Chapitre 4 : UN PÈRE EN RETRAIT
Après un trajet rapide en voiture, les deux frères arrivèrent enfin devant la maison familiale. C’était une grande bâtisse de pierres, pleine de souvenirs d’enfance, nichée au milieu d’un jardin soigneusement entretenu. Ils échangèrent un regard rapide, puis Théophile ouvrit la porte d’entrée sans hésitation.
En entrant dans le hall, l’odeur familière de la maison les accueillit, mêlée au parfum des fleurs fraîchement cueillies que leur mère aimait toujours disposer dans des vases un peu partout.
La maison semblait calme, apaisante, comme si rien de grave ne s’était jamais produit entre ses murs. Pourtant, l’inquiétude qui pesait dans leurs cœurs contredisait cette impression.
Ils avancèrent rapidement dans le salon, où ils trouvèrent leur mère assise dans son fauteuil préféré, plongée dans un livre.
Ses lunettes étaient légèrement baissées sur le bout de son nez, et elle leva la tête en entendant la porte s’ouvrir. Un sourire radieux éclaira immédiatement son visage en voyant ses deux fils entrer.
« Mes garçons ! » s’exclama-t-elle en posant son livre sur la petite table à côté d’elle. Elle se leva avec élégance et s’approcha d’eux pour les embrasser.
« Salut maman, » dit Thomas en l’enlaçant brièvement. Théophile suivit, avec son habituel sourire chaleureux.
« Ça fait plaisir de te voir, » ajouta Théophile en lui rendant son b****r sur la joue.
« Oh, je suis si contente de vous revoir tous les deux ensemble, » dit-elle, en les observant avec tendresse. « Vous avez l’air en forme. Mais dites-moi, qu’est-ce qui vous amène ici si précipitamment ? Vous n’avez pas prévenu de votre venue. »
Les deux frères échangèrent un regard, l’atmosphère devenant plus sérieuse.
« Maman, où est papa ? » demanda Thomas.
Le sourire de leur mère se dissipa légèrement, comme si elle comprenait que quelque chose d’important se préparait.
« Il est à l’étage, dans son bureau, » répondit-elle calmement. « Il vous attend. Il avait l’air préoccupé. »
Sans perdre une seconde, Thomas et Théophile se mirent en marche, gravissant les escaliers à toute allure, presque en courant. Les bruits de leurs pas résonnaient dans la maison alors qu’ils montaient à l’étage, une légère tension flottant entre eux.
Leur père n’était pas homme à demander de telles réunions à la légère, et cette urgence leur donnait à tous deux un sentiment d’appréhension.
Arrivés devant la porte du bureau de leur père, Thomas frappa légèrement avant de l’ouvrir.
Ils trouvèrent leur père assis à son grand bureau en bois massif, ses lunettes sur le nez, en train de feuilleter des documents. À leur entrée, il releva la tête, son expression grave mais pleine de chaleur à la vue de ses deux fils.
« Ah, vous êtes là. Entrez, asseyez-vous, » dit-il d’une voix basse mais autoritaire, en désignant les deux chaises en face de lui.
Les jumeaux obéirent, s'installant rapidement sans un mot. L’ambiance dans la pièce était différente, presque oppressante, alors que leur père les regardait longuement, comme s’il cherchait les bons mots à dire.
Thomas, ne tenant plus, prit la parole en premier.
« Papa, qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi tu nous as fait venir aussi vite ? »
Leur père soupira, retirant ses lunettes pour les poser délicatement sur le bureau. Il les regarda avec une intensité qui n'était pas habituelle chez lui.
« Ce que j’ai à vous dire est important, » commença-t-il. « C’est quelque chose que vous devez savoir tous les deux... et ça ne pouvait pas attendre. »
Le père prit une grande inspiration, comme s’il cherchait à alléger un poids invisible sur ses épaules. Il regarda tour à tour Thomas et Théophile, ses deux fils, avant de commencer d’une voix plus posée, presque solennelle.
« Je suis fatigué, » dit-il, ses mots lourds de sens. « Fatigué d’aller à l’entreprise tous les jours, de revenir chaque soir exténué… »
Les deux frères, jusque-là silencieux, échangèrent un regard surpris. Ils n’avaient jamais entendu leur père se plaindre de cette manière. Martin Compagnie, l’entreprise familiale qu’il avait bâtie de ses mains, était toujours vue comme sa fierté, son œuvre de vie. Entendre parler de fatigue de sa part était choquant.
« Vous savez combien j’aime cette entreprise, » continua-t-il. « Mais je me rends compte que je n’ai plus l’énergie pour la gérer comme avant. Il est temps pour moi de passer à autre chose. J’ai besoin de prendre du recul… de prendre ma retraite. »
Un silence pesant tomba dans la pièce. Théophile et Thomas étaient abasourdis par cette déclaration soudaine. L’idée que leur père puisse prendre sa retraite ne leur avait jamais traversé l’esprit.