La Trahison

984 Words
La berline noiree n’est jamais revenue. Pourtant, son ombre flottait autour de la maison, changeant le calme du pays en menace sourde. Ce soir-là, Élise et Liam ont zigzagué entre les volets fermés, guettant au-dehors depuis les chambres hautes, raides comme un ressort trop tirée. Les mots de Liam lui avaient ouvert un vide dans le ventre ; pourtant, ils avaient renforcé ce qu’elle sentait. Plus aucun doute - chaque fibre criait que ses paroles étaient vraies. C’est dans ce calme tendu que le portable d’Élise a vibré, brisant tout d’un coup sec la tension. Le timbre criard l’a fait sursauter. Son pouls s’est emballé. Personne hormis Chloé ou sa mère n’avait cette ligne-là. Pourtant, sa mère ne chercherait joindre, jamais. C'était Chloé. Liam la fixa, l'air méfiant, perplexe. « C’est qui ? — Ma copine. La seule à qui j’ai donner ce numéro. » Elle marqua une pause puis répondit. « Oui ? — Élise ! Bordel, t’en as mis du temps, j’allais craquer ! » Chloé parlait vite, stressée, pas comme d’habitude. « Chloé, t'as un truc qui cloche ? Tu as l’air…. — Écoute-moi. L'atelier a été braquer. Cette nuit. » Un frisson traverse Élise. « Hein ? — Ouais. Ils ont crocheté la serrure. Le plus bizarre, c’est qu’ils n’ont pris… strictement rien, nada. Pas un seul objet, ni fringues, ni babioles sur les meubles. Ce qu’ils ont défoncé ? ton bureau. Ils ont tout retourné, les tiroirs vidés, les dossiers éparpillés. On dirait qu'ils cherchaient quelque chose de précis. » Élise a fermé les paupières, le dos de sa main contre la tempe. La clé USB… C’était ça qu’ils voulaient. En fait, n'importe quel indice rapporté par elle suffisait. « Et ce n’est pas fini, » ajouta Chloé, murmurant maintenant, comme si quelqu’un pouvait écouter. « Ce matin-là, un gars s’est pointé. Plutôt bel homme, l’air sûr, costard sur mesure, sourire parfait. Il sort une carte : Fondation Mnémosyne. Rien moins que le docteur Laurent Vasseur en chair et en os. » Le prénom a claqué sec. Liam, qui voyait son visage se décomposer, « Il était vraiment… » tenace, a relancé Chloé. « Il prétendait être inquiet à ton sujet, affirmant t’avoir trouvée bizarre pendant votre entrevue. Du coup, il a demandé pas mal de détails : tes routines, tes nouvelles passions, ce que tu deviens ces temps-ci. On aurait dit qu’il fouillait après un truc précis, ou peut-être une personne. Je lui ai expliqué que tu étais parti en retraite spirituelle, sans plus rien ajouter. Il semblait dubitatif, comme s’il pensait que je mentais. Élise, franchement, dans quel merdier t’es encore entrée ? C’est qui ce mec, sérieux ? J’ai carrément la trouille chaque fois qu’il parle. » La peur dans la voix de Chloé se sentait nettement, c’était du vrai. Pour la première fois depuis que tout ce délire avait commencé, Élise eut l’impression de ne plus être toute seule. Chloé ne la sermonnait pas ni ne suppliait pour qu'elle rentre. Elle mettait en garde. Et qu’avec elle, elle affrontait la tempête. « Chloé, écoute-moi. Ce type-là, il fout la trouille. Vraiment flippant. Raconte-lui plus aucun truc. Évite-le carrément. Comporte-toi normalement. — T'inquiète pas, j’ai zero envie de reparler à ce type froid comme un reptile. Toi par contre, t’es où exactement ? Tu risques rien au moins ? — J’… j’suis chez des proches. » Ce mots-là lui chauffait les lèvres, pourtant c’était exact. « Je suis en sécurité pour l'instant. Je ne peux pas en dire plus. » — OK. Entendu. » Un blanc s’installa, avant que Chloé reprenne, ferme. « J’ignore ce qui se passe pour toi, seulement je suis présente. Besoin d’un coup de main ? Un endroit où aller, du fric, un alibi… tu composes ce numéro. Jamais celui d’avant. » . — Chloé, j’peux pas t’mêler à tout ça, c’est juste…. — T'es ma meilleure amie, espèce de cruche. On s'implique. Maintenant, fais gaffe à toi. Je raccroche. » La connexion a été perdue. Élise est restée figée quelques secondes, l’appareil collé à l’oreille, presque pour sentir encore un peu ce calme habituel, cette fidélité sans faille. « Bon alors ? » lança Liam, l'air pressé. Elle lui rapporta tout, mot pour mot. Puis il y eut ce vol bien précis. La visite de Vasseur. Il en a rajouté une couche. Ensuite les flics ont raconté des bobards. Liam écoutait, l’air de plus en mauvais. « Ils nettoient les traces. Ils cherchent la clé USB. Et ils te traquent. Vasseur en personne… T’es pas juste un problème pour eux - t’es une menace. » Il la fixait, un éclat différent dans les yeux. Pas ceux qu’il avait hier. « Ton amie… elle a du cran. En plus, elle capte vite. Avec elle, on serait moins perdus. » Élise fit signe que oui, le cœur rempli de remerciements profonds. Chloé, qu’elle jugeait superficielle avant, s’est montrée d’un soutien inattendu. Pendant ce temps, Vasseur, cet homme vu comme proche de leur cercle, s’avère être celui qui cache une trahison sournoise. Les loyautés venaient de se réorganiser d’un claquement de doigts. D’abord, une complice imprévue. En face, un adversaire sans surprise. « Ils sont au courant que je cherche, » souffla Élise. « Pas moyen qu’ils me retiennent encore.» Liam a souri, mais pas vraiment. « Tu arrives en pleine bagarre, Élise. Dès maintenant, ils feront plus que t’épier. Ils partiront à tes trousses… pour te faire taire. » Le visage d’Élise changea. Qu’ils viennent, après tout. Son oncle était là, armé pour l’aider, pendant que son amie surveillait les arrières. Enfin, plus question de subir - elle se sentait prête à agir. « On ne va pas les laisser faire, Liam. On va les arrêter. À nous de passer à l’action. » Le plan était encore flou, la route incertaine. Mais l'ennemi avait un visage, et son camp avait désormais un nom.
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