Une renaissance difficile

2878 Words
Nul n’est censé ignorer la loi, mais d’après l’expérience que vous avez des tribunaux et des audiences, les avocats la respectent ou la bafouent ? Dans un monde tantôt en pleine uniformisation, tantôt en pleine différenciation, le respect de la loi ne semble pas la chose du monde la mieux partagée là où même les criminels peuvent avoir gain de cause au détriment d’innocents. La justice et la loi n’apparaissent pas comme des concepts de la même cour. Réginald Princeton, un brillant avocat, vivait dans une petite ville avec sa fiancée qu’il avait prévu d’épouser quelques mois plus tard. Mais un soir, alors qu’il rentrait d’une journée de travail assez mouvementée, il se retrouva devant une scène qui allait changer sa vie à tout jamais. La porte de la maison était ouverte, la serrure forcée, tout était sens dessus-dessous. Il appelle sa fiancée, mais aucune réponse. Il continue d’appeler tout en regardant dans chaque pièce mais en vain. Au moment où il se rend dans les toilettes, il trouve le corps sans vie de sa femme baignant dans du sang. Elle a été étranglée, puis égorgée. Horrifié par ce spectacle macabre, Réginald sort des toilettes, vomit ce qu’il a pu avaler, verse quelques larmes. Quelques minutes plus tard, il appelle la police et leur raconte péniblement ce qu’il a vu à son retour. Il ne parvient même pas à raccrocher le téléphone, il fond aussitôt en larmes. En quelques minutes, la police investit les lieux et le trouve couché devant les toilettes. Deux ans plus tard, il a déménagé mais c’est toujours le même scénario qui meuble ses rêves lorsqu’il ferme les yeux pour laisser libre cours à son sommeil. Ce scénario horrible qui le tourmente jour après jour. Ce scénario qui l’empêche d’aller de l’avant parce que tant de choses le retiennent en arrière. Il finit par trouver du travail dans un cabinet médiocre qui accepte de lui donner 5000 dollars par mois. Toutes les propositions d’assistanat émises par son patron à son endroit sont purement et simplement rejetées. Réginald a perdu toute envie de compagnie quelle qu’elle soit, il n’a pas d’amis, il ne veut pas de coéquipier, il ne veut pas d’assistant. Il ne veut rien, rien du tout. Il ne souhaite qu’une chose, travailler, car c’est la seule chose qui lui fait oublier ce qu’il a vécu et qu’il continue de vivre, oublier cette souffrance constante qu’il continue d’entretenir en vivant et en revivant sans cesse le film du meurtre de sa future épouse en se demandant pourquoi ? Comment ? C’est sur cette note que commence l’histoire qui sera narrée. Le cabinet ACE dirigé par Hermann Ace, avocat inscrit au barreau de New-York, est parmi les cabinets d’avocat les moins quottés de la ville. Peu de gens daignent s’y présenter pour parler de leurs différents problèmes ou de leurs contentieux qu’ils soient familiaux, administratifs, fonciers, etc. C’est dans cet établissement médiocre que Réginald Princeton est venu demander du travail à la grande surprise d’Hermann. Hermann : « je suis curieux, pourquoi venez-vous travailler ici ? » Réginald : « parce que je le veux bien, je souhaite travailler ici » Hermann : « non, quelqu’un de sensé ne peut pas penser à venir ici. Vous devriez aller normalement à KINGS ou MARVEL SUITS. Ici, vous serez mon deuxième employé. Nous sommes parmi les cabinets les moins quottés de la ville. Les gros bonnets ne songeraient pas à nous prendre pour qu’on défende leurs intérêts. Alors, je vous le demande, renoncez et allez voir ailleurs si vous voulez avoir une bonne carrière » Réginald : « je préfère travailler là où j’ai des chances de progresser en même temps que la boîte plutôt que de bénéficier d’une gloire à laquelle je n’aurai pas participé » Hermann est surpris par la réponse de Réginald. Hermann (se lève de sa chaise) : « dans ce cas, signez ce contrat. Et qu’on n’en parle plus, vous aurez 5000 dollars par mois. Pour le moyen, c’est ce que nos moyens nous permettent de vous donner » Réginald signe le contrat de travail. Puis il se lève également. Hermann : « venez donc avec moi, je vais vous montrer votre collègue de travail » Hermann fait le tour du propriétaire avec Réginald. Les deux hommes arrivent dans le bureau de Walter Anderson. Un avocat sorti de l’école de Yale il y a exactement un mois. Réginald et Walter échangent une poignée de main. Hermann : « je vous présente votre nouveau collègue, Réginald Princeton. Vous serez peut-être amené à travailler ensemble un de ces jours » Walter : « enchanté de travailler avec vous à ACE » Réginald : « le plaisir est partagé. A nous trois, On fera sûrement des étincelles dans ce monde plein d’injustices » Hermann : « bien, messieurs. Nous ne sommes que trois ici. Alors, je vous trouve le peu de clients que je pourrai et vous vous débrouillez pour nous gagner les affaires qu’ils nous rapportent. C’est ça qui nous vaudra d’avoir un peu de notoriété » Réginald : « bien entendu, monsieur » Hermann (à Réginald) : « venez avec moi maintenant. Je vous montre votre bureau » Les deux hommes traversent le couloir et vont dans une pièce au fond. L’endroit est assez modeste : une table avec tiroir, un classeur, un fauteuil. Hermann : « c’est assez modeste pour quelqu’un de votre curriculum, mais on fait avec les moyens de la maison » Réginald : « ce n’est pas grave. Je viendrai avec mon ordinateur et mon imprimante- photocopieuse. Je ferai avec ça » Hermann : « dans ce cas, je vous laisse vous imprégner. Je vais voir si j’ai un ou deux dossiers pour que vous puissiez vous mettre au travail. La boîte n’a qu’un seul client, c’est une industrie de fabrication de boîtes d’allumettes. C’est grâce à elle que je peux me permettre d’avoir deux employés. On se débrouille avec ça pour l’instant » Réginald : « bien compris monsieur » Hermann retourne à son bureau pendant que Réginald s’installe dans son nouveau bureau. Il pose son sac sur la table, puis il s’assied sur le fauteuil. Il fait glisser son doigt sur la table, elle est toute poussiéreuse. Il se lève immédiatement, se dirige vers l’extérieur. Il sort de l’immeuble en passant par les escaliers, puis va dans une boutique non loin de là. Il y achète un balai à manche, une serpillère et quelques sachets de détergents. Puis, il revient dans son bureau et le nettoie du sol jusqu’au plafond. Il a presque terminé lorsqu’Hermann entre dans son bureau, ébahi devant autant de propreté dans un bureau. Il tient dans ses mains deux dossiers. Hermann (admirant l’état du bureau de Réginald) : « impressionnant ! Même pas deux minutes et j’envie déjà votre bureau. Bien, voilà les dossiers que j’ai pu trouver, vous commencerez par ceux-ci » Réginald : « bien monsieur. Je m’en occupe tout de suite » Hermann : « prenez votre temps, ne vous pressez pas. L’essentiel c’est que le travail soit bien fait » Réginald : « bien entendu, comme je vous l’ai dit, je m’en occupe tout de suite » Après avoir fini de nettoyer son bureau de fond en comble, Réginald se met au travail. Il choisit l’un des deux dossiers et l’ouvre pour prendre connaissance du contenu. Il lit et relit chaque page du dossier pendant plusieurs d’affilée. Walter, qui passait par-là, s’arrête un moment devant le bureau de Réginald. Ce dernier ne remarque même pas que Walter entre. Il tousse pour attirer l’attention de son collègue, cette action fait sursauter Réginald. Réginald : « euh…Walter ! » Walter : « je m’excuse de faire irruption comme ça, mais j’ai remarqué que vous n’êtes pas sorti de votre bureau de toute la journée » Réginald : « oui, je suis en train de travailler sur cette affaire » Walter : « votre première affaire ! Dites, il s’agit de quoi ? » Réginald : « l’affaire Aaron Cruz » Walter : « je vous écoute » Réginald : « eh bien, d’après ce que j’ai déjà lu, c’est l’histoire d’un homme qui a terminé son programme de désintoxication, mais qui est également passé au tribunal pour meurtre. Il est accusé d’avoir tué un enfant de 12 ans. Le verdict est vite tombé : il a été condamné à mort par injection létale. Le problème c’est qu’il a eu un avocat commis d’office, faute de moyens pour s’en procurer un » Walter : « il vous a remis cette affaire ? Oh mince ! » Réginald : « quoi ? » Walter : « cette affaire est perdue d’avance. A ce qu’il parait, il avait un témoin, ce qui pouvait constituer un alibi pour lui si le témoin avait été retrouvé. Malheureusement, son avocat commis d’office n’a jamais mis la main sur ce témoin. Il a déjà purgé 12 ans de prison, son exécution sera programmée ce mois, je crois » Réginald : « ce mois ! D’accord » Walter : « vous verrez ça à la dernière page. Cette affaire ne paie pas, c’est le second dossier qui paie » Réginald : « j’ai ouvert ce dossier, alors l’affaire qui s’y trouve, je vais travailler dessus. Pro Bonneau ou pas. Bon… il ne me reste plus qu’à discuter avec l’avocat commis d’office » Walter : « vous m’avez l’air décidé, alors comme vous voudrez. Tenez ceci » Réginald : « … » Walter (tend un bout de papier à Réginald) : « le numéro de son avocate » Réginald (prend le bout de papier): « avocate ? C’est donc une femme ! » Walter : « oui, et elle est très jolie » Réginald : « je comprends pourquoi vous êtes en possession de son numéro. Très jolie, c’est ça ! Bien, merci pour l’information, Walter » Walter : « j’espère que vous ne serez pas trop déçu à l’arrivée » Réginald (compose le numéro de l’avocate) : « voyons un peu à qui j’ai à faire » Le téléphone de la jeune femme sonne, elle finit par décrocher. Roberta Neville : « Neville à l’appareil… à qui ai-je l’honneur ? » Réginald : « bonjour madame Neville. Je m’appelle Réginald Princeton, du cabinet ACE. J’ai sous les yeux le dossier de l’affaire Aaron Cruz, elle a été statuée en défaveur de ce dernier. Je souhaiterai m’entretenir avec vous sur certains détails qui me permettraient de rouvrir le dossier, en espérant bien entendu changer le verdict précédent » Roberta Neville : « cher monsieur, je ne suis plus commise d’office. Mais je ne vous conseille pas de rouvrir cette affaire » Réginald : « je vous remercie, mais je me passerai volontiers de vos conseils les uns après les autres. Je voudrai avoir une discussion face à face avec vous afin de savoir ce que vous saviez dans le but d’avoir la même base que vous avant de me lancer dans cette affaire » Roberta Neville : « au risque de vous blesser, ce n’est pas un avocat du cabinet ACE, une équipe de seconde zone, qui viendra juger de la qualité de la prise en charge de cette affaire. Et tant que vous y êtes, vous feriez mieux de parler au prisonnier concerné. Je vous souhaite bien du plaisir avec lui. Maintenant, vous devriez vous engager à défendre des affaires de votre niveau, aussi bas soit-il » Roberta raccroche ainsi brutalement au nez de Réginald. Ce dernier trouve cela plutôt amusant. Il décide donc de réunir tous les éléments dont il dispose et se rend au pénitencier de la ville pour discuter avec Aaron Cruz. Alors qu’il quitte l’immeuble du cabinet, il se fait intercepter par Hermann. Hermann : « je vois que vous êtes au travail » Réginald : « une première journée pas comme les autres » Hermann : « Walter m’a parlé de l’affaire Cruz. Si jamais ça devient chaud, je vous demande d’abandonner. Nous n’avons pas assez de ressources pour faire durer la procédure au cas où, miraculeusement vous réussissez à rouvrir ce dossier devant le juge et qu’il accepte » Réginald : « pourquoi m’avoir donné ce dossier si c’est pour partir défaitiste d’emblée » Hermann : « certaines affaires peuvent faire monter notre notoriété et ainsi attirer des clients qui souhaiteraient qu’on les représente s’ils ont des problèmes. On ne gagne rien avec ce genre d’affaire, mais la notoriété qu’on récolte nous permet de monter un peu en terme de côte de popularité » Réginald : « ah… je vois. » Hermann : « une certaine Roberta Neville, du cabinet KINGS, m’a contacté. Elle se plaint de vous. Apparemment, vous voulez remettre en question son métier d’avocate » Réginald (tombe dénue) : « oh waouh ! Voilà une véritable bombe qu’elle lâche. Je n’ai jamais remis en question son métier, j’ai juste demandé à avoir une discussion avec elle sur l’affaire Aaron Cruz » Hermann : « hm ! C’est bizarre. C’est elle qui était chargée de la défense de ce type il y a douze ans. Aujourd’hui, elle est déjà avocate dans le meilleur cabinet de la ville » Réginald (consulte sa montre) : « je ne voudrais pas vous presser, mais je dois arriver à la prison centrale. J’ai un prisonnier à voir aujourd’hui avant que l’heure de clôture des visites ne sonne » Hermann : « d’accord, vous pouvez y aller. Mais souvenez-vous, si vous réussissez à rouvrir ce dossier, tâchez de le gagner coûte que coûte » Réginald : « je ferai au mieux » Réginald se rend donc à la prison centrale de la ville. Il réussit à obtenir quelques minutes de visite avant la fermeture des portes de la prison. Les gardiens l’accompagnent donc dans la salle des visites. Cette salle est composée de blocs, chaque bloc est divisé en deux postes séparés par une vitre avec téléphone sur chaque poste, un poste pour les prisonniers et un pour leurs visiteurs. Pour parler chaque partie doit décrocher l’interphone de son poste. Réginald s’assied à un poste et attend que les gardiens fassent venir Aaron Cruz. Après quelques minutes, Aaron entre dans la salle des visites, accompagné de deux gardes. Aaron arrive au bloc où se trouve Réginald. Au début, il hésite à s’asseoir, il dévisage longuement Réginald et le fixe du regard jusqu’à ce que l’un des gardiens le fasse asseoir de force. Gardien (à Réginald) : « vous avez exactement cinq minutes à partir de maintenant » Réginald (au gardien) : « très bien, merci » Réginald décroche l’interphone. Suivi d’Aaron. Puis, les deux hommes se regardent pendant quelques secondes. Réginald commence donc à parler. Réginald : « bonsoir monsieur Cruz » Aaron : « qui êtes-vous ? » Réginald : « Réginald Princeton, du cabinet ACE… » Aaron : « vous voulez quoi ? » Réginald : « je suis venu discuter avec vous de cette affaire qui vous a conduit à la condamnation à mort aujourd’hui » Aaron (baisse la tête) : « hm ! » Réginald : « je vous propose de me raconter ce qui s’est passé afin que je puisse récolter un certain nombre d’éléments pour rouvrir votre dossier. » Aaron : « et pourquoi feriez-vous ça ? » Réginald : « parce que je pense que vous n’avez été jugé avec toute la justice que vous méritiez d’avoir » Aaron : « vous pensez ? La grognasse qui me servait d’avocate a essayé, elle aussi, d’après ce qu’elle a dit, avant vous. Alors, ne perdez pas votre temps. Tôt ou tard, le jour fatidique sera connu. Est-ce que vous savez ce que ça fait de ne pas pouvoir prouver quelque chose qui nous tient à cœur ? » Réginald garde le silence. Le souvenir du meurtre de sa femme ressurgit dans sa mémoire. Aaron : « me voilà, accusé d’avoir descendu un enfant de 12 ans. Un jury normal ne m’aurait jamais déclaré non coupable même si…mince ! » Réginald : « acceptez-moi comme votre avocat et j’essaierai de vous obtenir l’occasion de revoir à nouveau votre fille… c’est à elle que vous pensez n’est-ce pas ? » Aaron : « donnez-moi deux jours pour réfléchir à votre offre » Aaron raccroche l’interphone, se lève et frappe à la porte pour que le gardien lui ouvre. Réginald reste l’interphone à la main, il éprouve de l’empathie pour Aaron. Mais ce n’est pas avec des émotions qu’il faudra rouvrir le dossier de son potentiel client, mais avec des arguments et des preuves. Et Réginald retourne au cabinet en se creusant les méninges. Il a beau tourner et retourner les choses dans sa tête, il décide de tenter encore une fois d’avoir un entretien avec Roberta Neville. Le lendemain, de bonne heure, il appelle une fois de plus le numéro de Roberta. Cette dernière décroche, mais avant que Réginald n’ait placé un mot, elle raccroche. Réginald essaie une fois de plus de l’appeler, mais cette fois, elle ne décroche plus. Il se rend au cabinet, pose son sac dans son bureau et va parler avec Hermann. Une fois devant le bureau de ce dernier, il frappe à la porte et entre.
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