Chapitre 10

1322 Words
Chapitre 10 — Papa ? appela-t-elle depuis le couloir. Aucune réponse. Elle fronça les sourcils, posa les clés sur la console et s’avança plus loin dans la maison. — Papa ? Toujours rien. Elle laissa échapper un petit grognement. — Sérieusement, j’ai hurlé ton nom dans toute la maison, murmura-t-elle pour elle-même. Au même moment, Laurent apparut dans le couloir, les cheveux légèrement ébouriffés, l’air détendu. — Oh, te voilà. Désolé, j’étais dans la chambre, je faisais une petite sieste. — Merde, j’ai failli croire que vous étiez sortis ! s’exclama-t-elle en riant, un peu exaspérée. Laurent haussa les épaules avec un sourire calme. — Non, non. J’étais juste un peu fatigué. Merci pour les documents, tu les as trouvés ? — Oui, oui, tout était là. J’ai même dû attendre la secrétaire, elle allait fermer, répondit-elle en lui tendant la pochette. Il la prit et la posa sur la table du salon. — Parfait, tu me rends un grand service. Et Léa, elle est où ? Simone hésita une fraction de seconde. — Euh… elle était sous la douche tout à l’heure, répondit-elle en jetant un coup d’œil rapide vers le couloir. Elle va sûrement pas tarder à ressortir. — D’accord, dit Laurent simplement. Simone, elle, poussa un long soupir et regarda sa montre. — Mince… il est déjà presque l’heure de repartir à la fac. Elle laissa tomber son sac sur le canapé, épuisée. — J’ai même pas eu le temps de me reposer. Laurent la regarda avec une pointe de tendresse. — Prends au moins quelques minutes pour souffler. Tu en fais trop, ma chérie. — Oui, mais si je m’allonge maintenant, je vais m’endormir et rater le cours, répondit-elle en se massant la nuque. Elle s’affala un instant sur le canapé, ferma les yeux, puis se redressa brusquement. — Bon, je vais chercher Léa et on y va. Elle disparut dans le couloir, laissant son père seul dans le salon. Laurent passa une main dans ses cheveux, fit quelques pas vers la fenêtre. Un silence flottait, presque étrange. Dans le fond, on entendait l’eau couler encore un peu, puis s’arrêter net. Laurent esquissa un sourire discret, presque imperceptible, avant de reporter son attention sur les documents qu’il venait de recevoir. Mais son esprit, lui, semblait ailleurs. (...) Simone poussa doucement la porte de sa chambre et y trouva Léa, assise au bord du lit, en train de passer un peigne dans ses cheveux encore humides. La vapeur de la douche flottait encore légèrement dans l’air, mêlée à l’odeur fraîche du shampoing. Simone s’effondra sur le lit, à moitié allongée, un coussin sous la tête. — J’en peux plus. J’ai pas eu une minute pour me reposer. Mon père trouve toujours un truc à me faire faire quand je rentre, c’est fou. Léa rit doucement, posant son peigne sur la table de chevet. — Oui, mais avoue que c’est gentil de ta part de l’aider. C’est bien, tu rends service. Simone leva les yeux au plafond et grogna. — Ouais, sauf que là, je rends service à la moitié de la ville ! Entre ses dossiers, les courses, les papiers… j’ai l’impression d’être son assistante personnelle. Léa sourit, attendrie par son amie. — Il t’aime beaucoup, c’est pour ça. Et puis, toi au moins, t’as quelqu’un avec qui vivre, quelqu’un à aider. Simone tourna la tête vers elle, intriguée par la douceur dans sa voix. — Tes parents te manquent, hein ? Léa baissa un instant le regard. — Oui… énormément. Depuis que je suis ici, c’est un peu vide parfois. Ils m’appellent souvent, mais ce n’est pas pareil que d’être avec eux. Un silence apaisé suivit ses mots. Simone se redressa légèrement, la regardant avec compassion. — Je comprends. Mais bientôt ce sera les vacances. Et après notre stage académique, tu pourras rentrer les voir. Léa hocha la tête, un léger sourire sur les lèvres. — Oui, tu as raison. Ça me fera du bien de les revoir, de me retrouver un peu à la maison. Simone lui donna une petite tape sur le genou. — Exactement ! Et moi je viendrai peut-être te rendre visite. Tes parents m’adorent, non ? Léa rit. — Oui, surtout ma mère. Elle te trouve “énergique et impossible à ignorer”. — C’est un compliment, ça, je le prends ! lança Simone en riant à son tour. L’ambiance redevint légère, presque insouciante. Les deux amies continuèrent de bavarder quelques minutes, parlant de leurs cours, de leurs stages à venir, de leurs projets d’avenir. Mais derrière le calme de Léa, quelque chose restait suspendu. Elle avait beau sourire, écouter, répondre, une partie d’elle n’était pas totalement là. Quelque part, dans un coin de son esprit, elle sentait encore ce trouble discret, celui qu’elle n’osait pas nommer — ce mélange d’attirance et de culpabilité qu’elle ressentait depuis qu’elle avait croisé à nouveau le regard du père de Simone. Et pourtant, elle se força à chasser cette pensée. Elle se répéta qu’elle n’avait pas le droit d’y penser. Que c’était insensé. Mais les émotions, elles, ne se contrôlent pas toujours aussi facilement que la raison. Simone se leva soudain, attrapa son sac et lança gaiement : — Bon, il est temps qu’on y retourne, sinon on va finir par être en retard ! — Oui, allons-y, répondit Léa en se levant à son tour. Elles quittèrent la chambre ensemble, leurs rires résonnant dans le couloir. Mais en passant devant le salon, Léa sentit, l’espace d’un instant, le regard discret de Laurent se poser sur elles. Un simple échange de quelques secondes mais suffisant pour réveiller, une fois de plus, le trouble qu’elle essayait tant d’étouffer. Simone et Léa descendirent ensemble les escaliers, leurs sacs sur l’épaule. Laurent était là, debout près du bureau, feuilletant quelques dossiers. Il leva la tête en entendant leurs pas. — Vous repartez déjà ? demanda-t-il d’un ton calme. — Oui, répondit Simone. On a encore un cours dans une heure, et si on veut éviter les embouteillages, faut qu’on y aille maintenant. — D’accord, fit-il en hochant la tête. Conduis prudemment, d’accord ? — Toujours, promit-elle avec un sourire. Léa resta un instant silencieuse, debout à côté de son amie. Son regard croisa brièvement celui de Laurent. Il lui adressa un sourire simple, mais sincère. — À bientôt, Léa. Et merci encore pour ta compagnie, c’était agréable de te revoir ici. Elle sentit sa gorge se serrer un peu. — Merci à vous… et encore désolée d’avoir un peu envahi la maison ces derniers temps. — N’en parle pas, répondit-il doucement. Tu es la bienvenue, tu le sais. Elle esquissa un petit sourire gêné, incapable de soutenir son regard trop longtemps. Puis Simone l’entraîna dehors d’un geste vif. — Allez, file, on va être en retard ! Elles quittèrent la maison dans une vague de rire et de bavardage, leurs voix s’éloignant dans le jardin. Laurent resta quelques secondes immobile, à observer à travers la baie vitrée. Le moteur de la voiture ronronna, puis disparut dans la rue. Il soupira, appuya les mains sur le dossier d’une chaise. Dans la pièce redevenue silencieuse, il sentit une drôle de sensation pas vraiment du désir, pas non plus de la gêne, mais quelque chose d’intrigant. Léa lui avait laissé une impression. Sa douceur, sa timidité, son regard parfois fuyant mais sincère. Il se surprit à sourire malgré lui. — C’est une bonne petite, murmura-t-il à mi-voix. Il se redressa, prit une inspiration, puis se détourna vers ses papiers, comme pour chasser cette pensée. Mais au fond de lui, il savait qu’il repenserait à cette après-midi plus d’une fois. Pas parce qu’elle était interdite ou troublante mais parce qu’il y avait dans cette jeune fille quelque chose de rare. Une lumière, une sincérité simple, qui contrastait avec le monde froid et calculé dans lequel il évoluait chaque jour. Et, malgré lui, Laurent s’était surpris à apprécier ce moment de calme inattendu.
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