Le lendemain, 13 septembre, port du Yaudet, Côtes-d’Armor.

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Le lendemain, 13 septembre, port du Yaudet, Côtes-d’Armor.Bien à l’abri sous la chapelle où repose la Vierge couchée, le petit port du Yaudet, situé à l’embouchure du Léguer, s’éveille doucement. Une pluie fine tombe depuis le milieu de la nuit mais ne suffit pas à décourager les pêcheurs les plus courageux. C’est le cas de Gildas Cado et Hervé Losquet qui sont à pied d’œuvre sur leur Capelan, baptisé “Enfin seuls”, depuis 7 heures du matin. La marée n’attend pas et les homards non plus. Surtout quand on connaît le nombre de voleurs de casiers dans le secteur. Les amarres sont larguées et après avoir avalé, tradition oblige, une gorgée de muscadet au goulot, le petit bateau quitte son mouillage au doux bruit d’un moteur ronronnant comme un chat apprivoisé. L’humeur joyeuse, les voilà maintenant dans la baie de la Vierge, avec la pointe de Servel sur tribord et la pointe du Dourven sur bâbord. Le Capelan avance en douceur, nullement gêné par cette mer de curé aux pensées si pures qu’un ange s’y perdrait. Bientôt dix minutes qu’ils avancent sans autre souci que de se raconter les faits divers de la veille lus dans Le Télégramme ou V Ouest-France du matin, ou entendus sur Radio bleu, Variation FM, ou Plestin FM, les trois principales radios du secteur. Pas une ligne, pas une phrase sur les meurtres de la veille, ils naviguent donc avec l’insouciance bienheureuse des pêcheurs de plaisance qui se disent qu’aujourd’hui, ils vont se faire la pêche de leur vie. Lieus, maquereaux, bars et autres homards, numérotez vos abattis. Ça, c’est ce qu’ils se disent en traversant, en toute décontraction, la baie de la Vierge, cap sur le large. Le jour s’est maintenant franchement levé et, même s’ils parlent d’autre chose, ils ne peuvent s’empêcher d’admirer la “sauvagerie” du paysage qui les entoure, libre de toute construction humaine intempestive. La joie de vivre et de partager ce plaisir avec un bon copain règne à bord, l’insouciance aussi. Sur ce petit esquif, ils se croient au bout du monde, débarrassés des ennuis du quotidien et de ces vicissitudes familiales ou conjugales qui, “peu ou prou (voire poupe)”, pourrissent leur vie. Pendant que l’ex-madame Losquet savoure sa liberté de femme divorcée, l’épouse de Cado apprécie à sa juste valeur cette solitude bienvenue, tandis qu’eux se réjouissent à deux cents pour cent de cette absence de contrainte matrimoniale. Et en profitent pleinement. Dommage que quelqu’un, bien engoncé dans les herbes de la pointe du Dourven, déserte à cette heure matinale, en ait décidé autrement. Le Capelan n’est plus qu’à quelques encablures du promontoire rocheux, n’est plus qu’à quelques mètres de la baie de Lannion, quand un coup de feu claque dans le silence de l’aube. Le bruit est sec, court et pourrait être confondu avec celui d’un pot d’échappement mal réglé. Pourrait. Pourtant, ce n’est pas le bruit d’un pot d’échappement qui fait s’écrouler le barreur du Capelan, c’est bien une balle, tirée par ce qu’on appelle communément un sniper. Une balle qui n’a pas raté son objectif. Gildas Cado, jusque-là joyeux drille et heureux barreur d’un sympathique bateau de pêche-promenade, se retrouve beaucoup moins alerte et, pourquoi le cacher, complètement mort, la tempe défoncée par une balle tirée à longue distance, par quelqu’un dont le talent de tueur peut difficilement être contesté. Le bas de son visage reste pourtant impassible. Alors que le Diable de Locquirec vient de faire sa troisième victime. Au tour de la gendarmerie de Lannion d’affronter les affres du serial killer qui rôde dans le secteur... *
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