UNE COLÈRE INGÉRABLE

2420 Words
Nous descendions les dernières marches quand une femme enceinte s’approcha pour me féliciter. Elle était magnifique, rayonnante dans sa robe, et son sourire illuminait son visage. Je lui répondis par un sourire sincère, légèrement intimidée par sa présence. Après un bref échange de politesses, elle s’éloigna, laissant place à l’animateur de la soirée. Celui qui avait su capter l’attention de tous un peu plus tôt s’avançait maintenant vers nous avec une aisance presque insolente. — Alors, le roi se marie ? lança-t-il avec un sourire en coin, un brin moqueur. Aïden resta impassible, ses traits fermes ne trahissant aucune émotion. — Ne devrais-je pas avoir de femme ? répliqua-t-il, sa voix froide et mesurée. L’homme rit doucement, un rire teinté d’un amusement qui me mettait mal à l’aise. — Oh, ce n’est pas ce que je voulais dire, loin de là, répondit-il en levant les mains comme pour s’excuser. Je suis simplement surpris, Mon Roi. En passant, votre future épouse est éblouissante. Elle rend jaloux tous les hommes ici présents. Son ton était léger, mais quelque chose dans sa manière de parler semblait calculé. Je me figeai légèrement sous le compliment, mais Aïden, lui, fronça imperceptiblement les sourcils. Sa voix, bien que toujours calme, s’était durcie. — Seriez-vous en train de flirter avec ma fiancée, devant moi ? L’animateur adopta une expression faussement choquée, levant les mains comme pour se défendre. — Moi ? Oh non, Mon Roi ! Je n’oserais jamais ! Permettez-moi simplement de saluer notre future reine, ajouta-t-il en exagérant une courbette grotesque, un sourire glissant sur son visage. Aïden ne répondit pas, se contentant de lui accorder un signe de tête bref. L’homme en profita pour se tourner vers moi. Il s’approcha un peu trop près, attrapa ma main et y déposa un b****r. Ses yeux ne quittèrent pas les miens, un regard insistant et dérangeant qui fit courir un frisson glacé le long de mon dos. Je n’osai rien dire, mais mon malaise devait être palpable. La soirée touchait heureusement à sa fin, et je ne pense pas que j’aurais pu supporter une minute de plus dans cette atmosphère oppressante. Aïden, toujours maître de lui-même, donna un ordre discret à son garde du corps pour qu’il me raccompagne à la voiture pendant qu’il s’occupait de quelques affaires en retrait. Je le suivis sans un mot, soulagée de m’éloigner enfin. Installée dans la voiture, j’observais la bague qui ornait mon doigt. Un anneau d’or finement travaillé, surmonté d’un diamant en forme de fleur. Il l’avait glissée à mon doigt après son discours, sous les regards admiratifs – et parfois envieux – de l’assistance. Un homme dans l’assemblée avait osé demander la valeur de la bague, et Aïden, fidèle à lui-même, avait répondu avec fierté : — Elle vaut trois fois le prix de la bague de ta femme. Tous les regards s’étaient aussitôt tournés vers ladite femme, visiblement gênée. Elle avait murmuré, presque honteuse, que sa bague coûtait un million deux cent cinquante mille dollars. J’avais alors compris que celle que je portais valait trois millions sept cent cinquante mille dollars. Un geste aussi extravagant qu’absurde, et pourtant si typique de lui. Je jouais nerveusement avec l’anneau, incapable de faire taire la question qui me brûlait les lèvres. Après ce qui me sembla une éternité, Aïden finit par monter dans la voiture. Le chauffeur démarra aussitôt, plongeant l’habitacle dans un silence pesant. Je pris une profonde inspiration, mes doigts se crispant autour de la bague. — Aïd… Mon roi… je…, balbutiai-je, hésitante, mes mots se perdant dans le tumulte de mes pensées. Il tourna légèrement la tête vers moi, ses yeux sombres et perçants capturant les miens. Sa voix, grave et détachée, brisa finalement le silence. — Parle. Qu’est-ce qui te tracasse ? Une reine, surtout la mienne, ne revient jamais sur ses décisions. Elle ne se défile pas et assume ses propos. Continue ta phrase, dit-il d’une voix ferme, mais sans colère. Je pris une profonde inspiration, tentant de maîtriser ma nervosité. — Puis-je savoir si j’ai le droit de vous poser des questions sur vous, puisque nous allons… nous marier ? demandai-je d’une voix tremblante, toujours incapable d’assimiler pleinement cette idée. Un léger sourire effleura ses lèvres, froid, presque imperceptible. — Certaines questions, oui. Mais tu n’as pas le droit de poser des questions sur mon passé. Tu pourras en poser sur les personnes que je t’autoriserai à côtoyer, mais tout cela viendra après le mariage. Une dernière chose, tu n’as pas le droit de toucher à mon masque, ni d’avoir des contacts avec d’autres hommes, hormis moi, déclara-t-il d’un ton glacial. Je laissai échapper un soupir discret, sentant une pression peser sur mes épaules. — Est-ce que cela signifie que je serai mêlée à toutes ces choses… illégales ? Suis-je en danger ? murmurai-je d’une voix tremblante. Il tourna la tête vers moi, ses yeux cachés derrière son masque, qui semblait absorber toute la lumière autour de lui. Ce simple accessoire amplifiait à la fois sa présence intimidante et son mystère. — Tant que tu restes à mes côtés, personne n’osera te faire du mal, répondit-il calmement, avec une autorité qui semblait ancrée dans chaque mot. Je serrai mes mains, cherchant à rassembler mon courage. — Pourquoi moi ? chuchotai-je finalement. — Pardon ? — Je veux dire… pourquoi m’avez-vous choisie ? Je n’ai rien demandé de tout cela. Il resta silencieux un moment, comme si cette question demandait une réponse plus complexe qu’il n’était prêt à offrir. — Tu le sauras en temps voulu, répondit-il enfin, mettant un terme à l’échange. Je tournai mon regard vers la fenêtre, observant les gouttes de pluie qui glissaient doucement sur la vitre. Tout me semblait irréel, comme un rêve étrange dont je ne parvenais pas à me réveiller. Son téléphone vibra soudain, brisant le silence. — Allô, répondit-il d’un ton neutre en décrochant. Je n’entendis que des bribes de conversation, mais sa voix devint plus tendue. — Comment cela a-t-il pu arriver ? b***e d’incapables ! Envoyez une équipe récupérer la marchandise. Je la veux avant l’aube, ordonna-t-il, visiblement irrité, bien que son ton restât maîtrisé. Il ne criait jamais, et c’était précisément ce qui rendait sa colère terrifiante. Je l’avais observé ces derniers jours, cherchant à comprendre son comportement. Il intériorisait tout, et cette maîtrise glaciale m’effrayait plus que des éclats de voix. Car si jamais il explosait, mieux valait être loin de lui. Vers vingt-deux heures, Aurore, ma domestique, me prépara un bain. Ce rituel, bien que confortable, me semblait toujours étrange. Alors qu’elle déposait des huiles parfumées dans l’eau, elle me regarda avec curiosité. — Alors, comment s’est passée la soirée ? demanda-t-elle en arrangeant quelques serviettes. Je haussai les épaules, lasse. — Bof… — Pardon ? répondit-elle, visiblement déconcertée. Un sourire naquit sur mes lèvres en voyant son expression. — C’est une expression. Ça veut dire “rien de spécial”. — Ah, je vois, dit-elle, un soupir de soulagement accompagnant ses mots. Je m’appuyai contre le bord de la baignoire, mes pensées vagabondant. — Des femmes sont venues me parler. Elles étaient arrogantes, superficielles… tout ce que je déteste. D’autres dévoraient le roi du regard, comme si elles rêvaient de le faire leur amant. Aurore esquissa un sourire amer. — Celles qui sont venues ici ne sont pas les meilleures. Elles sont toutes mauvaises, ou presque. Je fronçai les sourcils, intriguée. — Pourquoi viennent-elles, alors ? Elle hésita avant de répondre, choisissant ses mots avec soin. — Satisfaire leurs “envies”. Le patron est surnommé le Dieu de l’amour par certaines de ces femmes. Mes yeux s’écarquillèrent. — Mais elles sont mariées ! Elle haussa les épaules. — Pas toutes. Mais la plupart, oui. Et souvent, après leur passage ici, leur sort était scellé… Un frisson me parcourut. — Elles… elles étaient tuées ? Aurore hocha la tête, son expression sombre. — Oui. Leur monde ne pardonne pas les infidélités. Ces femmes savaient ce qu’elles risquaient. Je restai figée, abasourdie par cette révélation. — Et les célibataires ? demandai-je d’une voix hésitante. — Elles subissaient le même sort. Dans ce cercle, la pureté est sacrée. Une femme qui se donne sans promesse d’union est considérée comme souillée. Elle me tendit un peignoir, et je me levai, tremblante. — C’est si injuste, murmurai-je en m’asseyant devant le miroir pendant qu’elle me séchait les cheveux. — La justice, ici, n’a rien à voir avec l’équité. Elle est une question de pouvoir. Un cri strident éclata soudain, venant de l’extérieur, perçant la tranquillité de la nuit. — TROUVEZ-LE ET ÉLIMINEZ-LE ! COMMENT OSERAIT-IL ME DÉFIER ? AMENEZ-LE DANS LA CAVE, JE M’OCCUPERAI DE LUI PERSONNELLEMENT ! Les tremblements dans mes mains ne s’arrêtaient pas. Aurore, d’une douceur infinie, tenta de me rassurer, caressant lentement mon dos, mais cela ne faisait qu’aggraver mon état. Mon esprit tournait à toute vitesse. — Calme-toi, ma chère, murmura-t-elle d’une voix douce, une mélodie dans l’horreur. Je secouai la tête, le cœur battant trop fort, trop vite pour que je puisse trouver un semblant de paix. — Combien de temps cela va-t-il durer, Aurore ? Quatre jours… Quatre jours seulement, et je me sens déjà étouffée. Je vais me marier avec cet homme, celui-là, celui qui me fait horreur… Comment peut-il être aussi cruel ? Elle poussa un long soupir, son visage marqué par une profonde tristesse. — Tu t’y feras, ma chère, tu n’auras pas le choix. Je levai les yeux vers elle, une boule dans la gorge. — Non, Aurore. On ne s’habitue jamais à ça. Elle garda le silence, une expression désolée sur son visage. Il n’y avait plus de mots à offrir, juste une présence réconfortante mais impuissante. Soudain, des cris perçaient l’air, déchirant la tranquillité de la nuit. Des hurlements d’une terreur indescriptible, inhumains, qui glaçaient le sang. Chaque cri m’enserrait le cœur et, sans prévenir, l’angoisse me submergea. Il fallait que je fasse quelque chose. — Je dois sortir. Ça ne peut pas continuer ainsi, dis-je, déterminée à quitter la chambre. Aurore s’interposa, une panique évidente dans ses gestes. — Non, attends ! Si tu t’imposes maintenant, il sera furieux, tu n’imagines pas les conséquences. Je déglutis difficilement, l’air pesant dans mes poumons, mais une certitude m’envahissait. Je ne pouvais plus être passive. — Laisse-moi, Aurore. Ça doit s’arrêter. — Repose-toi, je t’en supplie. Ne t’en mêle pas, insista-t-elle. Je ne l’écoutai plus. D’un pas précipité, je quittai la chambre, mes pensées en chaos. Les cris continuaient, couvrant le château de leur terreur. Je devais sortir, trouver un peu de répit. L’air du jardin serait peut-être mon refuge, mais même là, une ombre persistait. Au loin, une cabane se dessinait dans la brume, sombre, inquiétante. Les hurlements en provenaient. Sans réfléchir, je m’y dirigeai, mes pas hésitants mais inéluctables. La porte était entrouverte, une odeur métallique flottait dans l’air. Tremblante, je m’y glissai. Des escaliers sombres descendaient dans une obscurité presque palpable. Les murs, rouges comme la vie, étaient maculés de traces sanglantes. Autour de moi, une multitude d’armes : couteaux, pistolets, fusils… Tout semblait trop, trop présent. Mon esprit se noyait dans ce chaos. Un cri encore plus perçant déchira l’air, me figeant dans une terreur glacée. Je pris une profonde inspiration et continuai. Une porte ouverte laissait entrevoir une scène d’horreur que je n’oublierai jamais. Un cri m’échappa, le son perça le silence comme un couteau. — AHHHHHHH ! Point de vue Aïden Le cri me fit pivoter, furieux. Là, dans l’encadrure de la porte, Shaïnaëlle se tenait, pétrifiée, la main sur la bouche. Elle fixait le prisonnier que je torturais, une vision macabre de sang et de souffrance. Les doigts du misérable étaient coupés, ses gémissements étaient noyés par les hurlements de douleur. — QU’EST-CE QUE TU FAIS LÀ ?! hurlai-je, furieux de la voir dans cette scène. Elle ne bougea pas, ses yeux ne quittant pas l’atrocité devant elle. Elle tenta de parler, mais aucun son ne sortit. Elle tourna des yeux vitreux avant de s’effondrer, évanouie. Point de vue Aurore Je courais à travers le château, paniquée, cherchant Shaïnaëlle partout. Catherine, une servante, semblait aussi inquiète que moi. — Je ne l’ai pas vue, madame, répondit-elle en secouant la tête. — Comment ça ?! m’écriai-je. Tu devais la surveiller ! Une voix froide, glaciale, me fit sursauter dans le jardin. — AURORE !! Je courus vers la source du cri. Aïden la tenait dans ses bras, son corps couvert de sang. — Oh mon Dieu, qu’est-ce qui lui est arrivé ?! m’écriai-je en me précipitant vers eux. — JE T’AVAIS DIT DE NE PAS LA LAISSER SORTIR DE SA CHAMBRE ! rugit-il, ses yeux pleins de colère. À cause de toi, elle a trouvé le chemin de la cave ! Je baissai la tête, le cœur lourd de culpabilité. — Appelle un garde. Tout de suite, ordonna-t-il, sa voix trahissant une rage à peine contenue. Sans dire un mot, je me précipitai pour obéir. Le garde emporta Shaïnaëlle tandis qu’Aïden, toujours furieux, brisait tout sur son passage avant de se retirer dans son bureau. Quelques heures plus tard, Shaïnaëlle se réveilla, encore sous le choc. Son visage était marqué par la terreur, les larmes coulant silencieusement. — Il… lui a coupé les doigts, sanglota-t-elle. Je ne veux pas y retourner… Point de vue Shaïnaëlle Je pénétrai dans la chambre du roi après un simple “Entrez”. La pièce semblait vibrer de rage, l’atmosphère lourde et menaçante. Aïden était là, son masque ne couvrant que la moitié de son visage. Ses lèvres, froides et impassibles, étaient visibles tandis qu’il m’observait intensément, un verre de vin à la main. — Approche-toi, ordonna-t-il d’une voix glaciale. Je fis quelques pas hésitants, mes jambes tremblantes. Soudain, il lança son verre contre le mur, le bruit du verre brisé résonnant comme un coup de tonnerre. Puis, dans un accès de rage incontrôlable, il renversa la table, réduisant le mobilier en morceaux. Mon souffle se coupa, mes yeux restèrent figés dans une terreur paralysée. — JE T’AVAIS DIT UNE SEULE CHOSE : OBÉIR ! POURQUOI EST-CE SI DIFFICILE ?! — Je… je ne savais pas… balbutiai-je, la voix presque inaudible. — Tu as de la chance que je te garde pour la nuit de noces, gronda-t-il. Sinon, je t’aurais déjà… Il ne termina pas sa phrase, mais le message était clair. Mon cœur s’alourdit. J’étais une simple pièce dans un jeu cruel. Ce mariage… ce cauchemar… n’était plus une simple menace. C’était devenu ma réalité. Et j’étais piégée.
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