Chapitre 1

1263 Words
1 — Trelon ! cria Cara avec exaspération depuis le petit bureau qu’elle avait installé à l’autre bout de la cuisine. Est-ce que tu as vu mon nouveau cloneur à outils ? Je sais que je l’ai mis dans mon sac ce matin. — Je ne l’ai pas vu, répondit Trelon en jonglant précautionneusement avec les objets qu’il avait dans les bras tout en essayant de ne pas faire tomber le petit camion en équilibre précaire sur la pile de poupées mutilées, d’animaux en peluche difformes, de shorts et de chaussures roses et d’une douzaine d’autres objets qu’il avait amassés jusqu’à présent. Le sourire triomphant qui commençait à étirer ses lèvres mourut quand il marcha sur la petite brique de construction en plastique carrée qui était, d’après les affirmations de Cara, un jouet d’apprentissage amusant pour les jumelles. La douleur jaillit dans son pied nu et remonta le long de sa jambe, un grand juron lui échappant alors qu’il perdait l’équilibre. Des jouets et des vêtements tombèrent en cascade autour de lui tandis qu’il sautillait sur un pied. Tout en grognant, Trelon s’assit par terre et frotta son talon endolori puis poussa un soupir las. Il balaya le désordre du salon du regard. Les jouets qu’il avait ramassés jonchaient de nouveau toute la pièce. De son point de vue, il put voir encore bien d’autres briques et la chaussette qu’il avait cherché un peu plus tôt sous le canapé. Il lâcha son pied et roula sur le ventre afin de ramasser les objets hétéroclites qui se trouvaient sous le canapé. Jamais, au grand jamais, il n’aurait imaginé que lui, un puissant seigneur dragon, finirait par terre à ramasser une chaussette rose disparue et un tas de jouets de sous le canapé dans ses quartiers autrefois immaculés. En toute honnêteté, il n’échangerait pas sa vie pour toutes les richesses de l’univers. Pour sa part, il se considérait comme le guerrier le plus chanceux du monde. Enfin, presque le plus chanceux, pensa-t-il lorsque la douleur dans son talon lui rappela les petites briques que les filles adoraient laisser traîner par terre. Le petit rire et le réveil soudain de son dragon le firent grimacer. Les épaules de Trelon furent secouées d’un rire silencieux. Tu es tout aussi terrible que les filles. J’espère que tu le sais, dit-il en grimaçant. T’aimes ça aussi, grogna son dragon. Où sont-elles ? demanda Trelon, s’immobilisant complètement tout en écoutant. En arrière-plan, il entendait Cara grommeler qu’elle savait qu’elle avait remis le cloneur dans son sac à outils un peu plus tôt. Il se concentra, essayant de remarquer un bruit inhabituel. Les filles s’amélioraient, pensa-t-il fièrement. Il leva lentement la tête afin d’essayer de les apercevoir. Au-dessus ! le pressa son dragon. Trelon leva vivement la tête au moment où Amber bascula vers lui par-dessus le dossier du canapé. Avant qu’elle n’en tombe, il se mit à genoux avec un rire grave et rauque et ouvrit ses bras pour l’attraper. Il les passa autour d’Amber en même temps qu’il sentit Jade glisser les siens autour de son cou. — On t’a eu, papa ! gloussa cette dernière dans son oreille droite. — Coucou, papa, rit Amber en le fixant avec des yeux dorés brillants. Le regard de Trelon s’illumina de joie. Il ne se lasserait jamais de voir les visages rayonnants de ses filles. Il leva les yeux en apercevant un mouvement de l’autre côté du canapé. Son regard se riva sur le visage de Cara rougi par sa recherche frénétique. Elle le dévisageait avec une expression à laquelle il s’accrocha avidement : l’amour. Sa chaleur l’enveloppa, faisant disparaître tout le reste l’espace d’un instant. — Est-ce que vous avez vu mon nouveau cloneur, les filles ? interrogea Cara avec un sourcil arqué, cessant de regarder Trelon pour fixer Amber. — Maman, tu rega’des encore papa bizarre, dit Jade. Cara mit les mains sur les hanches et secoua la tête. — Regardes, ma chérie, tu regardes encore papa bizarrement est la façon correcte de le dire et je regarde toujours votre papa bizarrement. C’est parce que je l’aime, déclara-t-elle en souriant. Alors, qu’est-ce que vous avez construit aujourd’hui, toutes les deux ? Jade posa son menton sur l’épaule de Trelon et fit un grand sourire. — Amber elle voulait boire — voir — comme le robot il fonctionne. On l’a tout reconstruit quand on a fini, dit-elle avec une expression malicieuse. — Oui, on s’est amusées à zouer avec eux, ajouta Amber en hochant joyeusement la tête. — Eux ? répéta Trelon, interrompant Cara quand elle commença à corriger Amber, ses yeux s’écarquillant d’inquiétude. Où est le robot ? — Dans le grand atelier de maman, répondit Amber, perplexe. On l’a mis sur le charzeur comme tu nous as appris. — Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda Cara alors qu’il se relevait maladroitement. Trelon savait que son expression semblait sévère. Enfin, pas exactement sévère, plutôt résignée. Le fait que son dragon soit pris d’un fou rire et roule en lui telle une balle de flipper n’aidait pas. — Je n’ai fabriqué qu’un robot, marmonna-t-il en tenant Amber sur sa hanche gauche tandis que sa main droite se leva pour stabiliser Jade toujours accrochée dans son dos. — Oh-oh, murmura Cara en faisant de grands yeux quand ses mots se frayèrent un chemin dans son esprit. « Oh-oh », c’était exactement cela, pensa Trelon avec un mélange d’amusement et de résignation. Les filles avaient reçu une double dose de créativité en ce qui concernait leur amour du bricolage et de fabriquer des choses. C’était de sa faute. Il aurait dû savoir qu’elles démonteraient le robot qu’il leur avait donné dans la matinée afin de découvrir comment il fonctionnait. Elles le faisaient avec tous leurs jouets. Il ne s’était simplement pas attendu à ce qu’elles le fassent si vite. Une partie de lui ne pouvait résister à l’envie de voir ce que leurs esprits allaient inventer, tandis que l’autre partie grimaçait en sachant que ce n’était que le début. Il avait presque atteint la cuisine lorsqu’il entendit frapper à la porte. Il pivota, lança un regard exaspéré à Cara puis grimaça quand le bruit d’un fracas assourdi résonna depuis son grand atelier. — Je m’en occupe. Va voir ce que les filles ont construit, dit Cara avec un signe de tête vers la pièce du fond. Mais ne le détruis pas ! Je veux aussi le voir ! lança-t-elle hâtivement avant de se diriger vers la porte. — C’est zuste des pitis robots maintenant, maman, dit Amber en regardant par-dessus l’épaule de Trelon. — Oui, et y z’ont tout plein de…, la voix de Jade mourut et elle écarquilla les yeux au moment où un autre grand fracas leur parvint de l’atelier. Oh-oh, murmura-t-elle. Ze crois qu’on aurait dû les z’éteindre. L’hilarité de Trelon fit trembler ses épaules. L’expression des filles n’avait pas de prix. Leurs grands yeux dorés débordaient d’émerveillement et d’excitation — et d’une pointe d’inquiétude —, leurs joues étaient roses et leurs petites bouches formaient toutes deux des « O ». Il déposa délicatement Jade par terre et la regarda avec fierté se transformer en son dragon. Un instant plus tard, le dragon rouge d’Amber se lança à la suite de celui, rose, de sa sœur. Il se demandait vaguement s’il devait se transformer lorsque Symba, son symbiote, le dépassa à toute allure, suivi de près par les deux plus petits symbiotes appartenant à Amber et Jade, manquant de le faire tomber à la renverse. C’était son deuxième, troisième et quatrième avertissement qu’il allait avoir des ennuis.
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