Benoît avec… Je me lève et me dirige vers la stèle de Mme Zerne, il y a quelqu'un devant. C'est la fameuse chevelure couleur caramel. Elle appartient à un jeune homme grand, très grand, une carrure impressionnante, très bien habillé et doté d'un joli fessier… J'hésite un instant, puis m'avance doucement. Je ramasse les marguerites fanées de la semaine dernière et dépose le bouquet tout frais. - Vous connaissiez ma mère ? Me demande le jeune homme, la voix un peu brisée par le chagrin. - Non, réponds-je en me redressant sans le regarder, mais je connais M. Zerne. - C'est mon père, comment l'avez-vous connu ? - C'est mon prof d'instrument au lycée. - Tu es au lycée St-Vincent ? S'exclame-t-il en se tournant vers moi. Je n'ai plus le choix, ce serait impoli de ma part de ne pas lever les yeux. - Oui, en terminale L-Art, option musique, dis-je en levant les yeux vers lui. Il est incroyablement beau, des yeux verts, le visage parfaitement dessiné, une barbe de trois jours très bien entretenue, sur les angles de la mâchoire. - Tu es la fille… - Il faut que j'y aille, le coupé-je en partant. - Attends ! Il se poste devant moi. - Merci pour les fleurs, c'étaient ses préférées. Mon père lui en offrait chaque année pour son anniversaire, mais cette année… Il n'a pas réussi à m'accompagner. - Je le comprends. Moi-même, je commence à perdre les pédales. Je sentais revenir les larmes, alors je l'ai contourné et me suis enfuie en courant. Je suis rentrée à la maison en traînant et laissant mon esprit vagabonder. Les garçons sont hilares dans le salon, j'entre, et là, gros blanc. Ça me vexe de faire cet effet-là. - Je vois que je dérange, dis-je froidement. Je vais dans la cuisine prendre de quoi manger et boire, et je vais m'enfermer dans ma chambre. Ça me tue, même Tom ne s'est pas excusé. Qu'est-ce que j'ai bien pu leur faire ? Les garçons sont restés tout le weekend et sont partis dimanche soir, du coup, je suis restée cloîtrée toute seule dans ma chambre. Personne n'est venu voir si j'étais là, ou si j'allais bien. Pas même ma mère. Après la semaine qu'elle m'a fait vivre, je ne pensais pas qu'elle s'arrêterait si brusquement de faire attention à moi. Lundi matin. Je me lève, me prépare et déjeune. Tom descend tandis que je suis en train de débarrasser mon couvert. Il lance : - À ce soir ! Je me retourne, mais la porte est déjà fermée. Il est parti sans moi. Il n'a jamais fait ça avant. Je remonte me brosser les dents puis part en traînant les pieds jusqu'à l'arrêt de bus. Les cours se déroulent dans la même monotonie que la semaine dernière. J'aperçois de temps à autre Zerne junior (je ne sais pas comment il s'appelle). Je ne croise ni Tom, ni ses copains. Personne ne m'adresse la parole et tout le monde me fuit. Je rentre à 18h20 et je monte directement dans ma chambre. Vers 20h, ma mère nous appelle pour le repas. - Salut Katy, t'as passé une bonne journée ? Me demande Tom. - Ça ne pouvait pas être pire. On s'installe à table, maman nous sert et pour une fois, papa ne lit pas son journal. Ça n'a rien de bon, parce qu'en général ça veut dire : discussion au sommet. - Votre mère et moi, on a bien réfléchi et nous avons décidé de déménager. - Quoi ? Dis-je seulement pour lui donner une chance de rectifier ses paroles. - J'ai trouvé un salon d'esthétique, tout neuf, à vendre, près de la résidence que votre père et moi avons repéré, enchaîne ma mère d'un air enjoué qui ne me plaît pas du tout. - Une résidence ? Vous voulez dire qu'on va aller vivre dans un appartement ? Tom ne dit rien et ça m'énerve davantage. - C'est une très grande résidence privée avec seulement quatre appartements, ils sont très grands, en duplex, avec une grande piscine pour les résidents, jardins et terrains de sport. Nous aurons même une terrasse et la résidence est sécurisée. - Tu vois ma chérie, ce sera l'équivalent de notre maison, mais en plus sûr, termine ma mère. - À l'exception qu'ici, il y a tous nos souvenirs ! Et nous n'avons pas besoin de plus de sécurité ! Dégoûtée, je me tourne vers Tom. - Pourquoi tu ne dis rien, toi ? Tu le savais ? Le regard triste, il ne dit rien. Voilà sûrement la raison pour laquelle il m'évite depuis plusieurs jours. Je repousse mon assiette à laquelle je n'ai pas pu toucher, me lève brusquement, renversant ma chaise dans la foulée. Je ne la ramasse pas, je vais directement m'enfermer dans ma chambre. Personne n'a protesté. Je ferme la porte à clé, éteins mon téléphone (de toute façon, il n'y a plus personne qui m'écrit depuis cet été) et je me glisse sous les draps. Je ne pleure pas, je suis trop en colère pour ça. Je préfère fermer les yeux et repenser à mes instants de bonheur avec Benoît dans cette chambre, qui au fil du temps était devenu la nôtre. Mardi matin. Je me lève avec un plan en tête. J'enfile une petite robe blanche, celle que Benoît aimait temps me voir porter. Par-dessus, je mets un jean et son sweat, puis je termine de me préparer comme d'habitude. Je mets mon démaquillant dans mon sac de cours avec mes petites ballerines blanches. Je descends déjeuner, puis Tom m'emmène au lycée. Avant qu'il n'aille en cours, je le serre dans mes bras, il m'embrasse sur le front et je le laisse partir. J'avais complètement oublié, mais ce matin, je ne commence les cours qu'à 10h. Je me pose sur un banc. Le soleil brille, le vent est tiède, je reste à l'affût du moindre signe, mais rien. Peu après 9h, j'aperçois la chevelure caramel au pied du grand arbre. Elle brille au soleil, je ne vois rien d'autre que ses cheveux, le soleil m'éblouit et je suis trop loin. Je fais le tour de la cour d'un simple regard, il n'y a presque personne. C'est peut-être le bon moment. Je me lève, prends mon sac à bout de bras et j'aperçois Zerne junior qui s'est levé et qui vient dans ma direction. Alors, je jette mon sac sur l'épaule et me précipite à l'intérieur du lycée. Je vais dans l'aile sud et monte les escaliers aussi vite que possible. Mais en regardant derrière moi, je constate qu'il me suit. Je me dépêche d'atteindre le dernier étage et m'engouffre derrière la porte qui mène sur le toit. Coup de chance, il y a une planche qui me permet de bloquer la poignée. J'attends une minute, mais personne n'essaye d'ouvrir. Soit, je suis parano et il allait seulement en cours, soit, il a abandonné. Je grimpe à l'échelle et me retrouve sur le toit plat. La vue est superbe d'ici. Je pose mon sac un peu plus loin et j'enlève mon jean et mes rangers ainsi que le sweat de Benoît. J'enfile mes ballerines et fait reposer ma chaîne sur ma robe, après avoir ôté la bague que je passe à mon doigt. Ensuite, je me démaquille. C'est à ce moment-là que j'entends du bruit au niveau de la porte, puis l'échelle qui s'ébranle. Je me dépêche de finir de me démaquiller et c'est quand j'enlève ma perruque que je vois Tom débouler sur le toit. - Katnyss ! Qu'est-ce que tu fais ? Je l'arrête d'un geste, lui intimant de ne pas bouger. Je recule doucement jusqu'au bord du toit. J'aperçois la tête de Zerne junior qui a stoppé net dans sa lancée en me voyant. - Qu'est-ce qui t'arrive, Katy ? Me demande Tom apeuré. - Je vais le retrouver, Tom. C'est le seul moyen, dis-je calmement. J'enlève le filet et relâche mes cheveux. - Mais… Tu ne peux pas faire ça ! S'exclame Tom. - Pourquoi ? - Pense un peu à ceux qui t'aiment ! - Qui ? Les parents m’ont trahi, mes amis m'ont abandonnés, toi, tu me délaisses, je suis montrée du doigt par tout le lycée depuis ma crise d'angoisse, et Benoît n'est plus là ! Je ne l'entends plus, je ne le sens plus, mes souvenirs vont disparaître avec la vente de la maison ! Je n'ai plus rien ! Il fait un pas vers moi. - Ne t'approche pas ! Hurlé-je. Je monte sur le rebord du toit. - Qu'est-ce que je vais devenir si tu t'en vas ? Il tombe à genoux en larmes. - Tu seras heureux, tu as tes amis, tu pourras avoir une petite amie sans craindre de me faire du mal, tu n'auras plus les reproches de Lucien parce que je suis toujours dans tes pattes… - Il t'aime ! Me coupe-t-il. Lucien est amoureux de toi depuis qu'il te connaît ! C'est pour ça qu'il est comme ça avec toi, il était trop orgueilleux pour te l'avouer, et puis il y a eu Benoît et ça l'a rongé de l’intérieur ! Je t'en prie, ne nous laisse pas ! - Benoît était tout pour moi, comment veux-tu que je refasse ma vie ? Il m'avait fait une promesse et il ne l'a pas tenue ! C'est le seul moyen d'éteindre cette douleur atroce qui me détruit toujours un peu plus chaque jour. Je t'aime, Tom. Mais je n'en peux plus ! Je fais un pas en arrière et je me sens happer par le vide. Comme si j'étais déjà partie, je vois le visage de Tom défiguré par l'horreur, hurlant, mais je ne l'entends déjà plus. Ça ne dure qu'une fraction de seconde, puis je ne vois plus que le ciel. Jusqu'à ce que je percute deux barres de fer ou de béton, l'une au niveau des jambes et l'autre dans mon dos. Je vois les cheveux caramel et je m'enfonce dans un trou noir.
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