Chapitre 1

1988 Words
Assis sur un fauteuil dans le bureau de son feu père et tenant un verre de whisky dans la main, Mathias regardait attentivement le détective qui se tenait également assis en face de lui, de l’autre côté de la table. -Etes-vous certain de ne rien connaître au sujet de l’héritière miraculée ? Vous êtes pourtant son unique confident, redemanda Mathias au détective de son père. Il était persuadé que monsieur Smith était au courant de tout. Le Maréchal n’aurait quand-même pas fait les recherches lui-même assis dans son bureau et en face d’un ordinateur qu’il maîtrisait fort peu. Monsieur Smith en savait nécessairement quelque chose. Qu’importe qui était cette héritière miraculée, elle se trouvait néanmoins quelque part et il avait besoin d’elle pour accomplir sa vengeance sur Martha. -Mathias, ton père avait ses secrets à lui seul, répondit le détective d’une voix calme. Trop calme pour convaincre Mathias. Il se leva de son fauteuil et vint s’assoit sur le côté vide du bureau, en face de la baie vitrée. Il réfléchissait. Il se posait des questions. C’était peut-être une ruse, un moyen qu’avait trouvé son père de lui compliquer la vie, même après la mort. Mathias baissa alors la tête sur cette pensée et se dit : -Si simplement père savait, je souffre déjà assez. -Que dis-tu ? Questionna le détective dans son dos. C’est alors que Mathias s’aperçut qu’il pensait à voix haute. Il se prit en pitié et pour l’une des rares fois, il ressentit le besoin de parler de ses peines à quelqu’un. Il pencha alors la tête vers le confident de son père et lui offrit un sourire crispé, mais à vrai dire, il était soucieux. -Je me posais des questions, avoua-t-il. -Tu te poses des questions, répéta monsieur Smith d’une voix lasse. Il continu en disant, nous le savons tous, l’héritage ne t’intéresse pas, alors dis-moi, qu’espères-tu découvrir ? Vu que Mathias restait silencieux, le détective eut ainsi sa réponse et se leva de son siège. Il vint poser une main sur l’épaule de Mathias, comme le faisait le Maréchal autrefois. Monsieur Smith voyait Mathias comme un fils, il l’avait vu grandir, il l’avait vu se construire une vie, un nom. Il l’avait vu vivre plusieurs péripéties, et pire, il l’avait vu aimer Martha. Il trouva dommage de le voir encore embarqué dans une autre mésaventure si tôt, mais il ne pouvait rien pour lui venir en aide. Il retira sa main du dessus de l’épaule de Mathias et ramassa sa veste. -Sois en convaincu, si le Maréchal dit que Caroline Owens est ta fille, alors c’est qu’elle l’est. Sur ce, le détective sortit du bureau. Mathias le regarda partir jusqu’à ce que la porte du bureau se referme. Il s’en voulait de se sentir si faible. Deux semaines déjà qu’il ne passait que des nuits blanches, des questions fusaient dans son esprit et il avait des pluies de pourquoi en lui. Il revoyait l’image du Maréchal lui prodiguant jadis, des avertissements. Des avertissements qu’il aurait dû prendre en compte, se dit-il. Il se demandait à présent la vraie raison pour laquelle il recherchait l’héritière miraculée. Était-ce uniquement pour se venger de Martha ? Ou était-ce parce qu’il souhaitait également rencontrer cette héritière miraculée ? Sa fille. Non, ça soi-disant fille, se corrigea-t-il. Mathias eut honte de cette confusion qu’il se faisait lui-même. Bien que sachant qu’il soit impossible que cette opportuniste soit sa fille, une partie de lui souhaitait secrètement qu’elle soit la sienne. Il eut honte de se rendre compte qu’il nourrissait encore des envies secrets de devenir père malgré le martyr que lui avait fait vivre Martha. Mathias se leva d’un bon et dans un mouvement brusque, il renversa son verre de whisky contre le mur en face de lui. Il vint se poster devant la baie vitrée et se mit à contempler le fabuleux jardin et alors il imagina des enfants joués entre ces fleurs et des éclats de rires remplis le manoir. Il s’imaginait bercer de ses longs bras, un petit ange devant ce beau jardin ou encore, y installer une maisonnette en bois pour le bonheur d’un enfant. Ses pensées s’envolèrent une fois de plus vers la jeune héritière miraculée. Miraculée était-elle vraiment car personne ne s’attendait à ce qu’elle vole la vedette. Le cœur de Mathias avait peut-être réussi à se fermer aux femmes, au point de les détester toutes, mais il était toujours passionné par les enfants. Qui était cette Caroline qui portait apparemment son nom ? C’était cela la question qui le troublait le plus et il souhaitait connaître les raisons pour lesquelles le Maréchal avait choisi de faire d’elle une des leurs ? Une Owens. En plus de tout cela, quel genre de femme pouvait-être la mère de cette Caroline pour avoir accepté participer à une telle comédie ? Faire de sa fille l’héritière des Owens était-ce un objectif pour elle aussi ? Mathias pouffa en se disant qu’elle était certainement une femme comme Martha, le genre de femme dont l’amour du matériel surpassait toutes autres choses. Il prit alors la décision de lui faire payer à elle aussi, tout comme à Martha, d’être des femmes cupides. Mathias venait de décider ainsi d’arracher l’héritière miraculée à sa mère et d’en avoir la garde exclusive. Il se réjouissait à l’avance de faire d’une pierre deux coups, et mieux encore. Lorsqu’il aura la garde exclusive de l’héritière miraculée, Martha perdra toutes possibilités d’accéder à l’héritage et d’un autre côté, la mère de Caroline perdra sa fille et n’obtiendra non plus aucune compensation en échange. Quant à lui, il réalisera l’un de ses rêves, il sera père, et il élèvera l’héritière miraculée comme sa vraie fille. Mathias heureux de son plan prometteur, vit que non seulement il fera d’une pierre deux coups, mais plutôt trois coups. Il quitta alors la baie pour prendre des dispositions afin de retrouver celle qui sera bientôt sa fille, son héritière. Mathias ne la voyait plus comme étant l’héritière miraculée, non, à présent, Caroline Owens était pour lui, la désirée. Il eut l’envie de faire part de son plan ingénieux à son meilleur ami, Paolo Bianchi. Hélas, ce dernier avait pris l’envol pour l’Italie depuis la mort du Maréchal et il l’avait laissé sans nouvelle. Un moment après, deux hommes entrèrent dans le bureau éclairé uniquement part quelques rayons de soleil. Habillés en costume noir tous les deux, ils semblèrent terrifiants. Mathias, quant à lui, était brouillon et simplement habillé d’une chemise blanche au col délaissé et dont les boutonnières étaient vacantes. Ses cheveux noirs s’entremêlaient, mais cela ne le rendit par moins autoritaire et moins fier. -La tâche est simple, ce bureau contient sûrement des preuves que je ne peux déceler, utilisez-les et retrouvez-moi l’héritière miraculée. Les deux hommes acquiescèrent avec de simples hochements et s’apprêtèrent à sortir du bureau, mais ils furent arrêtés par Mathias. -Attendez ! Ramenez-moi au passage Paolo, c’est maintenant que j’ai besoin de lui. Des heures après, Mathias ressentit une présence étrangère dans le bureau et à l’aide des bruits de talons qui tambourinaient sur le sol de marbre, il sût que c’était une femme. -Je ne veux voir personne, gronda-t-il sans jeter un regard à son invitée. -Même pas moi ? Questionna la voix féminine. Mathias redressa vivement la tête et ses yeux s’assombrirent. Martha se trouvait en face de lui, toujours avec la même élégance que d’habitude. Lorsqu’il croisa le regard lubrique que lui lançai son ex fiancée, et ses deux yeux bleus qui l’attiraient autrefois, il en fut dégouté. Mathias déposa le stylo qu’il tenait à la main et se cambra dans son fauteuil. Promenant son regard sur la femme qui se tenait devant lui, il ne se rappelait plus des raisons pour lesquelles il avait voulu faire d’elle son épouse au point d’en avoir perdu son humanité. L’unique attribut plaisant que Mathias voyait à présent chez Martha était sa silhouette bien dessinée. Le reste ne fut qu’artifices et mensonges, perfidies et simulations. -Tu n’es pas content de me voir ? S’enquit Martha en fronçant les sourcils. Content ? Qui le serait, s’interrogea Mathias. Il voulut lui confirmer le contraire mais se ravisa, ça n’en valait pas la peine, pensa-t-il. Comment pouvait-il être content, en ayant devant lui la femme sur qui, il avait misé tout son futur et son bonheur mais qui sournoisement avait préféré aller à la quête d’une fortune plus colossale que la sienne. Non, il n’était pas content de la revoir. La mâchoire de Mathias se contracta sous l’influence de la colère et il observait Martha jouer avec ses mèches blondes et se déambuler délicieusement afin de le séduire. Mathias la reconnut bien là, c’était l’une de ses performances. Il pouffa pour ne pas en rire ouvertement. -Que veux-tu Martha, je suis occupé, s’agaça Mathias. -Pourtant, il n’y a pas si longtemps, tu trouvais toujours du temps pour moi. Même plus qu’il en fallait d’ailleurs, rit Martha. Elle n’avait pas tort, songea Mathias les doigts crispés contre sa tête, il n’y avait pas si longtemps, il lui aurait consacré toute sa vie. Mais à présent, les choses avaient changé. Martha se rapprocha dans une démarche féline et balaya du revers de la main, les papiers qui se trouvaient sur le bureau devant Mathias puis s’assit en face de lui. -L’amour est tombé à l’eau Martha, répondit-il la mine serrée. Martha aucunement outrée par sa réplique, s’abaissa et posa la naissance de ses doigts sur le torse musclé de Mathias, qui se raidit aussitôt à ce contact. -Aucun de nous deux ne s’est noyé pourtant, dit-elle. -Non heureusement ! répondit Mathias en attrapant la main baladeuse que trainait Martha sur son torse. Il se leva de son fauteuil en ajustant sa chemise et vint se poster en face d’un portrait du Maréchal accroché au mur. Son père l’avait pourtant prévenu sur le genre de femme qu’était Martha mais il s’était entêté. Il était tellement épris d’elle qu’il ne s’était pas rendu compte de la réalité. Mathias se passa une main dans les cheveux et se jura que plus aucune femme n’aurait encore cette chance avec lui. Aucune femme ne se jouerait encore de lui. Mathias se retourna finalement et fit face à Martha qui s’était aussi retourner pour lui fait face. - Non heureusement, aucun de nous deux ne s’est noyé. Comme on le dit souvent, tout vient à point à qui sait attendre, dit Mathias avec un rictus sur les lèvres. -Que veux-tu dire par là ? Questionna Martha maintenant debout, juste en face de Mathias. Mathias plongea ses mains dans les poches de son tailleur et fixa Martha dans les yeux. -Tu as eu l’honneur d’épouser mon oncle pour être plus proche de l’héritage, et moi j’ai eu la grâce de gagner une fille, donc tout vient à point à qui sait attendre. Mathias voyait cela comme une vengeance suffisante mais il ne souhaitait pas s’arrêter là avec elle. Il aurait pu tout perdre s’il avait été impatient. Il aurait pu l’obliger à se marier avec lui, mais ne fit rien. Martha allait, peut-être, rater l’opportunité d’être dans la liste des héritiers mais lui, il allait sans nul doute rater l’opportunité de gagner une fille. -En parlant de Caroline, où est-elle ? Questionna Martha. Mathias devina que c’était la raison de sa venue et lui sourit. Il se dit que Martha ne changera donc jamais. Il la dépassa et vint lui ouvrir la porte en lui demandant de sortir. -Retrouve-là Mathias, retrouve-là, ajouta Martha avant de disparaître derrière la porte. Mathias referma la porte une fois que le parfum de Martha fut entièrement dissipé. Croisant ses bras sur sa poitrine, il se positionna devant la baie vitrée et contempla de nouveau le jardin. Il se dit en lui-même : -Je te retrouverais Caroline Owens.
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