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1411 Words
Le regard perdu dans le vague, Alexeï regardait distraitement les nombreux papillons virevolter dans le ciel par cette saison. Le printemps avait bien débuté et les feuilles désormais rouges, tombaient sans cesse. Ces bestioles avaient comme le don de le calmer et de guérir sa frustration qui ne cessait de grandir de jour en jour. Assis sur le petit lit défait, le dos nonchalamment posé contre le mur au carrelage froid, Alexeï caressait de ses iris gris, la petite pièce qu'il occupait depuis maintenant deux semaines. Pour un homme de son rang, vivre dans ce petit carré l'horripilait encore que la propreté laissait fortement à désirer. Il repensa à sa propriété pourtant si bien rangée qu'il avait dû délaisser sous contrainte. À cette pensée, il se mordit la lèvre inférieure jusqu'à sentir le liquide rouge au goût métallique envahir ses papilles gustatives. Il ignorait comment une personnalité de son rang avait pu s'enliser à ce point dans une situation aussi désespérée. Lui, le duc de Huntigamm, se retrouvait coincé entre les quatre murs d'une prison qui malgré la beauté de la façade extérieure, demeurait sordide. Pis, il se trouvait qu'il fut entouré depuis le début, d'une b***e d'incapables mais surtout incompétente qui n'arrivait toujours pas à lui trouver un avocat. La preuve, ce fut la énième tentative qu'il allait devoir exécuter.  Sa confiance ayant été soumise à rude épreuve, il lui fallait quelqu'un de plus fiable mais surtout discret. Et son frère Dove était tout désigné pour la tâche. Il ne lui avait pas fallut plus de temps que prévu, qu'il avait su répondre à ses désirs qui se faisaient de plus en plus pressants, au fur et à mesure que le temps passait. Son emprisonnement n'était plus à l'insu des gens, amis comme ennemis et sa notoriété avait perdu de sa valeur. La veille, Dove avait pris le soin de le contacter pour l'informer de sa prochaine rencontre avec son nouvel avocat. Dès lors que la nouvelle avait fait écho dans sa tête, il n'avait eu de cesse de penser à sa vie d'homme libre qui reprendrait son cours. De ce fait, ses nuits furent peuplées de rêves tous aussi prometteurs que dangereux. Sa revanche allait être terrible. Mais pour le moment, le long chemin qu'il pratiquerait avec son avocat pour aboutir à sa libération, serait semé d'embûches et d'obstacles en tous genres. De cela, il en avait conscience. Le duc détourna son regard. Des bruits de pas se firent entendre, sortant le milliardaire de sa torpeur. Puis, de nombreux bruits s'en suivirent. De sa cellule, Alexei pouvait clairement distinguer la voix de ses co-détenus. Mais il détourna le regard, se concentrant de nouveau sur sa contemplation. - Debout!, hurla un homme en tenue après avoir ouvert la porte de la cellule à la volée, troublant le duc dans sa contemplation.  Il s'agissait du surveillant COLE. Alexei le détailla rapidement. C'était un homme menu. La soixantaine à peine, et malgré sa frêle silhouette, la grosseur de son ventre rivalisait avec son tour de taille, menaçant de faire craquer la chemise bleue à manches courtes qu'il portait. Ses bottes en cuir, entrant en contact avec le sol parfaitement cimenté, donnait lieu à des répercussions sonores plus qu'agaçantes. Alexei souffla. De ce genre de vacarme, il avait l'habitude. Aussi, avait-il appris à faire fi des commentaires plus qu'obscènes ou des ordres insensés, lancés autant par les gardiens de cellules que des détenus à son encontre. Mais bientôt, il n'aurait plus à supporter ces sottises, car le moment était venu pour lui de sortir de cette prison aux tons machiavéliques. - Vous avez de la visite, compléta-t-il en frappant la porte de sa matraque noire. Le duc ne se fit pas prier. S'appuyant sur ses deux poings, il se leva du lit défait, mais grimaça de douleur quand il eut statué sur ses deux jambes. Depuis quand était-il resté assis près de la seule fenêtre de cette pièce? Il ne saurait le dire mais ce dont il était au courant, fut que les courbatures se faisaient sentir. Sans ménagement, le surveillant le contourna rapidement pour se positionner dans son dos. Immédiatement, le duc tendit ses poignets puis, il fut menotté. Au clic de la fermeture de l'objet, le surveillant fit pression dans le dos de son prisonnier qui se mit en marche. Malgré la douleur intense qui lui radiait les membres, Alexei poursuivit sa marche, toujours suivit de son tortionnaire jusqu'à la salle d'attente. Dès qu'ils furent entrés, il reconnut rapidement son frère Dove et quand il s'assit toujours menoté, un semblant de sourire se forma sur ses lèvres. Mais ce court moment de bonheur se dissipa à la vue de la jeune femme qui fût assise auprès de son frère. Une colère noire s'emparra de son être quand il comprit, à la vue de ce porte document posé lestement sur la table, que son avocat n'était autre qu'une femme. Que diable avait-il pris à Dove de lui prendre une jeune femme comme défenseur? - Aurais-tu perdu le peu d'esprit qu'il te restait?, demanda Alexei à l'endroit de son frère dans une langue propre à leur origine. Choqué, le visage précédemment joyeux de ce dernier, s'assombrit. Il baissa d'abord les yeux puis inspira. Alexei attendait des explications et pas des moindres car à la petite erreur, il pourrait bien finir ses jours au fond d'un ravin.  - Tu n'as pas le choix, Alexei, répondit Dove dans la même langue. Tes comptes bancaires ont été gelés et je n'avais pas le moyen de te prendre un avocat de ce nom. J'ai été obligée de demander des services à cette jeune femme qui a accepté de te défendre. Aucun avocat n'avait envie de te mettre à dos. Alexei posa ses iris sur la jeune femme. Depuis les quelques mots qu'ils échangeaient, elle était restée docile. Le duc remarqua alors ses cheveux chatins négligemment tressés en une longue queue de cheval ainsi que ses iris de la même couleur. Ses yeux en amande recouverts par de longs cils noirs ainsi que ses lèvres roses et pulpeuses complétaient cette peau métissée et soyeuse qui avait néanmoins très rapidement perdu de sa couleur. La jeune avocate n'avait rien de commun avec ses bureaucrates classiques adeptes des chignon stricts. Elle avait une quelque attitude décontractée. Alexei ne sut pourquoi, mais dès que son regard se posa sur ses mains fermées en un poings, il devina que la jeune femme était tétanisée. Le duc sourit en son fort intérieur. Ce fut une jeune femme charmante certes, mais ce n'était pas la beauté qui allait l'aider à acquérir sa liberté. - Pourrez-vous me défendre?, demanda t-il de but en blanc à la jeune femme, délaissant la conversation avec son frère. La jeune avocate sursauta légèrement. Elle ne s'était pas préparée à ce revirement de situation. Un instant plus tôt, son client discutait en une langue étrangère avec son frère, puis la minute d'après, il la questionnait. Reprenant son courage afin de paraître la plus professionnelle possible, elle darda son regard dans le sien.  - Je... Bonjour... - Ce n'est pas la peine, maître, coupa Alexei d'une voix qui se voulait rassurante. Vous pouvez retourner d'où vous venez. Gardien!  Et sans plus attendre, elle le vit se lever. Le surveillant qui s'était précédemment retiré, revint dans la pièce pour se saisir du détenu. Sans plus aucun regard, le milliardaire retourna à sa cellule. La jeune avocate baissa la tête de déception.  - Veuillez l'excuser, maître Foster, dit Dove en posant la paume de sa main sur son épaule. Tout est de ma faute. J'aurai dû mieux le préparer à cette rencontre. Je suis désolé. Ce n'est pas facile pour mon frère. L'avocate hocha la tête. Elle comprenait tout à fait la situation que vivait son client. Cela n'avait jamais été facile pour quelque personnalité que ce soit de se retrouver trempé dans des conflits ou encore derrière les barreaux. Ils se montraient donc insolents voire même désagréables, mais elle avait l'habitude et son mentor l'y avait longtemps préparé durant ses années de stage. Cependant, la tâche ne serait pas facile vu qu'elle aurait à supporter les caprices d'un milliardaire pressé de retrouver sa liberté. Et vu les nombreuses dettes qui manquaient de l'ensevelir, elle n'avait pas d'autre choix que de le forcer d'accepter qu'elle puisse le défendre. Même si ce n'avait été qu'un début, elle eut foi que la fois prochaine, le duc aurait les idées plus claires pour s'entretenir avec elle.
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