PROLOGUE
Mercredi 10 août« La mer sans arrêt roulait ses galets… » Pelotonnée sur un rocher, ses bras enserrant ses genoux, Anaïs fredonne la chanson de Ferrat. Quelle idiote ! Comment a-t-elle pu y croire ? Les larmes glissent sur ses joues, elle voudrait se moucher, mais ne trouve pas le courage de rejoindre son kayak pour prendre le paquet dans le compartiment étanche à l’avant de l’embarcation. Qu’importe que son nez coule de toute manière, personne ici ne pourra le voir.
« Dehors, ils ont passé la nuit, l’un contre l’autre ont dormi. » Les paroles de Deux enfants au soleil continuent à s’échapper de ses lèvres. Malheureusement pour elle, ils n’auront pas avancé aussi loin dans l’histoire romantique écrite par Claude Delécluse. Pourtant, mer calme, température douce, des conditions idéales pour s’assoupir en amoureux à la belle étoile. Pauvre simplette ! Remplaçant la moustache du grand Jean Ferrat lui vient l’image d’une célèbre blonde évaporée minaudant sa Madrague : « sur la plage abandonnée… » Il manque juste une virgule pour que les paroles s’accordent à la situation : « sur la plage, abandonnée ! »
Un frisson, il est temps d’enfiler sa combinaison et de rentrer, et tant pis pour les remarques de sa mère ! Avec précaution, elle avance sur les galets pour rejoindre sa périssoire : s’étant déjà tordu la cheville huit jours plus tôt – une entorse certes bénigne, mais handicapante – elle n’éprouve pas l’envie de recommencer. Subitement, une main se pose sur son épaule toujours nue. Sursaut ! Le bruit permanent du ressac l’a empêchée d’entendre venir. Elle se retourne vivement et discerne un éclair lumineux, reflet de la lune sur la lame du poignard…