Justina
— Quand est-ce que tu me présentes ton homme ?
— Quel homme ?
— Celui avec qui tu sors. Le seul que tu fréquentes en ce moment.
— Je n’en ai pas encore.
— Donc tu m’as menti quand tu disais avoir rompu avec tous ceux que tu fréquentais ?
— Maman Stéphania, on peut passer un bon moment sans que tu ramènes toujours la conversation là-dessus ?
— Je pose juste une question.
— Grande sœur, tu m’as demandé de recommencer l’église, je l’ai fait. Pour le reste, j’avance doucement. J’ai déjà coupé les ponts avec la plupart de ceux que tu connais.
— Jure.
— Je te le promets. *Mentis-je sans ciller.*
— Très bien.
— Il faut rompre avec les autres aussi. Et choisir un seul avec qui construire quelque chose.
— D’accord, chef.
— Et commence à penser aux fiançailles, au mariage, et aux enfants. Je veux être tante, moi !
— Mémé, plutôt. Tu es ma petite maman d’amour.
— Peu importe ! Je veux juste garder tes enfants, les laver, en prendre soin, les porter dans mes bras, sur mon dos… Je veux que tu connaisses ce bonheur unique d’être mère. De sentir une vie grandir en toi et de lui donner naissance. Tu m’entends, chérie ?
— Oui ?
— C’est la plus belle chose qui puisse arriver à une femme, et je veux que tu la vives.
— D’accord, dis-je en retenant un fou rire.
Moi, des fiançailles ? Un mariage ? Des enfants ? Pas pour tout de suite ! Peut-être un jour… mais clairement pas maintenant. Pour l’instant, je me contente parfaitement de ses enfants à elle, que j’adore. Ça me suffit amplement.
Je viens tout juste de licencier une employée. Aucun regret. Je ne savais même pas qu’on pouvait être à la fois aussi impolie et aussi incompétente. Pas question qu’elle bousille mon business. Elles font pitié quand elles cherchent du boulot, jouent les modèles de vertu… et dès qu’on leur donne leur chance, c’est le chaos.
Je sors du bureau, furieuse, et me dirige vers ma voiture. Je déverrouille les portières à distance, m’installe au volant, puis je sens quelque chose sous mon pied. Je fouille et tombe sur le passeport du monsieur que j’ai dépanné plus tôt. Sérieusement ? Je croyais le lui avoir rendu ! Super… je vais encore devoir faire tout un détour. Et c’est un passeport diplomatique, en plus. Pas le choix : il faut le lui restituer.
Je le dépose bien en vue sur le tableau de bord pour ne pas l’oublier. Je soupire. J’ai tellement de choses en tête… Je redémarre, pas franchement enthousiaste. J’avoue, je suis une vraie paresseuse quand il s’agit de conduire. Quand j’ai trop de courses, je fais appel à Tchalé, le chauffeur de mes neveux. C’est moi qui le paie, donc il est aussi à mon service, un point c’est tout.
Quelques minutes plus tard, je me gare devant l’immeuble où je l’ai déposé. Je descends, passe les portes de l’entrée et m’approche de la réception.
— Bonsoir madame.
— Bonsoir, soyez la bienvenue.
— Merci.
— Que puis-je faire pour vous ?
— Je souhaiterais voir Monsieur Naïm Fatondji, dis-je en consultant le passeport.
— C’est à quel sujet, s’il vous plaît ?
— Je dois lui remettre un document important.
— Il est actuellement en réunion, il ne peut pas vous recevoir. Mais vous pouvez me laisser le document, je lui transmettrai dès qu’il sera disponible.
— D’accord. Tenez. Je lui tends le passeport et me retourne.
— Un instant, madame.
— Oui ?
— Pourriez-vous me laisser votre nom et votre numéro de téléphone ?
— Désolée. Contentez-vous de lui remettre son passeport et dites-lui qu’il l’a oublié dans la voiture de la dame qui l’a dépanné ce midi. Il comprendra.
— Très bien. Merci, madame.
— Je vous en prie.
Je ne donne pas mon numéro à n’importe qui. Direction la maison. Je ne vais pas retourner au centre commercial. Je passerai mes instructions par téléphone.
Depuis que j’ai ouvert mon centre, j’y passe presque toutes mes journées. Être son propre patron, c’est la liberté de bosser depuis le bureau ou de gérer depuis chez soi. Mais c’est aussi une sacrée pression. Tu veux que tout fonctionne, alors tu t’en demandes toujours plus.
Je dois absolument me reposer un peu avant la soirée entre filles avec Claudia. Mon esthéticienne doit déjà m’attendre à la maison, impatiente. Mais bon, c’est moi qui l’emploie, alors elle attendra.
La beauté a un prix. Dans le monde que je fréquente, l’apparence est une carte de visite. Il faut investir de la tête aux pieds pour se faire remarquer. Et ça, je le fais à la perfection. Mon corps est ma première arme de séduction, je l’entretiens au quotidien.
Même pour une simple sortie entre filles avec Claudia — surtout un vendredi soir —, on se prépare comme pour une opération spéciale. Virée nocturne, tournée des meilleures boîtes de la ville… et dans ces lieux-là, on ne sait jamais sur qui on peut tomber. Il faut toujours être prête.
Alors ce soir, c’est : soin du corps, soin du visage, et au moins deux petites heures de sommeil pour briller jusqu’au bout de la nuit.