VII (7)Thom entre dans une petite cabine, digne de celle d’un galion espagnol. Collées aux murs, des bibliothèques pleines de livres et de vieilles cartes en vrac ; des livres de géographie, d’astronomie, d’astrophysique, de climatologie, de zoologie, d’anatomie… des cartes de zones terrestres, mais aussi lunaires et martiennes. S’animent quelques globes planétaires au plafond.
Au centre de cet univers, un bureau solide en bois de hêtre sur lequel est posée une maquette de navire à voile du temps de la « Fière Marine d’Abordage », accompagné d’un siège de noble facture sur lequel trône un être au physique hulkhoganesque, rouge de peau, dont le visage est ceint d’une barbe archiducale à l’austro-hongroise, barbe dont le gris tend vers le blanc, fort de quatre bras qui semblent plus durs que le roc, vêtu d’un simple tricot de marin alternant lignes blanches et bleu clair, et d’un pantalon blanc. À un porte-manteau est accrochée sa large veste bleu marine.
Cet humanoïde, tout en maniant habilement un compas d’une main, une règle d’une deuxième, porte un haltère d’une troisième et martyrise un sac de frappe avec la dernière.
S’arrêtant soudain de cogiter, il lève les yeux vers la porte. Puis se lève silencieusement, mais maladroitement. « Thom des Plateaux Verdoyants, je te présente le grand Nessos Thot, Capitaine des Corsaires de Mars. »
Pour être grand, il l’est, à n’en point douter. Le Terrien ne voit même plus le plafond, quand le marin se pose devant lui. « Il doit bien mesurer deux mètres de haut et presque autant de large » pense-t-il.
« Bonjour moussaillon, dit-il d’une voix grave tout autant qu’amicale. J’espère que tu as bien dormi. Oh, oh, oh !
— Admirablement, capitaine.
— Parfait, parfait.
— Comment vous fournissez-vous en poisson ?
— Hum… eh bien… sache, moussaillon, que tous nos poissons sont congelés depuis des millénaires.
— Mais… mais leur goût… il est…
— … intact.
— Comment ?
— Méthode corsaire, directement inspirée des vieilles traditions scandinaves.
— Impressionnant… »
Nessos, arpentant l’une des bibliothèques d’inspiration XVIIIème, en revient avec un livre, qu’il dépoussière tant bien que mal.
« Assez parlé gastronomie, connais-tu les Maoriars ?
— Oui, ce sont des guerriers martiens sauvages et indisciplinés, qui ne connaissent que la brutalité et le désordre.
— « sauvages et indisciplinés »… c’est donc tout ce que l’on vous apprend à l’Académie ?
— Il est dit aussi qu’ils fuient devant un adversaire résistant plus de deux minutes.
— Quoi d’autre ?
— Qu’ils sont anthropophages et v*****t toutes les femmes qu’ils croisent. »
Le capitaine faisant volte-face, ne cessant de marcher dans tous les sens, se remémore chacune des assertions académiques. « Mon pauvre garçon, tout ton enseignement est à revoir. Tiens, prends ce grimoire.
— Merci. « Code moral du Maoriar ».
— Exact.
— « Préambule : Le Maoriar doit être le plus viril des guerriers et le plus galant des amants. »
— Continue.
— « Si un Maoriar se montre indiscipliné et manque de quelque manière que ce soit aux préceptes énoncés en ce code moral, s’il contrevient donc au Maoriar-O, déshonoré, il devra se retirer dans la montagne, pour y mourir sage. »
— Moralité ?
— Je vais en faire mon livre de chevet.
— Mieux encore, moussaillon. Je vais te former au Wu Maoriar. »