Réveil dans l’inconnu

1590 Words
Je me réveille doucement, comme si je sortais d'un rêve lointain. La lumière, douce et tamisée, filtre à travers un rideau fin, caressant mon visage fatigué. Autour de moi, tout est calme, propre, presque irréel. Je suis allongé sur un lit, et quand je bouge mes mains, je réalise que mes vêtements ont changé. Ils sont doux, confortables, bien trop différents de mes habitudes habituelles, celles que je porte dans la forêt. Je cligne plusieurs fois des yeux, tentant de rassembler mes pensées embrouillées. Où suis-je ? Comment suis-je arrivé ici ? Mon cœur bat vite, un mélange d'appréhension et de curiosité qui me serre la poitrine. Je n'ai aucun souvenir précis de ce qui s'est passé après ma chute. Je me redresse lentement, prenant le temps d'observer la pièce autour de moi : murs clairs, quelques meubles en bois sculpté, une petite fenêtre laissant entrer la lumière du matin. Tout est étrangement paisible, mais je me sens étranger à cet endroit. Je murmure à moi-même pour calmer ce tourbillon d'émotions : « Où suis-je… ? » Je me lève lentement, sentant sous mes doigts la texture douce de la chemise que je porte. Elle m'arrive à mi-cuisse, ample, propre, bien trop confortable pour quelque chose que j'aurais pu posséder. Son tissu est parfumé, subtilement, comme un mélange de lavande et de bois sec. Une senteur presque… rassurante. Je prends le temps de regarder autour de moi. La chambre est claire, chaleureuse, avec ses murs de pierre claire et ses poutres en bois. Une couverture pliée repose au pied du lit. Une table, une chaise, une commode modeste. Rien d'ostentatoire, mais tout est soigné. Je tends la main vers la poignée, curieux, hésitant… puis j'ouvre doucement la porte. Mais à l'instant même où le battant pivote, un jeune homme surgit visiblement sur le point d'entrer. Il s'arrête net en me voyant, les yeux écarquillés. Instinctivement, la peur m'envahit. Mon cœur bondit. Sans réfléchir, je bats des ailes et m'élève brusquement, me réfugiant contre l'un des pièces du plafond, dans l'ombre, les bras répondent contre moi. Mon souffle est court, mes yeux rivés sur lui. Lui ne bouge pas. Il me regarde, surprise… mais pas menaçant. Le jeune homme est mince, de taille moyenne, et il dégage une chaleur étrange. Sa peau est pâle, presque laiteuse, et ses cheveux, d'un brun clair aux reflets dorés, retombent en mèches douces autour de son visage. Il a de grands yeux ambrés, d'une douceur troublante et un air naturellement bienveillant, presque enfantin. Il porte une tunique beige simple, ceinturée à la taille et des bottes souples. Tout en lui respire la douceur, l'ouverture, mais aussi une forme de vulnérabilité. Je me suspends encore au plafond, mes ailes plaquées contre le mur, le cœur battant à tout rompre. Loin du confort du lit, j'observe ce jeune homme inconnu qui vient d'entrer. Il ne semble pas hostile… juste étonné. Et un peu désolé aussi. « Tu n'as rien à craindre », dit-il en levant doucement les mains, un sourire gêné au coin des lèvres. « Je ne vais pas te faire de mal. Je suis Arlen. » Il fait un pas en avant, prudemment, comme s'il s'approche d'un oiseau blessé. Je reste là, figé, sans réponse. Arlen continue, d'une voix douce : « Ce n'est pas moi qui t'ai trouvé. C'est Lyam, notre Alpha. Il t'a ramené ici quand il t'a découvert dans la forêt. Tu étais… vraiment mal en point. » Le mot me percute : Alpha . Je fronce les sourcils, incapable de cacher ma confusion. —Alpha ? Arlen s'arrête, puis incline légèrement la tête en m'observant. Ses yeux ambirés se plissent doucement, et son sourire s'adoucit encore. « Tu ne sais pas ce que c'est, n'est-ce pas ? » Je secoue la tête, un peu honteux, et redescend lentement. Mes ailes battent doucement l'air alors que mes pieds touchent le sol, silencieusement. Arlen continue, comme s'il parlait à un enfant curieux : « Une meute, c'est… une grande famille. Pas toujours lié par le sang, mais par des liens forts, par la loyauté. Et l'Alpha, c'est celui qui guide, qui protège, celui à qui on confie nos vies. » Il marque une pause, m'observe, puis ajoute, presque amusé : « Tu viens vraiment de loin, hein ? » Je baisse les yeux, un peu honteux, mais il rit doucement. Pas pour se moquer. Plutôt comme s'il trouvait ma présence touchante. « T'en fais pas. Lyam aura quoi faire avec toi. » Je reste debout, silencieux. La pièce me semble à la fois accueillante et étrangère. Tout comme Arlen, en fait. Il ne bouge plus, mais ses yeux ne quittent pas les miens. Ils sont ambrés, brillants, comme du miel tiède sous la lumière du matin. Pas de malice, pas de jugement. Juste… une forme de bienveillance que je ne sais pas comment accueillir. « Tu veux t'asseoir ? » propose-t-il en montrant une chaise près du lit. « Ou... reste debout, ou t'envoler encore, hein, à toi de voir. » Un sourire se dessine sur ses lèvres. Moqueur ? Non. Je plaisante. Pour détendre l'atmosphère. Je hoche la tête timidement et retourne vers le lit. Mes ailes ont répondu contre mon dos frémissent un peu, comme si elles hésitent aussi à se détendre. Je m'assois sans un mot. Mes jambes nues pendent légèrement, ne touchant pas tout à fait le sol. Arlen s'approche à petits pas, pas trop près. Il s'accroupit à une distance respectueuse, comme s'il parlait à un animal sauvage. « Tu t'appelles comment ? » demande-t-il avec douceur. Je baisse les yeux, mes doigts se serrent sur le tissu de la chemise. « Néryn. » Il répète le nom à mi-voix, avec un sourire sincère. « C'est joli. Très doux. Un peu comme toi, j'imagine. » Je hausse un sourcil. Moi ? Doux ? Si seulement il savait. Je suis né d'un monde où tout est règles, silences et attentes. Je n'ai rien de doux. Je suis une anomalie. « D'où tu viens, Néryn ? » Je réfléchis. Comment lui expliquer Noctervine ? Les fées, l'Arbre-Mère, les rires forcés et les ailes brillantes qui battent pour une vie qu'on n'a pas choisi ? « Une forêt », je réponds enfin. « Loin d'ici. » Arlen incline la tête, intrigué. « Y a pas de meutes, là-bas ? Pas d'Alpha ? » Je secoue la tête. « Il n'y a que des fées. Toutes les filles. Toutes… pareilles. » Arlen se redresse un peu, s'installe par terre, jambes croisées. Il me regarde avec une fascination qui semble sincère. « Alors t'es… le seul garçon ? » Je hoche la tête. Un silence. Puis un petit souffle admiratif. « Ouah. Tu dois avoir une histoire sacrée. » Je ris, mais sans joie. « Ce n'est pas une histoire. C'est juste... ma vie. » Arlen me regarde, puis baisse les yeux un instant. « Tu sais… ici, on n'a pas besoin d'être comme les autres. » Je tourne la tête vers lui. Le silence retombe un instant entre nous, doux et presque apaisant. Je sens que mon cœur ralentit un peu. Mon souffle aussi. J'ai encore peur, bien sûr, mais la présence d'Arlen m'aide à ne pas m'effondrer. Il se redresse finalement avec train. « Tu dois avoir faim. Je vais chercher quelque chose. Bouge pas, j'vais te trouver un petit truc léger. » Je hoche la tête sans répondre, et le regard sort de la pièce. Sa démarche souple, presque dansante. Comme si tout en lui était fait pour rassurer. Quelques minutes plus tard, il revient avec un plateau. Une soupe fumante, un pain encore tiède, des fruits coupés, et une tasse fumante à l'odeur douce. Je fronce un peu le nez, méfiant. « Tu peux goûter si tu veux, je te promets que c'est pas empoisonné », dit-il avec un clin d'œil malicieux. Je m'assois sur le lit, et il pose le plateau sur mes genoux. Mes doigts tremblent un peu, mais la chaleur du bol m'ancre dans le moment. Je prends une première gorgée. C'est simple. Doux. Nourrissante. J'avale lentement, en silence, tandis qu'il s'installe à nouveau à mes pieds, en tailleur. « T'as eu de la chance que ce soit Lyam qui t'ait trouvé. » Je relève les yeux vers lui, intrigué. « C'est notre Alpha », poursuit-il. « Il a le don de flairer quand quelqu'un est en danger, même si c'est à des kilomètres. » « Il est… commentaire ? » Ma voix est un peu plus timide. Arlen sourit doucement, presque avec une sorte de respect silencieux. « C'est quelqu'un de... particulier. Calme, mais puissant. Toujours juste, même s'il parle peu. Il voit à travers les gens, je crois. Moi, la première fois que je l'ai rencontré, j'ai cru qu'il lisait mes pensées. » Je l'écoute un peu suspendu à ses mots. Quelqu'un a choisi en moi vibre doucement à ce nom. Lyam. Arlen continue, en regardant distraitement par la fenêtre. « Il te plaira, je pense. Il n'a pas peur de ce qui est différent. Et crois-moi, dans ce monde, c'est rare. » Je baisse les yeux, une miette de douleur entre les doigts. « Il rentre quand ? » « Cet après-midi. Il avait des affaires à régler plus loin dans la vallée. Il sera content de te voir réveillé. » Je ne sais pas pourquoi, mais mon cœur rate un battement. Peut-être est-ce la faim. Ou la fatigue. Ou alors… ce prénom qui résonne en moi comme un écho venu d'un rêve.
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