L'Alliance Fragile

730 Words
Les journées d’après ont été lourdes, marquées par la méfiance. L’un veillait pendant que l’autre fermait les yeux, aux aguets du plus petit son étrange. La berline noir ne s’était pas montré depuis, pourtant il semblait encore rôder. Entre Élise et Liam, le lien tenait à peu près comme une pousse en terrain piégé. Il la fixait, guettant ses gestes, comme s’il redoutait un éclat ou une trahison. De son côté, elle remarquait ses mutismes, ses emportements brusques, ces reflets sombres dans ses yeux dès qu’il mentionnait Léa. Un soir, alors qu'un orage grondait au loin, Liam déposa une vieille caisse en fer tachée sur la table de la cuisine. La boîte disparaissait sous la saleté et tenait fermée par un cadenas rouillé. « C'est tout ce qui reste d'eux », dit-il d’un ton bas. « Ce que tes parents avaient planqué avant de... avant que la Fondation ne les prenne. Je Jamais eu le cran de regarder dedans. L’idée de voir ce qu’y avait me fichait la trouille. Peur que ça fasse trop mal. » Il glissa la caisse dans sa direction. « Mais c'est à toi de le faire. C'est ton héritage. » Les mains d’Élise ont tressailli en attrapant la boîte. Le métal semblait glacé. Elle a perçu tout ce que les ans avaient entassé : silences, mémoire, chagrin coincé. Liam lui a glissé un pied-de-biche. Le crissement du fer qui lâche a fendu le calme de la pièce. À l’intérieur, loin de la pluie et du froid, se trouvaient des objets précieux avec des armes pour combattre. Il y avait des lettres, des photos, un carnet de notes Pourtant, ce qui a tapé dans l’œil d’Élise dès le départ, c’était cette image aux couleurs fanées, posée par-dessus tout. Elle la prit délicatement. On y voyait un couple, jeune et souriant. L'homme, Marc, portait un regard malicieux, accompagné d’une ombre de barbe. Celle à ses côtés, Léa, attirait l’œil, cheveux châtains frisottants, nez délicat comme Élise. Entre les deux, une fillette dans les sept ans, tresses en avant, tenue fleurie, agrippait leurs doigts. Son rire large venait de Léa, tandis que ses prunelles claires venaient de Marc. C'était elle. Un frisson muet traversa Élise. Pas une ombre floue ni un prénom griffonné. Non, c’était concret. Un signe tangible d’affection, de lien familial, de joie pure. La confirmation que chaque mot de Liam tenait debout. Elle était réelle. Cette enfant souriante avait bel et bien vécu. « Vois », chuchota Liam, la gorge serrée. Il se tenait derrière elle, les yeux rivés sur l’image. Pas loin d’elle. « Regarde un peu… T’es là, entre Léa et Marc. Ce sont eux. Tes vrai parents. » Des larmes ont coulé, elle n’a rien pu faire pour les bloquer. Pas de la peine, non - plutôt un sentiment fort qui monte. Un peu comme si quelque chose en elle, perdu depuis longtemps, caché Dieu sais où, sortait enfin et criait tout bas : « JE SUIS LÀ ! » Elle ne correspondait pas au "numéro 746". C’était juste une enfant. La gamine de Léa avec Marc. Elle effleura du doigt les sourires figés, presque pour sentir leur énergie au travers de la photo. Ensuite, son regard monta vers Liam. La méfiance avait disparu peu à peu. Maintenant, il ne lui semblait ni froid ni douteux. Il veillait sur ses souvenirs. Relié à son origine par un fil invisible. « Ils tenaient beaucoup à toi », dit-il doucement, le regard brillant comme du métal mouillé. « T’étais leur lumière. » Sur le moment, à la lueur basse de la lampe à pétrole, leur union prit forme. Fini les accords provisoires, finies les alliances poussées par la peur. Non, là, c’était bien plus profond : un lien écrit dans leurs cicatrices partagées, tenu par la rage muette de révéler ce qui avait été caché. Élise déposa lentement la photo, puis fouilla ce qui restait dans la boîte. Maintenant, elle s'y sentait capable. Capable d’affronter tout ce qu’elle allait trouver - papiers, croquis, indices. Capable de mesurer jusqu’où allait cette machination… et de leur tenir tête. Elle ne s'appelait plus Élise Corbin, celle qu'on avait prise petite, la restauratrice solitaire. Elle était la fille de Léa et Marc. Et elle allait terminer le combat qu'ils avaient commencé. Un peu après la moitié du chemin, ça quête personnelle venait de se transformer en une croisade.
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