Point de Shanelya
Je me réveille, la vue floue, et je me frotte les yeux pour y voir plus clair. Immédiatement, une étrange sensation m’envahit : je ne suis pas chez moi. Je suis allongée sous une immense couverture, si grande qu’elle pourrait engloutir tout un lit. Un frisson me parcourt lorsque je réalise que je ne porte plus les mêmes vêtements que la veille. Où suis-je, bon sang ? Qui m’a changé ? Une panique sourde commence à monter en moi, une panique que je tente en vain de réprimer.
— OÙ SUIS-JE ? Je… veux rentrer… chez moi…, dis-je, ma voix brisée par l’angoisse.
À cet instant, une vieille femme, probablement dans la cinquantaine, entre dans la chambre. Elle porte une robe à petits carreaux et des demi-talons, un ensemble qui semble tout droit sorti d’un autre temps. Instinctivement, je me recule.
— Je suis Aurore, ne crains rien, ma petite, tu es en sécurité, dit-elle d’une voix douce, presque maternelle.
— Où… où suis-je ? demandai-je, la voix tremblante, toujours terrifiée.
Elle me regarde avec une tristesse palpable, un chagrin qui semble venir de loin, avant de répondre.
— Au palais, dans le royaume d’Altamirano.
— Quoi ? Un palais ? Mais c’est impossible… Je suis à New York, n’est-ce pas ? C’est une blague ? lançai-je, mi-incrédule, mi-terrifiée.
Le regard d’Aurore s’emplit de pitié.
— Non, nous sommes en Russie, madame. Permettez-moi de disposer ?
Je reste muette, abasourdie par cette révélation. Comment est-ce possible ? Alors qu’elle quitte la pièce, mes pensées commencent à s’embrouiller, cherchant désespérément à assembler les morceaux du puzzle. Puis, la mémoire me revient en fragments douloureux : l’agresseur, la lutte, sa mort… Un cri s’échappe de mes lèvres, et la terreur me submerge. Je dois fuir, sortir d’ici, mais comment ?
Mes pensées sont brusquement interrompues par le grincement de la porte qui s’ouvre lentement, avec une précision calculée. Un homme entre dans la pièce, sa démarche est empreinte d’une élégance presque surnaturelle. Il porte un masque, dissimulant la majeure partie de son visage, mais ses yeux, d’un rouge inquiétant, se fixent sur les miens, me transperçant de peur. Il s’approche, prenant ma main avec une politesse déconcertante.
— Bonsoir, très chère, dit-il en déposant un b****r glacé sur ma main, sa voix empreinte d’une arrogance froide et impitoyable.
— S’il… s’il te… plaît, laisse-moi partir, implorai-je, à peine capable de parler.
Un froncement de sourcils creuse son masque d’un pli sévère.
— Pourquoi faire ? Retourner dans un monde où personne ne te connaît ? Où tu vends des dessous et vis dans un taudis ? Hors de question, très chère, dit-il avec un ton hautain, presque méprisant.
Il se lève alors, me tournant le dos, mais son aura de domination reste omniprésente dans la pièce.
— Commence dès ce soir à t’habituer à la vie que tu vas mener, dit-il d’une voix grave, presque prophétique.
— MAIS JE N’AI PAS DEMANDÉ CETTE VIE ! ALORS LAISSE-MOI PARTIR !, criai-je, la colère et la peur se mélangeant dans ma voix.
D’un geste brusque, il se retourne et, en une fraction de seconde, me saisit à la gorge, me jetant violemment sur le lit. Sa respiration saccadée caresse mon visage, et je sens la rage bouillonner en lui. Je regrette déjà mes paroles, regrettant de ne pas avoir gardé le silence.
Il frappe son poing dans le matelas, juste à côté de mon visage, le lit tremble sous l’impact.
— Plus jamais tu ne me parles ainsi, je suis le Roi, c’est moi qui décide de ton sort. Tu vas obéir sagement à mes ordres, tu sais pourquoi ?
Je secoue la tête, terrifiée.
— Parce que tu vas devenir ma femme, la femme d’Aiden Altamirano, murmure-t-il entre ses dents, ses mots ciselés par la colère.
Sous le choc, je ne trouve plus les mots. Mon esprit vacille, trop accablé pour même pleurer. Alors qu’il se redresse, prêt à partir, il marque un temps d’arrêt pour réajuster ma robe, qui était remontée jusqu’à mes cuisses. Cette attention glaciale me remplit de honte et de rage.
— C’est Aiden ou “mon roi” pour toi, reine, et seulement “patron” ou “mon roi” pour les autres. Ne mentionne jamais “Aiden” devant les autres. Et ne pense même pas à t’échapper, tout est sous surveillance ici. Il y a des caméras partout et plus de 200 gardes du corps qui rôdent autour du palais. Nous sommes au milieu de nulle part. Si jamais j’apprends que tu as tenté quoi que ce soit, tu en paieras les conséquences. Ce serait dommage de faire du mal à une si jolie femme, conclut-il avant de quitter la pièce.
Je suis abasourdie, une rage sourde gronde en moi. J’ai envie de tout casser, mais la peur de ce qu’il pourrait me faire m’en empêche.
Cinq minutes après son départ, Aurore revient, accompagnée d’une autre femme.
— Oh, tu sais, il ne faut pas pleurer, dit-elle en s’asseyant à mes côtés, caressant doucement mes cheveux.
Un réconfort inattendu s’insinue en moi, et je me laisse aller, déversant tout ce que j’ai sur le cœur.
— Chuuut, ça va aller, ne t’inquiète pas, murmure-t-elle, apaisante.
Je hoche la tête, me redressant un peu.
— Le roi veut passer à table, tu dois être présente. Il nous a demandé de préparer ton bain, ajoute-t-elle.
Mes yeux s’écarquillent. Quoi ? Quelqu’un va me laver comme une enfant ?
— C’est hors de question que quelqu’un me fasse mon bain ! protestai-je, indignée.
— Il m’a aussi dit que si tu refusais, il le ferait lui-même. Alors, à toi de voir, réplique-t-elle calmement.
Il est complètement fou.
— Je… ok, mais… je veux seulement toi, dis-je en regardant l’autre femme.
— Elle s’appelle Catherine, m’informe Aurore.
— Moi, c’est Shanelya.
— Vous ne devez pas dire votre nom aux employés, seulement à certains. Il y a des règles ici, ne dites rien avant d’avoir posé des questions, m’avertit-elle.
Je hoche la tête, et Catherine promet de ne rien dire avant de quitter la pièce.
Aurore s’apprête à me déshabiller, mais je la stoppe.
— Je vais le faire moi-même, dis-je.
Elle me rappelle que je n’ai pas le droit de faire quoi que ce soit concernant mon corps. Finalement, c’est elle qui me déshabille. Je me sens terriblement honteuse, incapable de croiser son regard. Elle me fait couler un bain et m’aide à m’asseoir dans l’eau chaude.
— Où étiez-vous avant d’arriver ici ? me demande-t-elle.
— J’ai le droit de répondre ?
Elle sourit.
— Non, seulement à moi et au roi.
— Je vivais à New York, dans un petit appartement, et je travaillais dans un centre commercial, au rayon lingerie, répondis-je, sentant le rouge me monter aux joues.
Elle porte la main à sa bouche, surprise.
— Ce n’est pas digne d’une reine ! Si tu es ici, je suppose que tu n’avais pas de parents.
Je me fige. Comment sait-elle cela ?
— Comment le sais-tu ? demandai-je, méfiante.
Elle rit doucement.
— Tu sais, tu n’es pas la première femme que le roi ramène ici, dit-elle en me frottant le dos.
La révélation me choque. C’est donc un coureur de jupons…
— Mmh.
— Un homme a des besoins, surtout un homme associé au “mauvais”, comme vous dites à New York, un “bad boy”, ajoute-t-elle en mimant des guillemets.
Je ris malgré moi de la façon dont elle prononce ces mots.
— Tu es très belle quand tu souris, je préfère ça. Il a eu de nombreuses conquêtes, toutes plus hypocrites les unes que les autres. Même des femmes mariées le veulent dans leur lit.
— Elles me dégoûtent, répliquai-je.
— Oui, oui, mais il savait qu’il était destiné à quelqu’un d’autre, glisse-t-elle.
— À qui ?
— À toi, répond-elle calmement.
— Comment ça ? dis-je, intriguée.
— Je ne peux pas t’en dire plus.
— Mais j’ai besoin de savoir ! Cela veut dire que ce n’est pas un pur hasard si je suis ici ?
— Je suis désolée, murmure-t-elle. Allez, sors du bain.
En sortant du bain, je me retrouvai enveloppée dans un doux peignoir par Aurore. Elle s’attela à sécher mes cheveux, ses gestes tendres contrastant avec l’immensité de la chambre dans laquelle nous nous trouvions. Le vaste dressing, rempli de tenues somptueuses, attira mon regard. Aurore choisit pour moi des sous-vêtements délicats avant de me tendre une robe bleu marine. En l’enfilant, je sentis une gêne m’envahir ; cette robe moulait mes formes de manière trop évidente, me rendant mal à l’aise. J’ouvris la bouche pour exprimer mon inconfort, mais un coup soudain à la porte interrompit mes pensées.
— Qui est-ce ? demandai-je d’une voix tremblante.
— Le roi vous demande immédiatement, il est très contrarié par votre retard, répondit Catherine d’un ton grave.
Une vague de stress monta en moi, incontrôlable.
— Calmez-vous, ma reine, murmura Aurore, essayant de me rassurer. Il comprendra.
— Tu dis cela pour me réconforter, mais je sais que ce n’est pas vrai, répondis-je, la voix brisée par l’angoisse.
Elle acquiesça doucement, et nous quittâmes la chambre, ma main serrant celle d’Aurore comme si ma vie en dépendait. La peur me rongeait de l’intérieur, un nœud oppressant ma gorge à chaque pas. La maison était si vaste que les cinq minutes de marche pour atteindre la table royale me parurent une éternité.
Aurore me conduisit jusqu’à ma place, aux côtés d’Aïden. Il restait silencieux, jouant distraitement avec une bague massive à son doigt. Derrière son masque, il était impossible de deviner son humeur. Avec un geste impérieux, il congédia Aurore, me laissant seule face à lui. Je tremblais, mais m’efforçais de ne rien laisser paraître.
Le repas se déroula dans un silence pesant. L’appétit m’avait totalement quittée, écrasée par le poids de l’angoisse. Catherine vint débarrasser les plats, et Aurore s’approcha pour me ramener dans la chambre.
— Pourquoi avez-vous mis autant de temps à venir ? lança soudain Aïden, une pointe de colère perçant dans sa voix.
Je tournai un regard affolé vers Aurore, qui semblait tout aussi déconcertée. Le poing d’Aïden s’abattit violemment sur la table, me faisant sursauter.
— C’est moi… C’est… ce n’est pas sa faute, balbutiai-je en baissant la tête.
La colère d’Aïden était palpable, presque suffocante.
— Plus jamais, je dis bien JAMAIS, tu ne désobéis encore une fois, gronda-t-il. Ramène-la dans sa chambre et appelle la styliste pour sa robe de mariée. Prépare aussi une robe rouge pour dimanche soir, il y a le Diablemasqué. Je dois la présenter en tant que ma future épouse.
Chaque mot de sa bouche me plongeait un peu plus dans le désespoir. Je luttai contre les larmes qui montaient, mais l’effort était vain. Aurore m’emmena dans la chambre, où je m’effondrai sur le lit, en proie à une détresse insurmontable. Elle tenta de me consoler, murmurant des mots doux pour apaiser ma douleur.
Quatre jours s’étaient écoulés depuis mon arrivée. Quatre jours où j’avais réalisé que j’étais prisonnière de cet enfer, forcée de subir les sautes d’humeur d’Aïden. Il était v*****t, cruel, et la preuve de cette cruauté m’avait été infligée de la manière la plus brutale : il avait tué un homme sous mes yeux. Cet événement horrible s’était produit avant-hier. Il avait ordonné qu’on me b***e les yeux, mais il était déjà trop tard ; l’image du meurtre était gravée dans ma mémoire. Tout cela n’était que la conséquence de ma tentative désespérée de m’enfuir.
Flashback
Je me trouvais dans ma chambre, le cerveau en ébullition, cherchant un plan pour échapper à cette prison dorée. L’idée de me cacher dans le coffre de la voiture me sembla être la meilleure option. Aïden avait une réunion prévue avec les chefs de la mafia, et j’étais au courant de toutes ses activités, car elles faisaient partie de mon “éducation”.
Je sortis discrètement de ma chambre, descendant les escaliers avec la plus grande prudence. Un garde se tenait près de la voiture, une présence gênante qu’il me fallait écarter.
— Pouvez-vous aller me chercher une glace à la cuisine ? ordonnai-je d’un ton autoritaire.
— Je vais appeler une servante, ma reine, répondit-il, visiblement réticent.
— Non, je veux que ce soit vous. Avez-vous un problème avec cela ? Ou préférez-vous que j’en fasse part au roi ? ajoutai-je avec une froideur calculée.
Sa résistance fondit instantanément, et il se hâta de partir. Profitant de son absence, je me glissai rapidement dans le coffre. À peine deux minutes plus tard, j’entendis le garde m’appeler, son angoisse palpable dans sa voix.
— Ma reine ? Ma reine ? p****n, je vais avoir des ennuis…
Sa panique augmenta lorsqu’il réalisa qu’il avait été dupé. J’entendis sa voix tremblante à travers le talkie-walkie.
— Mec, demande de ton côté après la reine, je suis dans la m***e.
Les cris de recherche se succédèrent, puis le silence retomba comme une chape de plomb.
— OÙ EST-ELLE ? rugit Aïden, sa colère éclatant dans l’air.
Un silence de mort suivit, personne n’osant répondre.
— QUELQU’UN VA OUVRIR SA GUEULE ? tonna-t-il de nouveau.
Finalement, le garde balbutia une explication, mais cela ne fit qu’attiser la fureur d’Aïden.
— Tu n’es qu’un idiot, elle t’a berné si facilement. Tu vas en payer les conséquences, gronda-t-il.
— Monsieur, on l’a cherchée partout, mais elle n’est nulle part dans le château, dit un autre garde, la voix tremblante.
— b***e d’incapables. Toi, tu vas mourir, lança Aïden avec une froideur qui me glaça le sang.
— S’il vous plaît, ne me tuez pas, je vais la retrouver, supplia le garde, sa voix brisée par la terreur.
— Tu as dix secondes, répliqua Aïden avec une cruauté calculée.
Le garde se mit à bégayer, cherchant une issue.
— 9… 8… 7… 6… 5…
Je savais qu’il n’avait aucune chance. Si je restais cachée, il mourrait, et je serais libre. Mais pouvais-je vraiment laisser cela arriver ?
— 4… 3…
— C’est bon, je suis là ! criai-je, le cœur battant la chamade.
Le coffre s’ouvrit, et je sortis, tremblante.
— Trop tard, dit Aïden froidement. b****z-lui les yeux.
Ils n’eurent même pas le temps de s’exécuter. Un coup de feu retentit, et je poussai un cri, une main plaquée sur ma bouche pour étouffer mon désespoir. Une larme solitaire roula sur ma joue.
— Annulez mes rendez-vous, débarrassez-moi de cette médiocrité, ordonna Aïden, jetant un regard dédaigneux sur le corps. Et toi, viens avec moi.
Je n’avais d’autre choix que de le suivre, la peur au ventre. Aurore voulut intervenir, mais je lui fis signe de se taire. Sinon, elle aussi en paierait le prix.
Fin du chapitre