CHAPITRE 4-2

2001 Words
— Vous pouvez allumer vos tablettes ! lance le seul agent encore présent. Je n’ai même pas vu les autres sortir. Il regarde la sienne : — Vous avez une heure ! La main tremblante, je m’exécute. En premier lieu, je remplis les éléments évidents : nom, prénom, date de naissance. Puis, avec une grande inspiration, j’attaque la lecture des questions. Il me faut lire les premières plusieurs fois pour que le stress commence à se dissiper et, qu’enfin, j’en comprenne le sens. Je parcours rapidement tous les énoncés avant de pousser un soupir de soulagement. Ce sont pour l’essentiel des questions d’Histoire (IVème Guerre Mondiale, mise en place du N.O.M), sur les lois, sur la vie sous les coupoles. Il y en a aussi quelques-unes sur les différentes villes du N.O.M. (leurs spécialités, leurs Gouverneurs…). Alors, comme à chaque examen, je ferme les yeux, souffle un grand coup et m’enferme dans ma bulle. Les réponses défilent, je coche les bonnes cases sans m’arrêter, sans relever la tête, sans me poser de question. J’ai l’impression d’être dans un état second. Lorsque j’ai un doute, je ne prends pas le temps de réfléchir, je passe à la question suivante. Je reviendrai sur celles qui m’ont posé problème à la fin. Finalement, il y en a très peu et quand j’arrive enfin au bout, je m’aperçois que je suis la première à avoir terminé. Je me relis une dernière fois, puis, satisfaite de mes réponses, je me lève pour aller remettre ma tablette à l’agent. J’entends qu’Alex grogne une remarque désobligeante, mais je n’y fais pas attention. L’agent attrape l’appareil, le pose sur son bureau puis regarde l’heure : — Retournez à votre place. L’épreuve termine dans dix minutes, vous n’avez pas le droit de vous promener sans surveillance. J’acquiesce et regagne ma chaise. Peu de temps après, il annonce la fin, ramasse les écrans et nous invite à nous rendre à notre test suivant : le QI. Dans le hall je ne croise pas Aurore et Simon, de toute façon, plusieurs agents sont dispersés dans le lieu pour s’assurer que nous n’échangeons pas d’information. Nous n’aurions même pas pu parler. Nous pénétrons dans une nouvelle salle, en tout point identique à la première. Je me demande un instant pourquoi ils nous en font changer, ils auraient très bien pu nous faire passer les différents tests dans une seule d’entre elles, mais je ne m’appesantis pas là-dessus. Ils doivent avoir leurs raisons. Le test de QI dure une heure également, il se passe très bien. De toute façon, je connais déjà mon QI : nous sommes testés tous les deux ans. À chaque fois avec une nouvelle méthode, mais cela ne change rien au final. J’atteins toujours le même score : 152. Aurore est toujours un peu au-dessus de moi, avec un score de 157. Simon, c’est un mystère, il n’a jamais voulu nous le dévoiler. Cet examen est donc pour moi une formalité, qui loin de m’inquiéter, me semble être une pause bienvenue dans cette journée stressante. L’angoisse réapparait au moment du test de maths. La main sur l’écran où défile les mots : INTERDICTION D’ALLUMER AVANT LE SIGNAL, je passe en revue le programme de la dernière année. Ce n’est pas ma matière de prédilection, je n’ai pas la patience pour les calculs et une boule tombe sur mon estomac lorsque je me rends compte que ma tête est vide. J’ai l’impression de ne plus rien savoir. L’agent nous donne le signal, j’allume ma tablette, et tente de comprendre les graphiques et les chiffres qui s’étendent dessus. Nous avons encore une fois une heure et il me faut bien un quart d’heure pour parvenir à rassembler mes esprits. Plus le temps passe, plus je m’interroge sur ce qu’il m’arrivera si jamais je rends copie blanche. Mon regard s’arrête enfin sur une question qui me parle. J’effectue rapidement le calcul, le vérifie, il me semble juste, alors je note la réponse. C’est le signal qu’attendait mon cerveau pour se débloquer. Je m’enferme une nouvelle fois dans ma bulle et ne reprends pied avec la réalité que lorsque la voix de l’agent s’élève : — Plus que cinq minutes ! Je lève les yeux. Autour de moi, beaucoup ont déjà terminé. L’angoisse tente de s’installer à nouveau, mais je me referme aussi sec. Il me reste deux questions, il est inenvisageable que je passe à côté. Dans un soupir de soulagement, je mets le point final au moment où l’agent récupère les épreuves des derniers. Je sais que je n’aurais pas tout juste, mais, dans l’ensemble, je suis satisfaite. Un instant, je pense à ma sœur. Elle, qui adore les maths, a dû réussir cette épreuve haut la main il y a deux ans. Pour l’IRM, nous passons un par un, du coup les autres attendent devant la salle. Je m’aperçois que Félicia et Alex se sont rapprochés, ils font des messes basses en riant et en m’observant. De mon côté, je les fusille du regard. J’en viens à espérer qu’ils seront tous les deux envoyés chez les Oubliés ! Les noms s’enchaînent. Je suis l’une des dernières de la liste ce qui n’est pas fait pour calmer mes angoisses. Je n’ai jamais fait d’IRM et je me demande si cela fait mal. En plus ceux qui ressortent de la salle ne me jettent même pas un regard, ils se contentent de se regrouper dans la cour, car nous finissons par l’épreuve de sport. Lorsque mon tour arrive enfin, j’entre dans la pièce. C’est en fait un couloir qui mène à plusieurs petites salles. Un médecin en blouse blanche m’attend devant la première et me fait signe de le suivre. Il s’installe derrière un tas d’écrans et m’invite à prendre place face à lui. Je frissonne tant la climatisation est froide. — Bonjour, Mademoiselle, commence le médecin. Pouvez-vous me confirmer votre nom, prénom et date de naissance ? — Eléa Gilban, je suis née le 14 février 234. — Très bien, mademoiselle, allongez-vous sur la table d’examen, je vous prie. Il commence par m’ausculter rapidement pour voir si je suis en bonne santé, puis il me fait passer dans une énorme machine. Au bout de quinze minutes, j’en ressors et il me demande de patienter un moment. — Mademoiselle Gilban, me dit-il au bout de quelques minutes, au vu des résultats du scanner, j’aurai besoin de vous faire passer un test complémentaire. — Heuh oui, ben, allez-y, répliqué-je, un peu décontenancée. Il s’approche de moi avec une sorte de casque hérissé de tiges de métal couvertes de petites électrodes. Je me contracte à la vue de l’objet. — N’ayez pas peur, me rassure-t-il. Ce ne sera pas douloureux. Ce casque va me permettre de mesurer un certain nombre d’éléments de votre cerveau qui ne peuvent pas l’être par l’IRM. Je hoche la tête, je n’ai jamais entendu parler de cette procédure, mais si le docteur l’estime nécessaire, c’est qu’il doit la pratiquer souvent. Il me place le casque sur le crâne et retourne derrière ses écrans. Je perçois le cliquetis des touches du clavier. Il agrémente son travail de « hum »… de « oh »… et de « intéressant »… « très intéressant » ! — Mademoiselle Gilban, pouvez-vous me dire combien vous avez eu à votre dernier test de QI, s’il vous plaît ? — Heuuu, j’ai eu 152, monsieur, le même résultat depuis pratiquement dix ans. — Hum… oui très intéressant, mademoiselle Gilban ! Il continue comme ça quelques minutes, puis revient vers moi et m’enlève le casque. — Voilà, nous en avons terminé, vous pouvez rejoindre vos camarades pour votre dernière épreuve. Il me serre la main puis me désigne la sortie — D’accord, merci, monsieur, bredouillé-je avant de m’éclipser. Je sors de la salle, complètement désorientée, je ne sais pas trop ce qui s’est passé là-dedans, mais une chose est sûre : mon test a duré beaucoup plus longtemps que celui des autres. Je rejoins mon groupe dans la cour. — Ah ben, ce n’est pas trop tôt demi-portion, dit Alex, qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? Il a eu du mal à trouver ton cerveau ? Félicia rit. — Et toi, Alex, ta tête est parvenue à se glisser dans l’IRM ou est-ce que le médecin a dû prendre des forceps ? Autour de moi, j’entends de petits gloussements. Je vois qu’Alex ne s’est pas fait que des amis en m’attendant. Félicia s’apprête à ouvrir la bouche, mais l’agent chargé de nous faire passer notre ultime test s’approche à ce moment-là. — Suivez-moi, il est temps de vous faire votre test de sport. Et dépêchez-vous un peu, nous avons pris du retard, précise-t-il en me regardant. Comme si c’était de ma faute ! Il nous conduit à l’arrière du grand bâtiment où je découvre un vrai parcours du combattant. Course rapide, sauts d’obstacles, escalade de panneaux de bois, cordes pour grimper, filets pour ramper, un parcours immense ! Un grand sourire me vient automatiquement aux lèvres. J’aime le sport, j’adore le sport, et ce que je vois me ravit. — Vous trouverez dans les vestiaires, qui se situent à votre droite, de quoi vous changer pour l’épreuve, allez vite passer les tenues et les chaussures. Tout le monde se dépêche et ressort quelques minutes après. J’ai la chance qu’il fasse beau et qu’ils nous aient prévu des shorts : vu ma taille, il aurait fallu que je fasse un double ourlet à un pantalon de jogging et ça m’aurait gênée pour l’épreuve. — Vous êtes prêts ? Nous acquiesçons. — Très bien, à mon coup de sifflet vous vous élancez sur le parcours. Vous devez le suivre dans l’ordre, c´est indiqué par des flèches, et être le plus rapide possible. Je serai là pour noter votre temps à l’arrivée, mais d’autres agents sont positionnés sur le chemin pour vérifier que vous ne trichez pas. Pour chaque obstacle franchi de façon litigieuse, j’ajouterai trente secondes à votre temps d’arrivée. Vous avez bien compris ? OK, positionnez-vous sur la ligne de départ, attention, 3… 2… 1… Tuuuuuuut. Au coup de sifflet, je m’élance ! Nous sommes nombreux, tout le monde se met à piétiner, sauf moi. J’ai l’impression d’avoir des ailes. Courir me libère de la tension de la journée. J’avale les obstacles sans difficulté. Même avec ma petite taille, j’arrive à grimper haut et vite. Je file comme une flèche, je rampe, je cours, je saute… mes muscles me brûlent, ma respiration se fait saccadée, mais je ne lâche rien. Je vois la ligne d’arrivée qui se rapproche et je redouble d’efforts. Enfin, je la passe. L’agent vérifie mon temps et note mon nom, affiché sur mon tee-shirt. Puis, il se tourne vers moi et me regarde avec des yeux ronds. C’est alors que je m’aperçois que je suis la seule à être arrivée. Tous les autres sont encore sur le parcours et ont l’air d’avoir quelques difficultés. Sauf Alex, qui me suit de près. Il me lance : — Qui aurait pensé qu’une petite chose comme toi parviendrait à faire tout ça ! Il se tient penché en avant, les mains sur les genoux et respire bruyamment. Moi, je marche de long en large en prenant de grandes respirations et en m’étirant. — Eh oui, Alex, ça a ses avantages d’être petite et légère ! Il ne répond rien et se contente de s’asseoir sur l’un des bancs. Je regarde un à un les adolescents arriver. Ils sont blêmes, transpirants, essoufflés, couverts de boue de la tête aux pieds pour certains ! Félicia est la dernière à passer la ligne d’arrivée et elle s’écroule sur le sol. Je la fixe un moment, hésite à aller voir si elle va bien, mais décide que non : elle ne le ferait pas pour moi. J’observe Alex. Il a également l’air de se demander s’il doit se lever pour l’aider, mais détourne les yeux. Un agent s’approche d’elle, l’aide à s’asseoir et lui donne de l’eau. — Bon, maintenant que vous êtes tous arrivés et que les scores sont notés, vous pouvez prendre une douche, vous rhabiller avant de retourner dans le hall d’entrée. Tout le monde se lève et se dirige vers les vestiaires. Je passe devant Félicia, qui a toujours du mal à tenir debout, sans la regarder. Après une bonne douche, je repasse ma tenue et me dépêche de regagner le hall d’entrée, j’ai hâte de retrouver mes amis. Je les repère tout de suite, ils sont assis sur des chaises devant la salle n°1. Je les rejoins en courant. — Coucou, vous deux, alors comment ça va ? — Eléa ! crient-ils en chœur. Nous nous mettons à parler tous en même temps. Aurore lève les mains et nous nous calmons. — Eléa, dis-nous comment ça s’est passé pour toi ? — Très bien. Quelques difficultés en maths, mais dans l’ensemble, tout s’est bien déroulé. Et vous deux ? — Plutôt pas mal, me répond Simon, finalement ce n’est pas tellement compliqué, j’ai l’impression que nous nous en sommes fait une montagne pour pas grand-chose. Aurore reprend : — Oui, c’est vrai que j’ai trouvé les tests relativement simples, bon je t’avoue que, comme d’habitude, je n’ai pas brillé sur l’épreuve de sport, mais ce n’est pas une nouveauté. Simon s’en est très bien sorti. Je suppose que, pour toi, c’était une formalité. Je prends un air gêné et réponds : — Oui, ça a été, en plus c’était ma dernière épreuve, du coup je me suis défoulée. Par contre, Félicia a vraiment souffert, et ça, ça fait plaisir ! Aurore et Simon rient. — Nous étions en train de parler de l’IRM, m’explique Simon, et apparemment nous n’avons pas vécu la même chose. — Comment ça ?
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